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Lily Wangchuck

Entretiens

Soumis par iKNOW Politics le
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January 15, 2008

Lily Wangchuck

Responsable de la Section Feminine du Parti Democratique Populaire au Bhoutan

"La réponse consolidéedu Réseau international de connaissances sur les femmes en politique m’a aidée à comprendre comment fonctionnaient les sections féminines dans d’autres pays. Elle m’a aussi beaucoup aidée à élaborer le Plan stratégique des femmes démocrates, qui deviendra partie intégrante du manifeste du parti." - Lily Wangchuck

iKNOW Politics: Qu’est-ce qui vous a donné envie de former une section de femmes et de jeunes dans un parti politique ?

Comme la plupart des citoyens bhoutanais, j’ai suivi attentivement les événements politiques qui se sont déroulés dans mon pays en 2007 et qui l’ont mis en état de devenir une démocratie parlementaire en 2008. A la différence d’autres pays où la démocratie a été instaurée par une révolution ou même dans le sang, le processus a été engagé, planifié et guidé par Sa Majesté Jigme Singye Wangchuck, le quatrième Roi, et c’est en cela que la transition vers la démocratie au Bhoutan est unique. Cependant, malgré les efforts déployés par le Gouvernement et les partis politiques, la participation des femmes à la vie politique restait très faible. En tant que Bhoutanaise instruite, je me suis sentie moralement obligée de jouer mon rôle de militante de parti et me suis fixé pour objectif, au moment du passage à la démocratie, de contribuer à réduire les inégalités entre hommes et femmes.

Après 12 années passées au Gouvernement comme membre actif des Affaires étrangères et deux ans de travail dans une organisation internationale, j’ai compris l’importance d’une gouvernance attentive à réduire ces inégalités. La démocratie ne va pas sans une représentation paritaire des femmes et des hommes, et la participation des femmes à la vie politique est un élément fondamental de toute démocratie vivante. Je suis donc entrée au Parti démocratique populaire dans l’intention de sensibiliser ceux et celles qui aspirent à des fonctions politiques, de faire entrer la dimension du genre dans les politiques, plans et programmes du parti et, à plus long terme, de réduire l’écart béant qui existe entre les hommes et les femmes dans les domaines social, culturel, économique et politique. C’est crucial si l’on veut établir la démocratie sur des bases solides dans notre pays.

iKNOW Politics: En quoi le Réseau international de connaissances sur les femmes en politique, par sa réponse récapitulative, vous a-t-il soutenue dans votre travail ?

La réponse consolidée du Réseau international de connaissances sur les femmes en politique m’a aidée à comprendre comment fonctionnaient les sections féminines dans d’autres pays. Elle m’a aussi beaucoup aidée à élaborer le Plan stratégique des femmes démocrates, qui deviendra partie intégrante du manifeste du parti. Le Plan stratégique aborde des questions diverses, notamment la nécessité de créer des conditions propices à une participation réelle des femmes aux affaires sociales, économiques et politiques; d’encourager une plus grande conscience politique et une participation plus large des femmes à la vie politique; de promouvoir l’indépendance financière et économique des femmes; d’éliminer la violence envers les femmes; d’améliorer la qualité et l’accessibilité des services de santé; de promouvoir l’éducation des femmes; de soutenir les personnes handicapées mentales; et de veiller à ce que tous les enfants aient de quoi vivre. Elle m’a aussi permis de sensibiliser les membres de mon parti aux rapports entre genre et démocratie. Je serai toujours reconnaissante au Réseau du soutien inestimable qu’il m’a apporté et j’espère le faire connaître à de nombreux Bhoutanais.

iKNOW Politics: Quels sont les obstacles à la participation des femmes à la vie politique dans une démocratie émergente ?

Au Bhoutan, comme nous n’avons pas de politiques discriminatoires fondées sur le sexe, l’inégalité entre hommes et femmes, jusqu’à présent, n’avait jamais été considérée comme un problème dont il fallait discuter ou qui devait retenir l’attention. Mais en réalité, il existe dans tous les domaines des inégalités entre les sexes qui sont dues, à mon avis, aux barrières sociales, culturelles, religieuses et économiques auxquelles se heurtent les femmes. Par exemple, une femme peut exercer des fonctions politiques aussi bien qu’un homme mais la société perçoit la politique comme le domaine de l’homme, et la situation actuelle reflète tout à fait cette perception : sur les 47 candidats du Parti démocratique populaire qui se présentent aux élections parlementaires de 2008, quatre seulement sont des femmes.

Bien que le parti se soit donné beaucoup de peine pour accueillir plus de femmes, très peu se sont présentées. Les Bhoutanaises ont en effet bien des obstacles à surmonter : ce sont les attitudes et les stéréotypes culturels qui posent a priori que les femmes sont moins capables que les hommes, la double charge qui revient aux femmes de gagner de l’argent et de tenir le ménage, les niveaux d’alphabétisation et d’instruction inférieurs pour les femmes, les normes religieuses qui les empêchent de s’écarter de leurs rôles traditionnels, et leur situation économique, qui est inférieure à celle des hommes dont elles sont, pour la plupart, économiquement dépendantes.

iKNOW Politics: Quel conseil donneriez-vous à toutes celles qui, dans le monde, s’emploient à renforcer la participation des femmes à la vie politique dans des situations comparables ?

A ces collègues qui travaillent dans des situations comparables à la mienne, je dirai que pour faire de l’égalité des sexes une réalité, il est crucial de s’attaquer aux causes profondes de l’inégalité. Dans la plupart des sociétés en développement, les causes profondes sont les normes religieuses, sociales et culturelles. La création de conditions propices à l’émancipation des femmes et, en définitive, à l’instauration de l’égalité entre les sexes passe d’abord par un changement des mentalités, des femmes comme des hommes. Pour susciter une volonté politique, il est important de souligner que lutter contre les inégalités entre hommes et femmes, ce n’est pas seulement promouvoir les droits des femmes mais aussi leur donner les moyens de développer pleinement leur potentiel et leurs capacités et contribuer ainsi à la formation d’une main-d’œuvre productive pour le pays et, par-là, à la bonne gouvernance et à la croissance économique.

iKNOW Politics: Comment, à votre avis, peut-on se servir d’une initiative comme iKNOW Politics pour promouvoir l’émancipation des femmes en politique ?

Le réseau peut jouer un rôle absolument crucial en encourageant l’émancipation politique des femmes, et le site est très utile. iKNOW Politics pourrait étudier de manière plus approfondie la possibilité de dispenser une formation, face à face, aux femmes politiques et aux aspirantes à la vie politique par l’intermédiaire de ses organisations partenaires et de leur permettre de travailler en réseau. Il faudrait faire plus largement connaître le site Web iKNOW Politics car, en dehors des milieux professionnels qui luttent pour la parité, beaucoup ignorent encore qu’il existe une telle abondance d’informations disponibles.

 

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Responsable de la Section Feminine du Parti Democratique Populaire au Bhoutan

"La réponse consolidéedu Réseau international de connaissances sur les femmes en politique m’a aidée à comprendre comment fonctionnaient les sections féminines dans d’autres pays. Elle m’a aussi beaucoup aidée à élaborer le Plan stratégique des femmes démocrates, qui deviendra partie intégrante du manifeste du parti." - Lily Wangchuck

iKNOW Politics: Qu’est-ce qui vous a donné envie de former une section de femmes et de jeunes dans un parti politique ?

Comme la plupart des citoyens bhoutanais, j’ai suivi attentivement les événements politiques qui se sont déroulés dans mon pays en 2007 et qui l’ont mis en état de devenir une démocratie parlementaire en 2008. A la différence d’autres pays où la démocratie a été instaurée par une révolution ou même dans le sang, le processus a été engagé, planifié et guidé par Sa Majesté Jigme Singye Wangchuck, le quatrième Roi, et c’est en cela que la transition vers la démocratie au Bhoutan est unique. Cependant, malgré les efforts déployés par le Gouvernement et les partis politiques, la participation des femmes à la vie politique restait très faible. En tant que Bhoutanaise instruite, je me suis sentie moralement obligée de jouer mon rôle de militante de parti et me suis fixé pour objectif, au moment du passage à la démocratie, de contribuer à réduire les inégalités entre hommes et femmes.

Après 12 années passées au Gouvernement comme membre actif des Affaires étrangères et deux ans de travail dans une organisation internationale, j’ai compris l’importance d’une gouvernance attentive à réduire ces inégalités. La démocratie ne va pas sans une représentation paritaire des femmes et des hommes, et la participation des femmes à la vie politique est un élément fondamental de toute démocratie vivante. Je suis donc entrée au Parti démocratique populaire dans l’intention de sensibiliser ceux et celles qui aspirent à des fonctions politiques, de faire entrer la dimension du genre dans les politiques, plans et programmes du parti et, à plus long terme, de réduire l’écart béant qui existe entre les hommes et les femmes dans les domaines social, culturel, économique et politique. C’est crucial si l’on veut établir la démocratie sur des bases solides dans notre pays.

iKNOW Politics: En quoi le Réseau international de connaissances sur les femmes en politique, par sa réponse récapitulative, vous a-t-il soutenue dans votre travail ?

La réponse consolidée du Réseau international de connaissances sur les femmes en politique m’a aidée à comprendre comment fonctionnaient les sections féminines dans d’autres pays. Elle m’a aussi beaucoup aidée à élaborer le Plan stratégique des femmes démocrates, qui deviendra partie intégrante du manifeste du parti. Le Plan stratégique aborde des questions diverses, notamment la nécessité de créer des conditions propices à une participation réelle des femmes aux affaires sociales, économiques et politiques; d’encourager une plus grande conscience politique et une participation plus large des femmes à la vie politique; de promouvoir l’indépendance financière et économique des femmes; d’éliminer la violence envers les femmes; d’améliorer la qualité et l’accessibilité des services de santé; de promouvoir l’éducation des femmes; de soutenir les personnes handicapées mentales; et de veiller à ce que tous les enfants aient de quoi vivre. Elle m’a aussi permis de sensibiliser les membres de mon parti aux rapports entre genre et démocratie. Je serai toujours reconnaissante au Réseau du soutien inestimable qu’il m’a apporté et j’espère le faire connaître à de nombreux Bhoutanais.

iKNOW Politics: Quels sont les obstacles à la participation des femmes à la vie politique dans une démocratie émergente ?

Au Bhoutan, comme nous n’avons pas de politiques discriminatoires fondées sur le sexe, l’inégalité entre hommes et femmes, jusqu’à présent, n’avait jamais été considérée comme un problème dont il fallait discuter ou qui devait retenir l’attention. Mais en réalité, il existe dans tous les domaines des inégalités entre les sexes qui sont dues, à mon avis, aux barrières sociales, culturelles, religieuses et économiques auxquelles se heurtent les femmes. Par exemple, une femme peut exercer des fonctions politiques aussi bien qu’un homme mais la société perçoit la politique comme le domaine de l’homme, et la situation actuelle reflète tout à fait cette perception : sur les 47 candidats du Parti démocratique populaire qui se présentent aux élections parlementaires de 2008, quatre seulement sont des femmes.

Bien que le parti se soit donné beaucoup de peine pour accueillir plus de femmes, très peu se sont présentées. Les Bhoutanaises ont en effet bien des obstacles à surmonter : ce sont les attitudes et les stéréotypes culturels qui posent a priori que les femmes sont moins capables que les hommes, la double charge qui revient aux femmes de gagner de l’argent et de tenir le ménage, les niveaux d’alphabétisation et d’instruction inférieurs pour les femmes, les normes religieuses qui les empêchent de s’écarter de leurs rôles traditionnels, et leur situation économique, qui est inférieure à celle des hommes dont elles sont, pour la plupart, économiquement dépendantes.

iKNOW Politics: Quel conseil donneriez-vous à toutes celles qui, dans le monde, s’emploient à renforcer la participation des femmes à la vie politique dans des situations comparables ?

A ces collègues qui travaillent dans des situations comparables à la mienne, je dirai que pour faire de l’égalité des sexes une réalité, il est crucial de s’attaquer aux causes profondes de l’inégalité. Dans la plupart des sociétés en développement, les causes profondes sont les normes religieuses, sociales et culturelles. La création de conditions propices à l’émancipation des femmes et, en définitive, à l’instauration de l’égalité entre les sexes passe d’abord par un changement des mentalités, des femmes comme des hommes. Pour susciter une volonté politique, il est important de souligner que lutter contre les inégalités entre hommes et femmes, ce n’est pas seulement promouvoir les droits des femmes mais aussi leur donner les moyens de développer pleinement leur potentiel et leurs capacités et contribuer ainsi à la formation d’une main-d’œuvre productive pour le pays et, par-là, à la bonne gouvernance et à la croissance économique.

iKNOW Politics: Comment, à votre avis, peut-on se servir d’une initiative comme iKNOW Politics pour promouvoir l’émancipation des femmes en politique ?

Le réseau peut jouer un rôle absolument crucial en encourageant l’émancipation politique des femmes, et le site est très utile. iKNOW Politics pourrait étudier de manière plus approfondie la possibilité de dispenser une formation, face à face, aux femmes politiques et aux aspirantes à la vie politique par l’intermédiaire de ses organisations partenaires et de leur permettre de travailler en réseau. Il faudrait faire plus largement connaître le site Web iKNOW Politics car, en dehors des milieux professionnels qui luttent pour la parité, beaucoup ignorent encore qu’il existe une telle abondance d’informations disponibles.

 

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Responsable de la Section Feminine du Parti Democratique Populaire au Bhoutan