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Alomiza Ennos-Barr

Entretiens

Soumis par iKNOW Politics le
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March 11, 2009

Alomiza Ennos-Barr

Représentante libérienne et présidente du groupe législatif de femmes

" J’étais une Africaine typique, élevée dans l’idée que la politique est une affaire d’hommes, et j’ai d’abord refusé de me présenter. Finalement, j’ai accepté pour mon parti, car je pensais qu’il ne serait pas juste de rester à l’écart de la politique." - Alomiza Ennos-Barr

iKNOW Politics: Vous présidez le premier groupe législatif de femmes au Libéria. Est-ce la première fois que le Parlement libérien compte un nombre important de femmes? Pourquoi avez-vous décidé de créer un groupe? Avez-vous été influencée par des expériences semblables dans d’autres pays d’Afrique?

Ce gouvernement est historique, car c’est la première fois que le Parlement libérien compte autant de femmes. Il y a neuf femmes sur 64 membres à la chambre basse, et cinq femmes sur 30 membres à la chambre haute. Nous sommes donc 14. La plupart des femmes viennent d’entrer en politique et se forment. C’est la première fois que nous formons un groupe de femmes, non partisan. Nous appartenons à différents partis politiques. Maintenant que nous faisons partie de ce groupe, nous devons avoir une mission et des objectifs. Nous avons été inspirées par l’expérience du Rwanda, où une formidable initiative a été prise par les législatrices. Nous nous efforçons d’accroître notre influence au parlement et dans la société, et pour cela nous essayons de tirer parti de l’expérience d’autres pays. Nous commençons tout juste à faire des propositions et à nous doter d’un caractère officiellement politique.

iKNOW Politics: Pouvez-vous dire à nos lecteurs comment vous vous êtes intéressée à la politique après une période de grande violence dans l’histoire de votre pays?

A la demande de l’ambassadeur George Weah, dirigeant du Congrès pour le changement démocratique, je suis devenue membre du Congrès. C’est de cette façon que je suis entrée en politique. Je travaille principalement pour la Women’s League. Au moment des élections, le Ministère de l’égalité entre les sexes et l’ONU ont encouragé les femmes à participer. D’abord, les partis ne sont pas parvenus à remplir la condition de 30 pour cent de femmes. Ils ont donc dû reprendre l’étude de la question à zéro et demander aux femmes de se présenter. C’est à ce moment-là que l’on m’a demandé de représenter mon parti. J’étais une Africaine typique, élevée dans l’idée que la politique est une affaire d’hommes, et j’ai d’abord refusé de me présenter.

Finalement, j’ai accepté pour mon parti, car je pensais qu’il ne serait pas juste de rester à l’écart de la politique. Pour moi, comme pour la plupart des candidates, le principal problème est que nous ne sommes pas habituées à faire de la politique, ni à être au pouvoir. Nous devons chercher des ressources, notamment financières. Le Ministère de l’égalité entre les sexes et UNIFEM nous ont proposé des programmes de formation spéciaux pour renforcer nos compétences. La plupart des candidates faisaient leurs premiers pas en politique. Nous ne savions pas comment faire campagne, comment nous exprimer, ni même comment élaborer un programme électoral. J’ai dû m’entretenir avec de nombreux groupes. Je représente une des plus grandes circonscriptions du pays. J’ai dû parler avec des personnes issues d’horizons et de groupes ethniques divers, aux niveaux d’éducation différents. Le Ministère de l’égalité entre les sexes a proposé de nous aider à développer nos compétences pour nous présenter aux élections. Le processus a commencé en août 2005, et les élections devaient avoir lieu en octobre. Il n’a pas été facile de faire du porte à porte. Quelle campagne! J’ai dû m’exprimer en public, mais aussi parler aux personnes âgées qui ne pouvaient assister aux rassemblements. J’ai mis à profit les ressources que le Ministère de l’égalité entre les sexes a mises à ma disposition.

iKNOW Politics: Quelle était la situation politique à l’époque? Votre famille, vos amis et vos collègues du parti vous ont-ils soutenue? Avez-vous rencontré beaucoup d’obstacles?

Mes collègues du parti m’ont soutenue, et j’ai aussi bénéficié du soutien d’autres partis. Quand j’ai fait campagne, je savais que certaines personnes ne pouvaient m’accepter à cause de mon affiliation politique. J’ai donc laissé de côté mon affiliation et je me suis dit: “je suis une femme et je me présente à une fonction. Je veux changer le cours des choses. Si je suis faible, beaucoup des choses que nous voulons faire pour les femmes resteront à l’état de projet.” Alors, j’ai demandé aux électeurs de ne pas se soucier de mon parti, ni de mon affiliation, et de me considérer comme une femme qui voulait obtenir des résultats tangibles pour nos enfants. Cela m’a rapporté beaucoup de voix et de soutien de la part d’autres partis. Nous encourageons les femmes à entrer en politique et à développer leurs compétences, ici et dans d’autres pays.

iKNOW Politics: Pouvez-vous parler à nos lecteurs des changements d’orientation ou des propositions législatives relatives à l’égalité entre hommes et femmes sur lesquels vous comptez travailler pendant votre mandat?

Nous voulons d’abord nous atteler au quota de 30 pour cent. Nous allons élaborer des projets de loi que nous présenterons au Congrès, et cherchons à obtenir le soutien de différents partis pour que ces projets soient adoptés au cours de cette session législative. Nous disposons du soutien du Ministère de l’égalité entre les sexes et du développement. J’espère que cette année, le groupe de femmes parviendra à faire adopter la loi relative aux quotas. Cette loi ne limitera pas les quotas à 30 pour cent. Ce chiffre est une base qui nous permettra de progresser par la suite. Après la guerre, beaucoup de problèmes subsistent. Pour tenter de les résoudre, nous avons mené des actions de sensibilisation aux questions de genre, et nous nous sommes adressées aux partis politiques pour améliorer la situation. L’un de nos objectifs est de prévoir des sanctions plus lourdes pour les crimes atroces qui ont été commis pendant la guerre, notamment envers les femmes.

Si ces crimes restent impunis, d’autres les commettront demain. Nous coopérons avec des organisations féminines, des associations militantes et d’autres sur ce problème. Nous allons également adopter une loi sur la corruption. La corruption se ressent en effet sur la vie quotidienne des femmes. Les femmes ont une grande expérience de la gestion financière. Quand elles obtiennent des microcrédits, elles les remboursent. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous pensons pouvoir faire avancer notre pays. Les femmes du Libéria travaillaient avant que nous accédions aux fonctions publiques. Nous avons perdu nos époux, nos enfants, et maintenant que nous participons à la politique, nous allons être au cœur du système pour longtemps. Les souffrances que nous avons endurées nous ont encouragées à entrer en politique.

Nous sommes toutes politiciennes, de par l’histoire du Libéria. Notre présidente est la première femme à ce poste en Afrique. Nous ne devons pas ménager nos efforts pour assurer son succès et motiver les Africaines. En Afrique, nous avons un proverbe qui dit que quand les hommes ont mangé, les femmes viennent faire la vaisselle. Quand les hommes étaient au front, ils nous ont laissé le temps de faire le ménage, chez nous et dans le pays. Aujourd’hui, nous avons l’eau courante, des médicaments et davantage d’écoles. Nous devons faire en sorte que les filles soient scolarisées. Je suis reconnaissante des occasions qui nous ont été données.

iKNOW Politics: A quels défis êtes-vous confrontée en tant que dirigeante, dans un pays traditionnellement dirigé par des hommes? Est-il important pour les femmes que la Présidente Ellen Sirleaf Johnson soit la première Africaine à occuper ce poste? Quelles stratégies existent pour associer les hommes aux changements et promouvoir l’égalité entre hommes et femmes?

Il y a toujours des obstacles, et les agressions de la part de nos collègues masculins existent toujours. Les hommes ont détenu le pouvoir pendant plus de 50 ans, et ils ne sont pas disposés à le partager facilement. Il est très positif pour le Libéria d’être le premier pays d’Afrique dont le Président est une femme, car cela encourage les filles à aller à l’école, et à participer aux organisations et à la politique. Beaucoup de femmes pensent que si Ellen Sirleaf Johnson est devenue Présidente, elles aussi peuvent y arriver. Et c’est cette ambition qui les incite à aller à l’école. Si elles ne deviennent pas Présidentes, elles pourront devenir ministres ou parlementaires, et le niveau d’éducation de la société sera certainement plus élevé. Le groupe législatif de femmes a été créé pour soutenir notre Présidente et les ambitions de nos enfants, afin que le gouvernement prenne des orientations plus égalitaires. Nous coopérons avec des hommes. Nous ne pouvons les laisser pour compte, et tentons de les traiter équitablement, mais ils sont très puissants et ne se sentent pas à l’aise à l’idée de partager le pouvoir avec nous. Etant minoritaires, nous n’allons renoncer à aucune des possibilités qui nous sont offertes.

Nous tentons d’élaborer des projets de loi avec les hommes, et de faire progresser ces projets. Nous ne sommes pas entrées en politique pour rabaisser les hommes. L’égalité des sexes est une question qui fait intervenir les femmes comme les hommes. La meilleure stratégie est la négociation. Nous devons associer les hommes à nos activités et les éduquer. Quand nous parlons du Ministère de l’égalité entre les sexes, il ne s’agit pas de susciter l’hostilité des hommes ou de diminuer leur influence, il s’agit d’égalité, et le système de quotas constitue un progrès dans ce domaine. Nous tentons d’encourager les femmes à participer à d’autres aspects de la vie sociale, à devenir chefs de ville, à participer aux élections, aux conseils municipaux et à d’autres organes semblables.

iKNOW Politics: Qu’attendez-vous du Colloque international sur l’émancipation des femmes, le perfectionnement des capacités, la paix et la sécurité internationales, organisé par les présidentes du Libéria et de la Finlande?

D’abord, j’espère que ce Colloque donnera lieu à l’élaboration d’une stratégie de coopération avec les hommes, qui leur permettra de mieux comprendre les droits des femmes et de reconnaître que les femmes ne constituent pas une menace pour eux, qu’ensemble nous serons plus forts. Il nous faut des stratégies, non seulement au niveau du gouvernement, mais aussi dans les villages, les villes, et dans les foyers. Nous devons consolider nos relations et nos réseaux. Il est essentiel de bénéficier du soutien des autres et de savoir que d’autres femmes s’intéressent à nous. Notre stratégie pour les femmes doit être élaborée et mise en œuvre sans délai. Il s’agit de leur émancipation. Parfois, nous avons des idées formidables, mais nous avons peur de nous exprimer. Savoir que d’autres femmes s’expriment nous encourage à faire de même. Les rassemblements avec des femmes d’autres pays nous donnent l’occasion d’exprimer nos craintes et nos limites, et de trouver des solutions. Je suis très optimiste quant aux bénéfices que nous allons retirer de ce colloque.

iKNOW Politics: Quels conseils aimeriez-vous donner et quelles recommandations aimeriez-vous faire aux jeunes dirigeantes politiques du Libéria et d’autres pays?

Je leur dirais que si elles veulent entrer en politique, elles doivent le faire avec détermination, et adopter les méthodes que l’on qualifie de masculines. Le fait d’être une femme ne signifie pas que l’on doive se cantonner au rôle qui nous est traditionnellement attribué en politique. Ce n’est pas là une chose facile. Il faut faire preuve de fermeté et de détermination et être un modèle pour les autres, afin que les jeunes filles et les femmes puissent nous suivre. Il faut faire preuve de transparence pour lutter contre la corruption. Nous ne devons pas ménager notre peine, car la plupart des hommes n’attendent que notre échec. Nous devons nous soutenir mutuellement pour surmonter les cloisonnements entre partis. Le succès de toute femme est le nôtre, et demain, ce succès sera celui de toutes les femmes d’Afrique. Si nous échouons les femmes seront montrées du doigt, non seulement en Libéria, mais dans toute l’Afrique.

iKNOW Politics: Quel rôle a joué la coopération en réseau, et quel rôle doit-elle jouer pour faire entendre la voix des femmes et renforcer leur rôle à différents niveaux du gouvernement? Pensez-vous qu’iKNOW Politics joue un rôle important pour aider les femmes à réaliser leurs objectifs?

La coopération en réseau est très importante. Elle est essentielle à l’émancipation des femmes. Je l’ai utilisé pour obtenir des conseils de différentes sources quand j’ai eu besoin de résoudre des problèmes. Quand je constate un problème dans ma circonscription, je peux contacter mes collègues pour leur demande conseil. Ils me disent comment ils ont traité des problèmes semblables. Pour que la coopération en réseau fonctionne, nous devons nous entraider, notamment parce que l’émancipation des femmes est un problème nouveau dans le monde, en particulier en Afrique. J’ai besoin de mes collègues d’autres pays pour surveiller mes arrières, tandis que je surveille mes avants. Et je ferai de même pour elles. C’est cela que j’appelle coopérer en réseau, c’est cela que j’appelle avoir du cœur.

 

Date de l'entretien
Région
Représentante libérienne et présidente du groupe législatif de femmes

" J’étais une Africaine typique, élevée dans l’idée que la politique est une affaire d’hommes, et j’ai d’abord refusé de me présenter. Finalement, j’ai accepté pour mon parti, car je pensais qu’il ne serait pas juste de rester à l’écart de la politique." - Alomiza Ennos-Barr

iKNOW Politics: Vous présidez le premier groupe législatif de femmes au Libéria. Est-ce la première fois que le Parlement libérien compte un nombre important de femmes? Pourquoi avez-vous décidé de créer un groupe? Avez-vous été influencée par des expériences semblables dans d’autres pays d’Afrique?

Ce gouvernement est historique, car c’est la première fois que le Parlement libérien compte autant de femmes. Il y a neuf femmes sur 64 membres à la chambre basse, et cinq femmes sur 30 membres à la chambre haute. Nous sommes donc 14. La plupart des femmes viennent d’entrer en politique et se forment. C’est la première fois que nous formons un groupe de femmes, non partisan. Nous appartenons à différents partis politiques. Maintenant que nous faisons partie de ce groupe, nous devons avoir une mission et des objectifs. Nous avons été inspirées par l’expérience du Rwanda, où une formidable initiative a été prise par les législatrices. Nous nous efforçons d’accroître notre influence au parlement et dans la société, et pour cela nous essayons de tirer parti de l’expérience d’autres pays. Nous commençons tout juste à faire des propositions et à nous doter d’un caractère officiellement politique.

iKNOW Politics: Pouvez-vous dire à nos lecteurs comment vous vous êtes intéressée à la politique après une période de grande violence dans l’histoire de votre pays?

A la demande de l’ambassadeur George Weah, dirigeant du Congrès pour le changement démocratique, je suis devenue membre du Congrès. C’est de cette façon que je suis entrée en politique. Je travaille principalement pour la Women’s League. Au moment des élections, le Ministère de l’égalité entre les sexes et l’ONU ont encouragé les femmes à participer. D’abord, les partis ne sont pas parvenus à remplir la condition de 30 pour cent de femmes. Ils ont donc dû reprendre l’étude de la question à zéro et demander aux femmes de se présenter. C’est à ce moment-là que l’on m’a demandé de représenter mon parti. J’étais une Africaine typique, élevée dans l’idée que la politique est une affaire d’hommes, et j’ai d’abord refusé de me présenter.

Finalement, j’ai accepté pour mon parti, car je pensais qu’il ne serait pas juste de rester à l’écart de la politique. Pour moi, comme pour la plupart des candidates, le principal problème est que nous ne sommes pas habituées à faire de la politique, ni à être au pouvoir. Nous devons chercher des ressources, notamment financières. Le Ministère de l’égalité entre les sexes et UNIFEM nous ont proposé des programmes de formation spéciaux pour renforcer nos compétences. La plupart des candidates faisaient leurs premiers pas en politique. Nous ne savions pas comment faire campagne, comment nous exprimer, ni même comment élaborer un programme électoral. J’ai dû m’entretenir avec de nombreux groupes. Je représente une des plus grandes circonscriptions du pays. J’ai dû parler avec des personnes issues d’horizons et de groupes ethniques divers, aux niveaux d’éducation différents. Le Ministère de l’égalité entre les sexes a proposé de nous aider à développer nos compétences pour nous présenter aux élections. Le processus a commencé en août 2005, et les élections devaient avoir lieu en octobre. Il n’a pas été facile de faire du porte à porte. Quelle campagne! J’ai dû m’exprimer en public, mais aussi parler aux personnes âgées qui ne pouvaient assister aux rassemblements. J’ai mis à profit les ressources que le Ministère de l’égalité entre les sexes a mises à ma disposition.

iKNOW Politics: Quelle était la situation politique à l’époque? Votre famille, vos amis et vos collègues du parti vous ont-ils soutenue? Avez-vous rencontré beaucoup d’obstacles?

Mes collègues du parti m’ont soutenue, et j’ai aussi bénéficié du soutien d’autres partis. Quand j’ai fait campagne, je savais que certaines personnes ne pouvaient m’accepter à cause de mon affiliation politique. J’ai donc laissé de côté mon affiliation et je me suis dit: “je suis une femme et je me présente à une fonction. Je veux changer le cours des choses. Si je suis faible, beaucoup des choses que nous voulons faire pour les femmes resteront à l’état de projet.” Alors, j’ai demandé aux électeurs de ne pas se soucier de mon parti, ni de mon affiliation, et de me considérer comme une femme qui voulait obtenir des résultats tangibles pour nos enfants. Cela m’a rapporté beaucoup de voix et de soutien de la part d’autres partis. Nous encourageons les femmes à entrer en politique et à développer leurs compétences, ici et dans d’autres pays.

iKNOW Politics: Pouvez-vous parler à nos lecteurs des changements d’orientation ou des propositions législatives relatives à l’égalité entre hommes et femmes sur lesquels vous comptez travailler pendant votre mandat?

Nous voulons d’abord nous atteler au quota de 30 pour cent. Nous allons élaborer des projets de loi que nous présenterons au Congrès, et cherchons à obtenir le soutien de différents partis pour que ces projets soient adoptés au cours de cette session législative. Nous disposons du soutien du Ministère de l’égalité entre les sexes et du développement. J’espère que cette année, le groupe de femmes parviendra à faire adopter la loi relative aux quotas. Cette loi ne limitera pas les quotas à 30 pour cent. Ce chiffre est une base qui nous permettra de progresser par la suite. Après la guerre, beaucoup de problèmes subsistent. Pour tenter de les résoudre, nous avons mené des actions de sensibilisation aux questions de genre, et nous nous sommes adressées aux partis politiques pour améliorer la situation. L’un de nos objectifs est de prévoir des sanctions plus lourdes pour les crimes atroces qui ont été commis pendant la guerre, notamment envers les femmes.

Si ces crimes restent impunis, d’autres les commettront demain. Nous coopérons avec des organisations féminines, des associations militantes et d’autres sur ce problème. Nous allons également adopter une loi sur la corruption. La corruption se ressent en effet sur la vie quotidienne des femmes. Les femmes ont une grande expérience de la gestion financière. Quand elles obtiennent des microcrédits, elles les remboursent. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous pensons pouvoir faire avancer notre pays. Les femmes du Libéria travaillaient avant que nous accédions aux fonctions publiques. Nous avons perdu nos époux, nos enfants, et maintenant que nous participons à la politique, nous allons être au cœur du système pour longtemps. Les souffrances que nous avons endurées nous ont encouragées à entrer en politique.

Nous sommes toutes politiciennes, de par l’histoire du Libéria. Notre présidente est la première femme à ce poste en Afrique. Nous ne devons pas ménager nos efforts pour assurer son succès et motiver les Africaines. En Afrique, nous avons un proverbe qui dit que quand les hommes ont mangé, les femmes viennent faire la vaisselle. Quand les hommes étaient au front, ils nous ont laissé le temps de faire le ménage, chez nous et dans le pays. Aujourd’hui, nous avons l’eau courante, des médicaments et davantage d’écoles. Nous devons faire en sorte que les filles soient scolarisées. Je suis reconnaissante des occasions qui nous ont été données.

iKNOW Politics: A quels défis êtes-vous confrontée en tant que dirigeante, dans un pays traditionnellement dirigé par des hommes? Est-il important pour les femmes que la Présidente Ellen Sirleaf Johnson soit la première Africaine à occuper ce poste? Quelles stratégies existent pour associer les hommes aux changements et promouvoir l’égalité entre hommes et femmes?

Il y a toujours des obstacles, et les agressions de la part de nos collègues masculins existent toujours. Les hommes ont détenu le pouvoir pendant plus de 50 ans, et ils ne sont pas disposés à le partager facilement. Il est très positif pour le Libéria d’être le premier pays d’Afrique dont le Président est une femme, car cela encourage les filles à aller à l’école, et à participer aux organisations et à la politique. Beaucoup de femmes pensent que si Ellen Sirleaf Johnson est devenue Présidente, elles aussi peuvent y arriver. Et c’est cette ambition qui les incite à aller à l’école. Si elles ne deviennent pas Présidentes, elles pourront devenir ministres ou parlementaires, et le niveau d’éducation de la société sera certainement plus élevé. Le groupe législatif de femmes a été créé pour soutenir notre Présidente et les ambitions de nos enfants, afin que le gouvernement prenne des orientations plus égalitaires. Nous coopérons avec des hommes. Nous ne pouvons les laisser pour compte, et tentons de les traiter équitablement, mais ils sont très puissants et ne se sentent pas à l’aise à l’idée de partager le pouvoir avec nous. Etant minoritaires, nous n’allons renoncer à aucune des possibilités qui nous sont offertes.

Nous tentons d’élaborer des projets de loi avec les hommes, et de faire progresser ces projets. Nous ne sommes pas entrées en politique pour rabaisser les hommes. L’égalité des sexes est une question qui fait intervenir les femmes comme les hommes. La meilleure stratégie est la négociation. Nous devons associer les hommes à nos activités et les éduquer. Quand nous parlons du Ministère de l’égalité entre les sexes, il ne s’agit pas de susciter l’hostilité des hommes ou de diminuer leur influence, il s’agit d’égalité, et le système de quotas constitue un progrès dans ce domaine. Nous tentons d’encourager les femmes à participer à d’autres aspects de la vie sociale, à devenir chefs de ville, à participer aux élections, aux conseils municipaux et à d’autres organes semblables.

iKNOW Politics: Qu’attendez-vous du Colloque international sur l’émancipation des femmes, le perfectionnement des capacités, la paix et la sécurité internationales, organisé par les présidentes du Libéria et de la Finlande?

D’abord, j’espère que ce Colloque donnera lieu à l’élaboration d’une stratégie de coopération avec les hommes, qui leur permettra de mieux comprendre les droits des femmes et de reconnaître que les femmes ne constituent pas une menace pour eux, qu’ensemble nous serons plus forts. Il nous faut des stratégies, non seulement au niveau du gouvernement, mais aussi dans les villages, les villes, et dans les foyers. Nous devons consolider nos relations et nos réseaux. Il est essentiel de bénéficier du soutien des autres et de savoir que d’autres femmes s’intéressent à nous. Notre stratégie pour les femmes doit être élaborée et mise en œuvre sans délai. Il s’agit de leur émancipation. Parfois, nous avons des idées formidables, mais nous avons peur de nous exprimer. Savoir que d’autres femmes s’expriment nous encourage à faire de même. Les rassemblements avec des femmes d’autres pays nous donnent l’occasion d’exprimer nos craintes et nos limites, et de trouver des solutions. Je suis très optimiste quant aux bénéfices que nous allons retirer de ce colloque.

iKNOW Politics: Quels conseils aimeriez-vous donner et quelles recommandations aimeriez-vous faire aux jeunes dirigeantes politiques du Libéria et d’autres pays?

Je leur dirais que si elles veulent entrer en politique, elles doivent le faire avec détermination, et adopter les méthodes que l’on qualifie de masculines. Le fait d’être une femme ne signifie pas que l’on doive se cantonner au rôle qui nous est traditionnellement attribué en politique. Ce n’est pas là une chose facile. Il faut faire preuve de fermeté et de détermination et être un modèle pour les autres, afin que les jeunes filles et les femmes puissent nous suivre. Il faut faire preuve de transparence pour lutter contre la corruption. Nous ne devons pas ménager notre peine, car la plupart des hommes n’attendent que notre échec. Nous devons nous soutenir mutuellement pour surmonter les cloisonnements entre partis. Le succès de toute femme est le nôtre, et demain, ce succès sera celui de toutes les femmes d’Afrique. Si nous échouons les femmes seront montrées du doigt, non seulement en Libéria, mais dans toute l’Afrique.

iKNOW Politics: Quel rôle a joué la coopération en réseau, et quel rôle doit-elle jouer pour faire entendre la voix des femmes et renforcer leur rôle à différents niveaux du gouvernement? Pensez-vous qu’iKNOW Politics joue un rôle important pour aider les femmes à réaliser leurs objectifs?

La coopération en réseau est très importante. Elle est essentielle à l’émancipation des femmes. Je l’ai utilisé pour obtenir des conseils de différentes sources quand j’ai eu besoin de résoudre des problèmes. Quand je constate un problème dans ma circonscription, je peux contacter mes collègues pour leur demande conseil. Ils me disent comment ils ont traité des problèmes semblables. Pour que la coopération en réseau fonctionne, nous devons nous entraider, notamment parce que l’émancipation des femmes est un problème nouveau dans le monde, en particulier en Afrique. J’ai besoin de mes collègues d’autres pays pour surveiller mes arrières, tandis que je surveille mes avants. Et je ferai de même pour elles. C’est cela que j’appelle coopérer en réseau, c’est cela que j’appelle avoir du cœur.

 

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