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Liliana Rojero

Entretiens

Soumis par iKNOW Politics le
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July 29, 2008

Liliana Rojero

Secrétaire général de l'Institut national de la femme (Instituto Nacional de las Mujeres-INMUJERES)

"Je considère iKNOW Politics comme un outil extrêmement important qui devient de plus en plus accessible à un plus large public. Les femmes sont nombreuses é rechercher des outils qui les aident à avancer en politique. Le travail en réseau nous permet de nous unir et de devenir plus fortes." - Liliana Rojero

iKNOW Politics: Quels défis avez-vous eu à relever en tant que femme au cours de votre carrière politique et, actuellement, en tant que Secrétaire général de l'Institut national de la femme (Instituto Nacional de las Mujeres, INMUJERES) au Mexique? Votre expérience de leader vous a-t-elle aidée? En quoi?

Je suis dans la politique et je participe à des campagnes depuis l’âge de treize ans. Le déroulement d’une campagne est, à mon sens, un vrai défi. Il s’agit de gagner ou de perdre, dans un laps de temps déterminé, avec des ressources limitées. C'est là une des aventures les plus intéressantes que j'aie jamais vécues. J'ai été Secrétaire du Mouvement des jeunes du Partido Acción Nacional de México (PAN) et Coordinatrice universitaire au niveau de l'Etat, avant de travailler, en 2000, dans le secteur de la jeunesse au sein de l'équipe de transition de l'ancien Président Vicente Fox.

J'ai également été conseillère près la Commission aux affaires autochtones du Sénat, Directrice pour l'égalité et les jeunes à l'Institut mexicain de la jeunesse (Instituto Mexicano de la Juventud), Directrice nationale pour la promotion de la femme en politique pour le Comité exécutif national du PAN, Directrice de la planification intégrant une perspective sexo-spécifique pour le Secrétariat pour le développement social, coordinatrice du Réseau de femmes pour la campagne du président Felipe Calderón, et Conseillère nationale pour le PAN. J'ai travaillé au sein de l'équipe de transition de notre actuel président et occupe en ce moment le poste de Secrétaire général d'INMUJERES.

Les défis que j'ai eu à relever consistaient principalement à diriger des équipes de travail en fonction des buts fixés et à en évaluer les résultats, à promouvoir des synergies, à réformer les modalités de travail et à nouer des alliances politiques avec des partis et des idéologies autres que la mienne afin d’asseoir une plateforme commune pour le progrès. Ma formation et mon expérience m'ont beaucoup aidée, notamment dans l’exercice des responsabilités que j'ai assumées ; néanmoins, j’ai encore un long chemin à parcourir pour grandir, apprendre et mûrir.

iKNOW Politics: Vous êtes la plus jeune des secrétaires généraux qu'INMUJERES ait jamais eus. Le poste que vous occupez se situe au niveau ministériel, ce qui fait de vous un des vice-ministres les plus jeunes du Mexique. Votre jeunesse et votre condition féminine vous ont-elles exposée à des difficultés ou à des obstacles particuliers ?

Oui, notamment aux épreuves incessantes auxquelles nous autres femmes devons-nous soumettre pour prouver que nous savons, que vous pouvons et que nous voulons mettre en œuvre des plans conjointement avec nos consœurs d'autres institutions. Mais il vaut la peine de montrer ouvertement que nous sommes là pour rester. Il y a de nombreux obstacles, dont beaucoup d’ordre culturel. La jeunesse suscite résistance et scepticisme de la part de ceux qui croient qu’on n’y arrivera pas.

iKNOW Politics: De quelles attributions particulières INMUJERES est-il doté dans le domaine de la parité, et notamment au chapitre de la participation des femmes en politique ? Peut-il faire preuve d’initiative en matière législative ? Est-il habilité à appliquer des normes et des sanctions ?

INMUJERES peut proposer toute une série d'initiatives. Nous avons un programme de travail législatif, que nous préconisons et coordonnons avec les différents groupes parlementaires et avec l’ensemble des partis politiques. Nous assumons une très lourde responsabilité, que nous confère la Loi générale sur l’accès et le Programme national pour l'égalité entre hommes et femmes, qui comportent un chapitre spécifiquement consacré à la participation à la vie politique. Nous croyons qu'il ne saurait y avoir développement ou démocratie sans la pleine participation des femmes, une participation de premier plan, à égalité.

C’est pourquoi nous mettons au point diverses stratégies pour renforcer et reconnaître la participation des femmes. L'article 25 du budget 2008 nous habilite en outre à surveiller les dépenses publiques. Toute institution qui n'honore pas ses obligations au chapitre de l’égalité des chances entre hommes et femmes est vouée à subir des coupes budgétaires. INMUJERES peut donc, dans une certaine mesure, imposer des sanctions administratives aux ministères qui ne se conforment pas aux dispositions des accords conclus avec l’Institut.

iKNOW Politics: En tant qu’organe public, INMUJERES tire sa légitimité de l’Etat et exerce une activité bien implantée au Mexique, ce qui le différencie d’autres organes du même genre situés dans d'autres pays. Comment INMUJERES a-t-il vu le jour ? A-t-on pris pour référence une institution analogue de la région ? Quelles sont, selon vous, les caractéristiques fondamentales qui assurent le succès d’INMUJERES?

INMUJERES a vu le jour en application de plans pour l'égalité mis en œuvre pour la première fois en Europe. Il résulte de la lutte du mouvement féministe mexicain, qui a réclamé pendant des années la création d’un tel institut en tant qu’instance normative et référence en la matière, et pas simplement comme un organe d’exécution. L'initiative s’est consolidée avec l’approbation à l’unanimité, en 2000, d’une première loi, suivie de l’adoption de diverses mesures administratives visant à le renforcer.

Le gouvernement précédent avait consenti des efforts considérables pour institutionnaliser une approche sexo-spécifique ; désormais, nous bénéficions de plus grandes attributions que nous a confiées la Chambre des députés. Nous supervisons l’utilisation de 7 milliards de pesos, qui représentent un pourcentage significatif du budget total du pouvoir exécutif. Nous croyons que ce renforcement institutionnel fait partie de nos attributions, notamment pour ce qui touche aux mécanismes pour la promotion de la femme au sein des organes de l’Etat à tous les niveaux, y compris au niveau local. Nous créons diverses alliances censées nous permettre de travailler tous ensemble, dans le cadre de nos compétences respectives, à un programme commun.

iKNOW Politics: Quelle est l'importance de la Loi générale pour l'égalité entre hommes et femmes en termes de participation politique des femmes ? Quels progrès ont-ils été accomplis dans ce domaine depuis son adoption ? Quel est le rôle d'INMUJERES dans sa mise en œuvre ?

La Loi générale mexicaine pour l'égalité entre hommes et femmes se compose de trois volets : Le premier est le Programme national pour l'égalité entre hommes et femmes, programme spécial qui définit les objectifs stratégiques intersectoriels de l’ensemble des institutions. Il est repris dans le Programme de développement national du Président Felipe Calderón, qui énonce, dans sa Stratégie 3.5, l'obligation d'assurer l'égalité des sexes d'ici à 2012, et qui en fait une question intersectorielle, faisant en sorte que le travail de toutes les institutions intègre une obligation de parité. Le Programme national pour l'égalité entre hommes et femmes comporte tous ces objectifs. Il a été présenté le 10 mars et son introduction proclamée par le Président en tant que programme du Gouvernement fédéral.

Le deuxième volet est le Système national pour l'égalité des sexes, qui se compose de toutes les institutions de l'Administration publique fédérale, sous la coordination d’INMUJERES. Ce système inclut également les entités gouvernementales à différents niveaux et les mécanismes de promotion de la femme. Nous visons des objectifs stratégiques clairs et précis afin de réaliser l'égalité des chances dans tous les secteurs de l’administration publique au niveau de la Fédération, des États et des municipalités. Le troisième volet est la Commission nationale de droits de l'homme, qui assure le suivi des progrès accomplis dans les mesures que nous prenons, c’est-à-dire les résultats et les incidences de la politique publique dans la vie des femmes et dans la société. La Commission nationale de droits de l'homme est chargée de formuler des recommandations et peut nous imposer des sanctions en cas de non-exécution de nos obligations.

iKNOW Politics: Les femmes autochtones actives en politique ont à relever des défis particuliers qui viennent s’ajouter à ceux auxquels font face les femmes en général. Comment les problèmes des femmes autochtones, et en particulier des femmes autochtones qui participent ou qui veulent participer à la vie politique, sont-ils pris en compte dans le programme de travail d'INMUJERES?

L'objectif n°1 du Plan national pour l'égalité prévoit une stratégie qui s’adresse très nettement aux femmes autochtones d'un point de vue non ethnocentrique. Cet objectif ne leur impose aucun modèle de développement. Au Mexique, on a imposé aux autochtones des modèles de développement qui avaient pour effet de faire disparaître leurs langues et leur culture en général. Ces modèles ont abouti à des échecs retentissants, qui ont provoqué notamment l’apparition de l’Armée zapatiste de libération nationale. C’est pourquoi nous croyons que ce sont les communautés elles-mêmes, et leurs femmes, qui doivent déterminer leur propre programme de développement et la nature de leur participation en politique. Au Mexique, les systèmes juridiques des communautés autochtones diffèrent considérablement entre eux.

Le pays compte 67 populations autochtones, dont sont issues des femmes qui assument diverses fonctions publiques. Nous avons des femmes autochtones gouverneurs, élues et très naturellement considérées comme des leaders de leurs communautés. Il n’en est pas moins vrai que certaines femmes autochtones sont maginalisées et ne peuvent exercer de responsabilités au sein de leur communauté.Les relations structurelles du pouvoir au Mexique connaissent une évolution, et notamment dans les communautés rurales, où les hommes quittent les femmes pour émigrer aux Etats-Unis.

Ce sont ainsi les femmes qui prennent en main les affaires de la communauté, l’approvisionnement en eau ou en énergie et l'agriculture, tout en s'occupant des enfants, des personnes âgées et des malades. Elles apprennent ainsi à s’autonomiser, si bien que nous constatons actuellement une métamorphose et une refonte des rapports, ce qui n’est pas sans se heurter à des résistances. Ce que les femmes autochtones peuvent accomplir est fondamental. Les Etats du Yucatán et de Veracruz, ainsi que de Chiapas, comptent plusieurs mairies ayant une femme autochtone à leur tête. Il nous incombe donc de mettre en évidence et de reconnaître leur pouvoir, pour qu’il soit connu de tous et pour que d'autres femmes suivent leur exemple en devenant autonomes et en s’encourageant mutuellement à participer.

iKNOW Politics: Pourriez-vous raconter à nos lectrices et à nos lecteurs une anecdote ou un événement qui aurait marqué votre carrière politique, notamment avec vos collègues masculins, au sein de votre parti ou dans l’un des postes que vous avez occupés ?

De nombreuses femmes travaillent au sein de mon parti, le Partido Acción Nacional (PAN). Ce sont les femmes qui observent les scrutins et qui élaborent des communications stratégiques. Lorsque je suis devenue membre du Comité directeur national, nous autres femmes avions l'obligation de couvrir un quota minimum alors que les leaders nationaux se demandaient où l’on pourrait bien trouver toutes ces femmes ! Moi, j’étais étonnée qu'ils prétendent ne pas nous voir alors que nous étions celles qui étaient chargées d'organiser et de mener les campagnes. Ainsi, les femmes participent, mais les hommes ne les «voient» pas. Il y a des mécanismes qui nous rendent invisibles.

 C’est pourquoi nous œuvrons à la mise au point de stratégies destinées à rendre visible la participation des femmes en politique – des stratégies très simples, telles que le port de tee-shirts roses. Nous voulons créer un mouvement qui nous rende visibles en tant que leaders, candidates et chefs de parti. Une anecdote qui m’a fortement marquée c’est lorsque Manuel Espino a dit : « Je ne vois aucune femme pour se porter candidate », alors que les femmes constituent un des groupes militants les plus importants au sein du parti.

iKNOW Politics: Compte tenu de vos propos précédents, quelles sont d’après vous les meilleures stratégies à mettre en œuvre pour associer les hommes aux processus de promotion de la parité, en particulier dans le domaine de la participation à la vie politique ?

Les hommes recourent à deux types de stratégies pour faire face au mouvement de femmes au sein de mon parti. Certains embrassent avec enthousiasme la cause des femmes, parce qu'il leur est utile de promouvoir une alliance pour obtenir l’adhésion de militantes, compagnes de lutte et alliées. D'autres craignent ce mouvement et y opposent une forte résistance. Lorsqu’ils voient les femmes s’organiser et se montrer solidaires les unes des autres, ils ont soudain peur de se retrouver à l’écart. A mon avis, il faut commencer par sensibiliser les hommes pour qu’ils voient que nous ne sommes pas des ennemies et que nous pouvons même poursuivre des objectifs communs, pour autant qu’ils confèrent à la femme une place de premier plan et non un rôle subordonné à celui de l’homme. C’est ainsi que nous pourrons forger une alliance stratégique égalitaire.

iKNOW Politics : Quel est le programme de travail, les plans et les objectifs que vous avez prévus de mettre en œuvre dans le cadre de vos actuelles attributions en tant que Secrétaire général d'INMUJERES?

Un de mes premiers objectifs est de créer un réseau de femmes dans la fonction publique fédérale, qui nous permette de mettre en commun des données d’expérience, non seulement en communiquant des exemples de réussite, mais aussi en diffusant des possibilités de soutien et de formation et en créant un réseau de solidarité qui nous permette de nous affermir dans nos sphères de compétence. Ce type de réseau se révèle très important au sein de la présente administration, parce que, même si elle compte actuellement le nombre le plus élevé de femmes ministres ou vice-ministres de toute l'histoire du Mexique, les femmes se sentent toujours seules. Le fait qu’une femme dirige l'administration publique fédérale suscite encore des résistances.

Un deuxième objectif consistera à créer un réseau d’organisations de base, qui permette aux femmes des communautés rurales de nouer des partenariats. Il importe que ces femmes comprennent qu’elles sont capables d’élaborer leurs propres projets, qu’elles peuvent promouvoir leur cause et qu'elles ne sont pas seules. Il est crucial de leur donner les outils qui leur permettront de s’autonomiser et d’être reconnues, ce qui est le minimum requis pour renforcer la participation de la femme à la vie politique. Il faut que la femme se sente capable et utile. D’après mon expérience, la métamorphose dans ces cas-là est immédiate. En un instant, la femme se transforme et prend en main son destin.

iKNOW Politics: Puisque vous avez souligné, dans votre réponse précédente, les avantages de la création de réseaux, je voudrais vous demander ce que vous pensez du Réseau international de connaissances sur les femmes en politique (iKnow politics). Quels sont selon vous les avantages d’une participation et d’une affiliation à un tel réseau ?

Sur le plan personnel, les études et autres ressources d’iKnow politics m'ont beaucoup aidée. Ces études m’ont permis d’élaborer des stratégies au sein du parti, et je pense qu'il m’a été très utile de prendre connaissance, au cas par cas, des obstacles et des résistances culturelles rencontrés par les femmes qui poursuivent une carrière politique. La connaissance de ces phénomènes nous évite de les prendre pour une atteinte à notre personne et nous permet d’élaborer des stratégies pour les combattre ou même pour les utiliser à notre avantage.Je considère iKnow politics comme un outil extrêmement important qui devient de plus en plus accessible à un plus large public. Les femmes sont nombreuses à rechercher des outils qui les aident à avancer en politique. Le travail en réseau nous permet de nous unir et de devenir plus fortes. Je félicite iKnow politics. Cette plateforme est très utile et valable pour nous autres femmes qui travaillons à ce que les choses changent dans nos pays.

iKNOW Politics: Quelles suggestions ou conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui, non seulement au Mexique, mais aussi dans diverses parties de la région, souhaitent participer à la vie politique mais perçoivent ce monde comme distant et difficile d’accès ?

Ma participation à la vie politique m'a enseigné que les politiciens ne sont pas des êtres « hors du commun », mais des personnes ordinaires, et que si l’on fait preuve d’intérêt et d’enthousiasme, les portes s'ouvrent. Nul ne devrait se sentir incapable de suivre sa vocation. Participer à la vie politique passe par un haut niveau d'engagement et exige de surmonter les résistances que suscitent notre condition féminine et notre jeunesse.

 

Date de l'entretien
Région
Secrétaire général de l'Institut national de la femme (Instituto Nacional de las Mujeres-INMUJERES)

"Je considère iKNOW Politics comme un outil extrêmement important qui devient de plus en plus accessible à un plus large public. Les femmes sont nombreuses é rechercher des outils qui les aident à avancer en politique. Le travail en réseau nous permet de nous unir et de devenir plus fortes." - Liliana Rojero

iKNOW Politics: Quels défis avez-vous eu à relever en tant que femme au cours de votre carrière politique et, actuellement, en tant que Secrétaire général de l'Institut national de la femme (Instituto Nacional de las Mujeres, INMUJERES) au Mexique? Votre expérience de leader vous a-t-elle aidée? En quoi?

Je suis dans la politique et je participe à des campagnes depuis l’âge de treize ans. Le déroulement d’une campagne est, à mon sens, un vrai défi. Il s’agit de gagner ou de perdre, dans un laps de temps déterminé, avec des ressources limitées. C'est là une des aventures les plus intéressantes que j'aie jamais vécues. J'ai été Secrétaire du Mouvement des jeunes du Partido Acción Nacional de México (PAN) et Coordinatrice universitaire au niveau de l'Etat, avant de travailler, en 2000, dans le secteur de la jeunesse au sein de l'équipe de transition de l'ancien Président Vicente Fox.

J'ai également été conseillère près la Commission aux affaires autochtones du Sénat, Directrice pour l'égalité et les jeunes à l'Institut mexicain de la jeunesse (Instituto Mexicano de la Juventud), Directrice nationale pour la promotion de la femme en politique pour le Comité exécutif national du PAN, Directrice de la planification intégrant une perspective sexo-spécifique pour le Secrétariat pour le développement social, coordinatrice du Réseau de femmes pour la campagne du président Felipe Calderón, et Conseillère nationale pour le PAN. J'ai travaillé au sein de l'équipe de transition de notre actuel président et occupe en ce moment le poste de Secrétaire général d'INMUJERES.

Les défis que j'ai eu à relever consistaient principalement à diriger des équipes de travail en fonction des buts fixés et à en évaluer les résultats, à promouvoir des synergies, à réformer les modalités de travail et à nouer des alliances politiques avec des partis et des idéologies autres que la mienne afin d’asseoir une plateforme commune pour le progrès. Ma formation et mon expérience m'ont beaucoup aidée, notamment dans l’exercice des responsabilités que j'ai assumées ; néanmoins, j’ai encore un long chemin à parcourir pour grandir, apprendre et mûrir.

iKNOW Politics: Vous êtes la plus jeune des secrétaires généraux qu'INMUJERES ait jamais eus. Le poste que vous occupez se situe au niveau ministériel, ce qui fait de vous un des vice-ministres les plus jeunes du Mexique. Votre jeunesse et votre condition féminine vous ont-elles exposée à des difficultés ou à des obstacles particuliers ?

Oui, notamment aux épreuves incessantes auxquelles nous autres femmes devons-nous soumettre pour prouver que nous savons, que vous pouvons et que nous voulons mettre en œuvre des plans conjointement avec nos consœurs d'autres institutions. Mais il vaut la peine de montrer ouvertement que nous sommes là pour rester. Il y a de nombreux obstacles, dont beaucoup d’ordre culturel. La jeunesse suscite résistance et scepticisme de la part de ceux qui croient qu’on n’y arrivera pas.

iKNOW Politics: De quelles attributions particulières INMUJERES est-il doté dans le domaine de la parité, et notamment au chapitre de la participation des femmes en politique ? Peut-il faire preuve d’initiative en matière législative ? Est-il habilité à appliquer des normes et des sanctions ?

INMUJERES peut proposer toute une série d'initiatives. Nous avons un programme de travail législatif, que nous préconisons et coordonnons avec les différents groupes parlementaires et avec l’ensemble des partis politiques. Nous assumons une très lourde responsabilité, que nous confère la Loi générale sur l’accès et le Programme national pour l'égalité entre hommes et femmes, qui comportent un chapitre spécifiquement consacré à la participation à la vie politique. Nous croyons qu'il ne saurait y avoir développement ou démocratie sans la pleine participation des femmes, une participation de premier plan, à égalité.

C’est pourquoi nous mettons au point diverses stratégies pour renforcer et reconnaître la participation des femmes. L'article 25 du budget 2008 nous habilite en outre à surveiller les dépenses publiques. Toute institution qui n'honore pas ses obligations au chapitre de l’égalité des chances entre hommes et femmes est vouée à subir des coupes budgétaires. INMUJERES peut donc, dans une certaine mesure, imposer des sanctions administratives aux ministères qui ne se conforment pas aux dispositions des accords conclus avec l’Institut.

iKNOW Politics: En tant qu’organe public, INMUJERES tire sa légitimité de l’Etat et exerce une activité bien implantée au Mexique, ce qui le différencie d’autres organes du même genre situés dans d'autres pays. Comment INMUJERES a-t-il vu le jour ? A-t-on pris pour référence une institution analogue de la région ? Quelles sont, selon vous, les caractéristiques fondamentales qui assurent le succès d’INMUJERES?

INMUJERES a vu le jour en application de plans pour l'égalité mis en œuvre pour la première fois en Europe. Il résulte de la lutte du mouvement féministe mexicain, qui a réclamé pendant des années la création d’un tel institut en tant qu’instance normative et référence en la matière, et pas simplement comme un organe d’exécution. L'initiative s’est consolidée avec l’approbation à l’unanimité, en 2000, d’une première loi, suivie de l’adoption de diverses mesures administratives visant à le renforcer.

Le gouvernement précédent avait consenti des efforts considérables pour institutionnaliser une approche sexo-spécifique ; désormais, nous bénéficions de plus grandes attributions que nous a confiées la Chambre des députés. Nous supervisons l’utilisation de 7 milliards de pesos, qui représentent un pourcentage significatif du budget total du pouvoir exécutif. Nous croyons que ce renforcement institutionnel fait partie de nos attributions, notamment pour ce qui touche aux mécanismes pour la promotion de la femme au sein des organes de l’Etat à tous les niveaux, y compris au niveau local. Nous créons diverses alliances censées nous permettre de travailler tous ensemble, dans le cadre de nos compétences respectives, à un programme commun.

iKNOW Politics: Quelle est l'importance de la Loi générale pour l'égalité entre hommes et femmes en termes de participation politique des femmes ? Quels progrès ont-ils été accomplis dans ce domaine depuis son adoption ? Quel est le rôle d'INMUJERES dans sa mise en œuvre ?

La Loi générale mexicaine pour l'égalité entre hommes et femmes se compose de trois volets : Le premier est le Programme national pour l'égalité entre hommes et femmes, programme spécial qui définit les objectifs stratégiques intersectoriels de l’ensemble des institutions. Il est repris dans le Programme de développement national du Président Felipe Calderón, qui énonce, dans sa Stratégie 3.5, l'obligation d'assurer l'égalité des sexes d'ici à 2012, et qui en fait une question intersectorielle, faisant en sorte que le travail de toutes les institutions intègre une obligation de parité. Le Programme national pour l'égalité entre hommes et femmes comporte tous ces objectifs. Il a été présenté le 10 mars et son introduction proclamée par le Président en tant que programme du Gouvernement fédéral.

Le deuxième volet est le Système national pour l'égalité des sexes, qui se compose de toutes les institutions de l'Administration publique fédérale, sous la coordination d’INMUJERES. Ce système inclut également les entités gouvernementales à différents niveaux et les mécanismes de promotion de la femme. Nous visons des objectifs stratégiques clairs et précis afin de réaliser l'égalité des chances dans tous les secteurs de l’administration publique au niveau de la Fédération, des États et des municipalités. Le troisième volet est la Commission nationale de droits de l'homme, qui assure le suivi des progrès accomplis dans les mesures que nous prenons, c’est-à-dire les résultats et les incidences de la politique publique dans la vie des femmes et dans la société. La Commission nationale de droits de l'homme est chargée de formuler des recommandations et peut nous imposer des sanctions en cas de non-exécution de nos obligations.

iKNOW Politics: Les femmes autochtones actives en politique ont à relever des défis particuliers qui viennent s’ajouter à ceux auxquels font face les femmes en général. Comment les problèmes des femmes autochtones, et en particulier des femmes autochtones qui participent ou qui veulent participer à la vie politique, sont-ils pris en compte dans le programme de travail d'INMUJERES?

L'objectif n°1 du Plan national pour l'égalité prévoit une stratégie qui s’adresse très nettement aux femmes autochtones d'un point de vue non ethnocentrique. Cet objectif ne leur impose aucun modèle de développement. Au Mexique, on a imposé aux autochtones des modèles de développement qui avaient pour effet de faire disparaître leurs langues et leur culture en général. Ces modèles ont abouti à des échecs retentissants, qui ont provoqué notamment l’apparition de l’Armée zapatiste de libération nationale. C’est pourquoi nous croyons que ce sont les communautés elles-mêmes, et leurs femmes, qui doivent déterminer leur propre programme de développement et la nature de leur participation en politique. Au Mexique, les systèmes juridiques des communautés autochtones diffèrent considérablement entre eux.

Le pays compte 67 populations autochtones, dont sont issues des femmes qui assument diverses fonctions publiques. Nous avons des femmes autochtones gouverneurs, élues et très naturellement considérées comme des leaders de leurs communautés. Il n’en est pas moins vrai que certaines femmes autochtones sont maginalisées et ne peuvent exercer de responsabilités au sein de leur communauté.Les relations structurelles du pouvoir au Mexique connaissent une évolution, et notamment dans les communautés rurales, où les hommes quittent les femmes pour émigrer aux Etats-Unis.

Ce sont ainsi les femmes qui prennent en main les affaires de la communauté, l’approvisionnement en eau ou en énergie et l'agriculture, tout en s'occupant des enfants, des personnes âgées et des malades. Elles apprennent ainsi à s’autonomiser, si bien que nous constatons actuellement une métamorphose et une refonte des rapports, ce qui n’est pas sans se heurter à des résistances. Ce que les femmes autochtones peuvent accomplir est fondamental. Les Etats du Yucatán et de Veracruz, ainsi que de Chiapas, comptent plusieurs mairies ayant une femme autochtone à leur tête. Il nous incombe donc de mettre en évidence et de reconnaître leur pouvoir, pour qu’il soit connu de tous et pour que d'autres femmes suivent leur exemple en devenant autonomes et en s’encourageant mutuellement à participer.

iKNOW Politics: Pourriez-vous raconter à nos lectrices et à nos lecteurs une anecdote ou un événement qui aurait marqué votre carrière politique, notamment avec vos collègues masculins, au sein de votre parti ou dans l’un des postes que vous avez occupés ?

De nombreuses femmes travaillent au sein de mon parti, le Partido Acción Nacional (PAN). Ce sont les femmes qui observent les scrutins et qui élaborent des communications stratégiques. Lorsque je suis devenue membre du Comité directeur national, nous autres femmes avions l'obligation de couvrir un quota minimum alors que les leaders nationaux se demandaient où l’on pourrait bien trouver toutes ces femmes ! Moi, j’étais étonnée qu'ils prétendent ne pas nous voir alors que nous étions celles qui étaient chargées d'organiser et de mener les campagnes. Ainsi, les femmes participent, mais les hommes ne les «voient» pas. Il y a des mécanismes qui nous rendent invisibles.

 C’est pourquoi nous œuvrons à la mise au point de stratégies destinées à rendre visible la participation des femmes en politique – des stratégies très simples, telles que le port de tee-shirts roses. Nous voulons créer un mouvement qui nous rende visibles en tant que leaders, candidates et chefs de parti. Une anecdote qui m’a fortement marquée c’est lorsque Manuel Espino a dit : « Je ne vois aucune femme pour se porter candidate », alors que les femmes constituent un des groupes militants les plus importants au sein du parti.

iKNOW Politics: Compte tenu de vos propos précédents, quelles sont d’après vous les meilleures stratégies à mettre en œuvre pour associer les hommes aux processus de promotion de la parité, en particulier dans le domaine de la participation à la vie politique ?

Les hommes recourent à deux types de stratégies pour faire face au mouvement de femmes au sein de mon parti. Certains embrassent avec enthousiasme la cause des femmes, parce qu'il leur est utile de promouvoir une alliance pour obtenir l’adhésion de militantes, compagnes de lutte et alliées. D'autres craignent ce mouvement et y opposent une forte résistance. Lorsqu’ils voient les femmes s’organiser et se montrer solidaires les unes des autres, ils ont soudain peur de se retrouver à l’écart. A mon avis, il faut commencer par sensibiliser les hommes pour qu’ils voient que nous ne sommes pas des ennemies et que nous pouvons même poursuivre des objectifs communs, pour autant qu’ils confèrent à la femme une place de premier plan et non un rôle subordonné à celui de l’homme. C’est ainsi que nous pourrons forger une alliance stratégique égalitaire.

iKNOW Politics : Quel est le programme de travail, les plans et les objectifs que vous avez prévus de mettre en œuvre dans le cadre de vos actuelles attributions en tant que Secrétaire général d'INMUJERES?

Un de mes premiers objectifs est de créer un réseau de femmes dans la fonction publique fédérale, qui nous permette de mettre en commun des données d’expérience, non seulement en communiquant des exemples de réussite, mais aussi en diffusant des possibilités de soutien et de formation et en créant un réseau de solidarité qui nous permette de nous affermir dans nos sphères de compétence. Ce type de réseau se révèle très important au sein de la présente administration, parce que, même si elle compte actuellement le nombre le plus élevé de femmes ministres ou vice-ministres de toute l'histoire du Mexique, les femmes se sentent toujours seules. Le fait qu’une femme dirige l'administration publique fédérale suscite encore des résistances.

Un deuxième objectif consistera à créer un réseau d’organisations de base, qui permette aux femmes des communautés rurales de nouer des partenariats. Il importe que ces femmes comprennent qu’elles sont capables d’élaborer leurs propres projets, qu’elles peuvent promouvoir leur cause et qu'elles ne sont pas seules. Il est crucial de leur donner les outils qui leur permettront de s’autonomiser et d’être reconnues, ce qui est le minimum requis pour renforcer la participation de la femme à la vie politique. Il faut que la femme se sente capable et utile. D’après mon expérience, la métamorphose dans ces cas-là est immédiate. En un instant, la femme se transforme et prend en main son destin.

iKNOW Politics: Puisque vous avez souligné, dans votre réponse précédente, les avantages de la création de réseaux, je voudrais vous demander ce que vous pensez du Réseau international de connaissances sur les femmes en politique (iKnow politics). Quels sont selon vous les avantages d’une participation et d’une affiliation à un tel réseau ?

Sur le plan personnel, les études et autres ressources d’iKnow politics m'ont beaucoup aidée. Ces études m’ont permis d’élaborer des stratégies au sein du parti, et je pense qu'il m’a été très utile de prendre connaissance, au cas par cas, des obstacles et des résistances culturelles rencontrés par les femmes qui poursuivent une carrière politique. La connaissance de ces phénomènes nous évite de les prendre pour une atteinte à notre personne et nous permet d’élaborer des stratégies pour les combattre ou même pour les utiliser à notre avantage.Je considère iKnow politics comme un outil extrêmement important qui devient de plus en plus accessible à un plus large public. Les femmes sont nombreuses à rechercher des outils qui les aident à avancer en politique. Le travail en réseau nous permet de nous unir et de devenir plus fortes. Je félicite iKnow politics. Cette plateforme est très utile et valable pour nous autres femmes qui travaillons à ce que les choses changent dans nos pays.

iKNOW Politics: Quelles suggestions ou conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui, non seulement au Mexique, mais aussi dans diverses parties de la région, souhaitent participer à la vie politique mais perçoivent ce monde comme distant et difficile d’accès ?

Ma participation à la vie politique m'a enseigné que les politiciens ne sont pas des êtres « hors du commun », mais des personnes ordinaires, et que si l’on fait preuve d’intérêt et d’enthousiasme, les portes s'ouvrent. Nul ne devrait se sentir incapable de suivre sa vocation. Participer à la vie politique passe par un haut niveau d'engagement et exige de surmonter les résistances que suscitent notre condition féminine et notre jeunesse.

 

Date de l'entretien
Région
Secrétaire général de l'Institut national de la femme (Instituto Nacional de las Mujeres-INMUJERES)