Aller au contenu principal

Vaira Vike-Freiberga

Entretiens

Soumis par iKNOW Politics le
Back
April 11, 2008

Vaira Vike-Freiberga

ancien Présidente de la Lettonie

« Croyez en vos idéaux, en vos capacités, et respectez les personnes. » - Vaira Vike-Freiberga

iKNOW Politics: Vous avez été la première Présidente de la Lettonie. Mme Freiberga, pouvez-vous nous parler de votre vie, de votre formation et de la manière dont ces expériences vous ont préparé pour ce poste? Comment êtes-vous parvenue à garder des liens avec la Lettonie en vivant à l’étranger pendant près de cinquante-cinq ans?

En 1937, ma famille et moi avons dû fuir la Lettonie pour rejoindre l’Allemagne, puis le Maroc en 1949, et enfin le Canada en 1954. C’était dur d’être loin de notre pays et des gens que nous aimions, mais nous avons conservé notre identité culturelle et nos traditions, et nous avons beaucoup participé à la vie de la communauté lettone du Canada. Grâce à cette communauté, je me suis intéressée de près à la littérature lettone, et notamment au folklore. Cela m’a incitée à faire davantage de recherches sur l’identité lettone et l’avenir politique des Etats baltes. J’ai écrit des articles sur ce sujet en insistant sur le fait que la Lettonie avait le droit de regagner son indépendance. Dans ces articles, j’ai également exprimé mes points de vue et mes positions sur la manière dont la Lettonie devait évoluer.

iKNOW Politics: Vous a-t-il été difficile d’entrer sur la scène politique en Lettonie, alors que la politique était dominée par les hommes à l’époque?

Je suis rentrée en Lettonie en 1998, sept ans après l’indépendance du pays. Huit mois plus tard, j’étais élue Présidente, grâce à un concours de circonstances intéressant et inattendu. La Saeima (le Parlement letton) n’est pas parvenue à choisir un Président à l’issue du premier tour des élections, et il a donc été proposé de me choisir à ce poste, car j’étais indépendante d’un point de vue politique et que j’étais largement soutenue par l’intelligentsia. Le fait que j’aie été la première présidente de la région et de tous les anciens pays communistes a joué en ma faveur. Je suis fière de dire que, dans le cadre de mes deux mandats de Présidente, j’ai doté la Lettonie de valeurs démocratiques stables, une position sûre au sein de l’OTAN, et une économie qui croît de manière constante.

iKNOW Politics: Vous êtes connue pour avoir mené une politique étrangère astucieuse et pour le rôle que vous avez joué dans l’intégration de la Lettonie à l’Union européenne et son adhésion à l’OTAN. A quels défis avez-vous été confrontée pour réaliser ces objectifs? Souhaitez-vous faire part des leçons que vous avez tiré de vos expériences?

Comme on le sait, j’ai fait de la politique étrangère ma priorité dès mon arrivée au pouvoir. Quand j’ai pris mes fonctions en 1999, l’avis général était que l’OTAN ne devait pas être élargi. La question était la suivante: les pays baltes doivent-ils être intégrés à l’OTAN et l’OTAN sera-t-elle à même de les défendre? Il a fallu déployer beaucoup d’efforts diplomatiques et négocier en coulisses pour faire entrer les pays baltes dans l’Organisation et rallier le soutien de certains pays à cet effet. J’ai aussi des convictions fortes en ce qui concerne l’identité européenne et la place de la Lettonie dans l’Union européenne. Je suis vraiment heureuse que la Lettonie fasse aujourd’hui partie de la famille des nations sûres de l’UE et de l’OTAN qui ont conclu un accord de solidarité et de soutien mutuel pour assurer leur sécurité, leur souveraineté et leur intégrité territoriale.

iKNOW Politics: Vous avez été la première femme à avoir jamais été pressentie pour le poste de Secrétaire général des Nations Unies. Pouvez-vous parler à nos lecteurs des changements que vous apporteriez au Nations Unies et au style de direction si vous étiez Secrétaire générale? Pouvez-vous parler de l’importance de voir une femme s’essayer aux commandes de l’Organisation?

J’étais heureuse et je me suis sentie privilégiée d’être pressentie pour le poste de Secrétaire générale des Nations Unies. Je pense qu’il est grand temps qu’une femme dirige les Nations Unies, et qu’elle ferait un travail tout aussi bon qu’un candidat masculin. Mais je suis aussi heureuse que M. Ban Ki-Moon ait remporté ce poste et je suis sûre qu’il sera très compétent. Si j’avais été sélectionnée à ce poste, j’aurais proposé de donner plus d’autorité au Secrétaire général dans le recrutement et la gestion du Secrétariat. Il est évident que l’on ne peut tenir une personne responsable et attendre certains résultats sans avoir d’autorité sur ceux qu’il ou elle dirige. Sur la base de ce principe, je crois que les réformes au sein des Nations Unies doivent consister notamment à accroître l’autorité du Secrétaire général dans l’administration du personnel. Je mettrais aussi un terme au système de rotation régionale dans la nomination du Secrétaire général, car ce principe n’a, de toute façon, pas été appliqué logiquement. Par exemple, il n’y a jamais eu de Secrétaire général originaire d’un pays de l’Europe de l’est, et cela aurait déjà dû être le cas si le système de rotation régionale était appliqué de manière systématique.

S’agissant des actions de l’ONU au niveau mondial, je m’emploierais activement à amener la paix et la liberté au monde. En tant que survivante de la guerre et réfugiée, je sais à quel point il est difficile de vivre dans une zone de conflit et d’être forcée à fuir son pays. Je pense que les dirigeants du monde devraient s’engager et s’unir pour épargner à l’humanité, et surtout aux enfants, l’expérience des guerres qui les frappent de plein fouet, et je pense que l’ONU doit prendre la tête des efforts visant à atteindre cet objectif.

iKNOW Politics: Pensez-vous que le fait d’être membre d’un réseau mondial comme iKNOW Politics peut aider les femmes et leurs partisans à réussir à tous les niveaux de la politique et à mobiliser les énergies autour de préoccupations communes?

Nouer des liens de toutes sortes a toujours été une clé du succès. Les technologies modernes ont ouvert de nouvelles perspectives à cet égard, et nous ne devons pas hésiter à les utiliser. Pour les femmes, en particulier, ces perspectives peuvent vraiment changer le cours des choses. L’essence de mon style de direction a toujours été caractérisée par une adaptation rapide aux exigences de toute nouvelle situation, et je pense que le fait de s’adapter aux nouvelles technologies en a été une composante majeure.

iKNOW Politics: Si vous deviez faire une recommandation, quel avis donneriez-vous aux membres de iKNOW Politics, notamment aux candidates et aux fonctionnaires, au cours de leur carrière?

Croyez en vos idéaux, en vos capacités, et respectez les personnes.

 

Date de l'entretien
Région
ancien Présidente de la Lettonie

« Croyez en vos idéaux, en vos capacités, et respectez les personnes. » - Vaira Vike-Freiberga

iKNOW Politics: Vous avez été la première Présidente de la Lettonie. Mme Freiberga, pouvez-vous nous parler de votre vie, de votre formation et de la manière dont ces expériences vous ont préparé pour ce poste? Comment êtes-vous parvenue à garder des liens avec la Lettonie en vivant à l’étranger pendant près de cinquante-cinq ans?

En 1937, ma famille et moi avons dû fuir la Lettonie pour rejoindre l’Allemagne, puis le Maroc en 1949, et enfin le Canada en 1954. C’était dur d’être loin de notre pays et des gens que nous aimions, mais nous avons conservé notre identité culturelle et nos traditions, et nous avons beaucoup participé à la vie de la communauté lettone du Canada. Grâce à cette communauté, je me suis intéressée de près à la littérature lettone, et notamment au folklore. Cela m’a incitée à faire davantage de recherches sur l’identité lettone et l’avenir politique des Etats baltes. J’ai écrit des articles sur ce sujet en insistant sur le fait que la Lettonie avait le droit de regagner son indépendance. Dans ces articles, j’ai également exprimé mes points de vue et mes positions sur la manière dont la Lettonie devait évoluer.

iKNOW Politics: Vous a-t-il été difficile d’entrer sur la scène politique en Lettonie, alors que la politique était dominée par les hommes à l’époque?

Je suis rentrée en Lettonie en 1998, sept ans après l’indépendance du pays. Huit mois plus tard, j’étais élue Présidente, grâce à un concours de circonstances intéressant et inattendu. La Saeima (le Parlement letton) n’est pas parvenue à choisir un Président à l’issue du premier tour des élections, et il a donc été proposé de me choisir à ce poste, car j’étais indépendante d’un point de vue politique et que j’étais largement soutenue par l’intelligentsia. Le fait que j’aie été la première présidente de la région et de tous les anciens pays communistes a joué en ma faveur. Je suis fière de dire que, dans le cadre de mes deux mandats de Présidente, j’ai doté la Lettonie de valeurs démocratiques stables, une position sûre au sein de l’OTAN, et une économie qui croît de manière constante.

iKNOW Politics: Vous êtes connue pour avoir mené une politique étrangère astucieuse et pour le rôle que vous avez joué dans l’intégration de la Lettonie à l’Union européenne et son adhésion à l’OTAN. A quels défis avez-vous été confrontée pour réaliser ces objectifs? Souhaitez-vous faire part des leçons que vous avez tiré de vos expériences?

Comme on le sait, j’ai fait de la politique étrangère ma priorité dès mon arrivée au pouvoir. Quand j’ai pris mes fonctions en 1999, l’avis général était que l’OTAN ne devait pas être élargi. La question était la suivante: les pays baltes doivent-ils être intégrés à l’OTAN et l’OTAN sera-t-elle à même de les défendre? Il a fallu déployer beaucoup d’efforts diplomatiques et négocier en coulisses pour faire entrer les pays baltes dans l’Organisation et rallier le soutien de certains pays à cet effet. J’ai aussi des convictions fortes en ce qui concerne l’identité européenne et la place de la Lettonie dans l’Union européenne. Je suis vraiment heureuse que la Lettonie fasse aujourd’hui partie de la famille des nations sûres de l’UE et de l’OTAN qui ont conclu un accord de solidarité et de soutien mutuel pour assurer leur sécurité, leur souveraineté et leur intégrité territoriale.

iKNOW Politics: Vous avez été la première femme à avoir jamais été pressentie pour le poste de Secrétaire général des Nations Unies. Pouvez-vous parler à nos lecteurs des changements que vous apporteriez au Nations Unies et au style de direction si vous étiez Secrétaire générale? Pouvez-vous parler de l’importance de voir une femme s’essayer aux commandes de l’Organisation?

J’étais heureuse et je me suis sentie privilégiée d’être pressentie pour le poste de Secrétaire générale des Nations Unies. Je pense qu’il est grand temps qu’une femme dirige les Nations Unies, et qu’elle ferait un travail tout aussi bon qu’un candidat masculin. Mais je suis aussi heureuse que M. Ban Ki-Moon ait remporté ce poste et je suis sûre qu’il sera très compétent. Si j’avais été sélectionnée à ce poste, j’aurais proposé de donner plus d’autorité au Secrétaire général dans le recrutement et la gestion du Secrétariat. Il est évident que l’on ne peut tenir une personne responsable et attendre certains résultats sans avoir d’autorité sur ceux qu’il ou elle dirige. Sur la base de ce principe, je crois que les réformes au sein des Nations Unies doivent consister notamment à accroître l’autorité du Secrétaire général dans l’administration du personnel. Je mettrais aussi un terme au système de rotation régionale dans la nomination du Secrétaire général, car ce principe n’a, de toute façon, pas été appliqué logiquement. Par exemple, il n’y a jamais eu de Secrétaire général originaire d’un pays de l’Europe de l’est, et cela aurait déjà dû être le cas si le système de rotation régionale était appliqué de manière systématique.

S’agissant des actions de l’ONU au niveau mondial, je m’emploierais activement à amener la paix et la liberté au monde. En tant que survivante de la guerre et réfugiée, je sais à quel point il est difficile de vivre dans une zone de conflit et d’être forcée à fuir son pays. Je pense que les dirigeants du monde devraient s’engager et s’unir pour épargner à l’humanité, et surtout aux enfants, l’expérience des guerres qui les frappent de plein fouet, et je pense que l’ONU doit prendre la tête des efforts visant à atteindre cet objectif.

iKNOW Politics: Pensez-vous que le fait d’être membre d’un réseau mondial comme iKNOW Politics peut aider les femmes et leurs partisans à réussir à tous les niveaux de la politique et à mobiliser les énergies autour de préoccupations communes?

Nouer des liens de toutes sortes a toujours été une clé du succès. Les technologies modernes ont ouvert de nouvelles perspectives à cet égard, et nous ne devons pas hésiter à les utiliser. Pour les femmes, en particulier, ces perspectives peuvent vraiment changer le cours des choses. L’essence de mon style de direction a toujours été caractérisée par une adaptation rapide aux exigences de toute nouvelle situation, et je pense que le fait de s’adapter aux nouvelles technologies en a été une composante majeure.

iKNOW Politics: Si vous deviez faire une recommandation, quel avis donneriez-vous aux membres de iKNOW Politics, notamment aux candidates et aux fonctionnaires, au cours de leur carrière?

Croyez en vos idéaux, en vos capacités, et respectez les personnes.

 

Date de l'entretien
Région
ancien Présidente de la Lettonie