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Les hommes politiques sont-ils des femmes comme les autres ?

Editorial / Opinion Piece / Blog Post

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February 5, 2019

Les hommes politiques sont-ils des femmes comme les autres ?

Source: Libération

Si l’entre-soi masculin entretient la sous-féminisation de la vie politique, il faut aussi repérer comment les femmes participent elles-mêmes de leur minoration.

Par-delà les avancées de la parité sur un plan comptable, la vie politique demeure un monde surmasculinisé dont la féminisation ne se conçoit qu’en dégradé : si les échelons inférieurs sont quasi paritaires, les femmes disparaissent à mesure que l’on s’élève dans les statuts et que l’on se rapproche du sommet de l’Etat. Deux types d’explications sont généralement mobilisés pour rendre compte de ce phénomène. D’un côté, on dénonce la prégnance de représentations héritées du passé qui font du métier politique un métier d’hommes par excellence saisi au double prisme de la vocation et de la division sexuée des tâches. De l’autre, on déplore que l’entre-soi masculin entretienne des mécanismes d’exclusion et d’invisibilisation des femmes (instrumentalisation voire contournement des dispositifs paritaires, captation des postes exécutifs, assignation à des rôles de figuration et disqualifications sexistes).

Si l’on veut comprendre comment cet ordre phallocentré des choses pourrait être ébranlé, il faut inverser le point de vue et s’adresser à celles qui ont le courage de s’y immiscer et d’y évoluer. Lorsqu’on les interroge (1), les femmes politiques témoignent massivement des obstacles dressés devant elles par les tenants du bastion. Que ce soit au moment de leur entrée en politique, durant les campagnes électorales ou pendant leur mandat, et quel que soit leur niveau de responsabilité, elles subissent en continu des atteintes d’intensité variée : de la blague sexiste au dénigrement, de la malveillance à l’agression sexuelle, en passant par des formes plus insidieuses de violence, quand elles doivent accepter d’être conseillées, voire pilotées, par les hommes dont on prend soin de les entourer.

Mais, et c’est un aspect moins flagrant du problème, il se trouve aussi que les femmes concourent d’elles-mêmes à leur propre minoration. D’abord en pratiquant peu la solidarité qui leur permettrait de contrer la puissance des réseaux masculins de pouvoir. C’est ce que nous avons découvert avec effarement : la lutte qu’il faut mener pour parvenir à être désignée candidate puis à être élue, sans parler de la nomination à une fonction éminente, tous ces obstacles à franchir et ces inimitiés à dépasser conduisent les femmes à s’enfermer dans une posture combative qui peut se muer en animosité envers celles qui briguent les mêmes mandats et positions. De plus en plus nombreuses, les élues commencent toutefois à saisir qu’elles ont intérêt à demeurer solidaires, à créer et à entretenir des réseaux de femmes, par-delà les interprétations qui stigmatisent l’entre-soi féminin toujours suspect d’entretenir des ressorts essentialistes.

Cliquez ici pour lire l’article publié par Libération le 4 février 2019.

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Si l’entre-soi masculin entretient la sous-féminisation de la vie politique, il faut aussi repérer comment les femmes participent elles-mêmes de leur minoration.

Par-delà les avancées de la parité sur un plan comptable, la vie politique demeure un monde surmasculinisé dont la féminisation ne se conçoit qu’en dégradé : si les échelons inférieurs sont quasi paritaires, les femmes disparaissent à mesure que l’on s’élève dans les statuts et que l’on se rapproche du sommet de l’Etat. Deux types d’explications sont généralement mobilisés pour rendre compte de ce phénomène. D’un côté, on dénonce la prégnance de représentations héritées du passé qui font du métier politique un métier d’hommes par excellence saisi au double prisme de la vocation et de la division sexuée des tâches. De l’autre, on déplore que l’entre-soi masculin entretienne des mécanismes d’exclusion et d’invisibilisation des femmes (instrumentalisation voire contournement des dispositifs paritaires, captation des postes exécutifs, assignation à des rôles de figuration et disqualifications sexistes).

Si l’on veut comprendre comment cet ordre phallocentré des choses pourrait être ébranlé, il faut inverser le point de vue et s’adresser à celles qui ont le courage de s’y immiscer et d’y évoluer. Lorsqu’on les interroge (1), les femmes politiques témoignent massivement des obstacles dressés devant elles par les tenants du bastion. Que ce soit au moment de leur entrée en politique, durant les campagnes électorales ou pendant leur mandat, et quel que soit leur niveau de responsabilité, elles subissent en continu des atteintes d’intensité variée : de la blague sexiste au dénigrement, de la malveillance à l’agression sexuelle, en passant par des formes plus insidieuses de violence, quand elles doivent accepter d’être conseillées, voire pilotées, par les hommes dont on prend soin de les entourer.

Mais, et c’est un aspect moins flagrant du problème, il se trouve aussi que les femmes concourent d’elles-mêmes à leur propre minoration. D’abord en pratiquant peu la solidarité qui leur permettrait de contrer la puissance des réseaux masculins de pouvoir. C’est ce que nous avons découvert avec effarement : la lutte qu’il faut mener pour parvenir à être désignée candidate puis à être élue, sans parler de la nomination à une fonction éminente, tous ces obstacles à franchir et ces inimitiés à dépasser conduisent les femmes à s’enfermer dans une posture combative qui peut se muer en animosité envers celles qui briguent les mêmes mandats et positions. De plus en plus nombreuses, les élues commencent toutefois à saisir qu’elles ont intérêt à demeurer solidaires, à créer et à entretenir des réseaux de femmes, par-delà les interprétations qui stigmatisent l’entre-soi féminin toujours suspect d’entretenir des ressorts essentialistes.

Cliquez ici pour lire l’article publié par Libération le 4 février 2019.

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