Maria da Penha tenant la Constitution du Brésil. (Photo: Divulgação Instituto Maria da Penha)
« Un dispositif légal contre l’agression des femmes au Brésil » par Elis de Aquino, rédactrice de iKNOW Politics.
Maria da Penha était une jeune étudiante promise à un avenir brillant. C’est à l’Université, lors de des cours de Biochimie, qu’elle a rencontré l’amour. Marco Viveros, économiste et professeur universitaire, était un homme charmant, romantique et attentionné. Leur futur semblait radieux, et ils finirent par se marier. De cette union naquirent trois petites filles. Une famille idéale, en somme.
Aujourd’hui, Maria da Penha se déplace en fauteuil roulant. Pendant les vingt-trois années qu’ont duré son mariage, elle a subi les coups et la violence de son mari. Par deux fois, elle a survécu à des tentatives d’assassinat : La première, Marco Viveros lui a tiré dessus avec un de fusil de chasse. C’est cette sauvage agression qui a cloué Maria à son fauteuil roulant. La seconde, il a tenté de l’électrocuter alors qu’elle prenait sa douche.
« Quand une femme choisit un homme elle voudrait que ça dure toujours », a déclaré Maria da Penha à plusieurs reprises. Mais au contraire de beaucoup de femmes, qui ont peur ou honte de dénoncer leur agresseur, Maria a fini par réunir force et courage afin de poursuivre en justice son agresseur, son mari. Huit ans après la première tentative d’assassinat, en 1991, Viveros a été condamné à huit années de prison. Il n’est resté enfermé que deux ans. Incapable de se résigner à accepter son sort et la clémence de la Justice envers son mari, Maria a repris son courage à deux mains pour écrire un livre dans lequel elle raconte les agressions domestiques dont elle a été victime : « J’ai survécu… je peux raconter ». Son histoire est remontée jusqu’à l’Organisation des États Américains (OEA), qui a blâmé l’État Brésilien pour sa négligence et la légèreté avec laquelle il traitait le sujet des violences domestiques. Après un long travail, le gouvernement brésilien a accouché de la loi numéro 11.340, plus connue sous le nom de « Loi Maria da Penha », en hommage à cette femme qui n’a pas abandonné la lutte pour une juste condamnation de son époux.
Des histoires de celle comme de Maria da Penha ne sont pas, malheureusement, isolées. Qui n’a jamais vu une femme être battue? Qui n’a jamais entendu une histoire comme celle de Maria? Ou qui n’a jamais été victime d’agression, physique ou verbale, de celui que l’on a juré d’aimer? J’ai moi-même connu des moments de violence. L’un des plus marquants remonte à cette époque où âgée de quinze ans et en compagnie de ma cousine de 6 ans, j’ai vu ma tante être battue en pleine rue par son compagnon. C’était en 2005, soit un an avant la Loi Maria da Penha. Un coup de poing, semblable à ceux des boxeurs que l’on voit à la télévision, l’a mis par terre. Mes cris et ceux de ma cousine n’ont pas effrayé l’agresseur et n’ont même pas sensibilisé les passants, qui nous regardaient à peine. J’ai beaucoup pleuré, j’ai pris ma cousine dans mes bras dans une tentative désespérée d’empêcher son père de l’amener avec lui. Il est parti, impuni. Ma tante a appelé un taxi et m’a dit d’arrêter de pleurer. Elle n’a jamais dénoncé cette agression.
La Loi Maria da Penha a fêté ses huit ans le mois dernier. Elle représente une victoire des femmes brésiliennes, qui maintenant sont mieux protégées contre l’agression domestique. Cette législation a changé le Code Pénal brésilien et les agresseurs de femmes pris sur le fait peuvent être arrêtés sous la qualification du flagrant délit ou être placés en garde à vue et détention préventive par la police, entre autres mesures, ce qui n’était pas possible auparavant.
Comme en témoigne Maria Berenice Dias, juriste brésilienne, avant la loi, « les attaques contre les femmes n'étaient même pas identifiées comme une violation des droits de l’homme ». Selon elle la loi est un outil efficace dans la lutte contre la violence domestique, et elle fait prendre conscience à l’agresseur « qu'il n'est pas le propriétaire de la femme, qu’il ne peut pas disposer de son corps en toute impunité, qu’il ne peut pas compromettre son intégrité physique, psychologique et sa liberté sexuelle ». [1]
Ces huit ans sont un motif de réjouissance. Depuis que le président Lula a validé cette loi, en 2006, les dénonciations ont augmenté et les femmes sont plus conscientes de leur droit. Elles cherchent désormais de l’aide. Néanmoins il reste encore beaucoup de travail à faire. L’année dernière, une recherche menée par la Secrétaire de Transparence du Sénat Brésilien a montré que 700.000 brésiliennes subissent encore des agressions, essentiellement par leur conjoint. Des 84 pays classés par rapport aux violences faites aux femmes, le Brésil occupe la septième place. Le taux de féminicide y est très élevé. « Récemment la CPMI a apponté des failles dans la gestion des services qui garantissent l’assistance aux femmes, ce qui révèle les défis pour que la Loi soit vraiment appliquée. Il faut réévaluer les mesures punitives ainsi que les protectrices », a déclaré Leila Rebouças, assistante technique au Centre Féministe d’Études (CEFEM) lors d’un entretien à la radio EBC.
Certes, la loi est un avancement législatif et une victoire très importante obtenue par les femmes brésiliennes. Mais plus que ces mesures de prévention et de répression contre la violence il faut mettre en place un travail pédagogique pour toute la société, contre le machisme et le sexisme. Il est nécessaire montrer que les femmes ne sont pas des objets sexuels, ni des biens avec lesquels on peut faire tout ce que l’on veut. Ce n’est que par le biais d’une éducation combinée à des dispositifs légaux, comme la Loi Maria da Penha, que l’on pourra vivre dans une société où vous, moi, ma tante, et des milliers d’autres femmes n’aurions pas à craindre d’être harcelées, agressées physiquement et psychologiquement, violées, ou assassinées.
L’histoire de Maria da Penha a été choisi par l’ONU Femmes comme faisant partie d’un des dix cas qui ont été en mesure de changer la vie des femmes dans le monde entier.