Hanan Ashrawi
«Les femmes doivent coopérer. Elles doivent toujours constituer des systèmes et des réseaux de soutien en faveur d’autres femmes, et ne doivent pas servir de prétexte pour exclure d’autres femmes de la politique. » - Hanan Ashrawi
iKNOW Politics: Mme Ashrawi, vous êtes connue en tant que législatrice palestinienne, militante des droits de l’homme et universitaire. Vous avez exercé de nombreuses fonctions au cours de votre carrière politique, notamment celle de membre du Conseil législatif palestinien, Ministre de l’éducation supérieure et de la recherche et présidente du Comité politique. Comment êtes-vous entrée en politique? Votre famille vous a-t-elle soutenue?
Je pense qu’aucun Palestinien n’a d’autre choix que de faire de la politique. Je préférerais nettement être universitaire, écrire des livres et enseigner, mais je dois faire de la politique. Etant Palestinienne, je fais forcément partie de l’environnement politique car mon identité est façonnée par ma lutte et je ne peux me soustraire à cette responsabilité. A bien des égards, j’ai le sentiment qu’on peut être une victime passive ou façonner la réalité de manière active. J’ai choisi la dernière voie. Je participe à la vie politique depuis que je suis étudiante, plus précisément depuis 1967, au moment où Israël a occupé la Cisjordanie et Gaza. A cette époque, j’étudiais à Beyrouth et je ne pouvais rentrer chez moi à cause de la situation dans la région. J’ai donc décidé de m’engager.
Je suis devenue la porte-parole de l’Union générale des étudiants palestiniens au Liban. Par la suite, j’ai été élue représentante des étudiants palestiniens à l’ONU. Depuis, j’ai pris divers types d’engagements publics et participé à un certain nombre d’élections politiques. J’ai aussi travaillé dans des camps de réfugiés, ce qui n’était pas facile. Quand je suis rentrée en Palestine, j’ai rejoint le mouvement de protestation et formé d’autres mouvements en faveur des droits de l’homme et de la justice. J’ai été emprisonnée et passée à tabac à maintes reprises.
J’ai été soutenue par ma famille quand je suis entrée en politique. Mon père était aussi engagé et ma mère était une femme très instruite et indépendante. Ils m’ont tous les deux soutenue dans mon choix. Quand je me suis mariée, mon mari, et par la suite mes filles m’ont énormément soutenue. Mon mari est l’un des rares hommes activement engagé dans la lutte contre violence envers les femmes, mai aussi dans la promotion des femmes dans tous les domaines de la vie sociale et politique.
iKNOW Politics: En tant que politicienne, à quels obstacles avez-vous été confrontée et comment les avez-vous surmontés?
La politique est un domaine qui reste largement dominé par les hommes, et les femmes se heurtent à de nombreux stéréotypes et à de nombreux obstacles. Les hommes considèrent qu’il est normal que les femmes prennent des risques, qu’elles contestent l’autorité, qu’elles manifestent dans la rue, qu’elles soient passées à tabac, qu’elles s’opposent à une armée d’occupation, mais lorsqu’il s’agit de prendre des décisions politiques, les hommes pensent que ces décisions leur reviennent, et qu’ils ont le droit de diriger. Je suis énergique et je refuse d’être neutralisée par les hommes, d’être utilisée comme la femme de service et comme un prétexte pour exclure d’autres femmes.
Quand ils ont été confrontés à cet aspect de ma personnalité, les hommes se sont vraiment sentis menacés. Ils avaient le sentiment que je n’avais pas le droit d’occuper un poste de prise de décision et ont tenté d’empiéter sur mon espace, mais je ne me suis pas laissée faire. Les hommes souhaiteraient que les femmes ne s’occupent que des questions accessoires. Je crois que j’ai progressivement gagné l’estime de mes collègues et leur montrant que je pouvais me charger de bien plus de problèmes qu’ils ne le pensaient.
Je me suis opposée à notre gouvernement qui tentait de violer les droits et les libertés des Palestiniens en arrêtant et en détenant des personnes sans procédure régulière. Je me suis aussi prononcée contre l’utilisation abusive des fonds publics, et j’ai milité en faveur de la bonne gouvernance. Je me suis opposée à Yasser Arafat, que je respectais beaucoup, mais avec lequel j’avais aussi des divergences. Ma relation avec Yasser Arafat reposait sur le respect mutuel et le professionnalisme, et l’on m’a dit que j’étais peut-être la seule personne qui pouvait lui parler sans détours.
iKNOW Politics: Quels ont été vos succès politiques?
Il y a une chose dont je suis fière, c’est d’être restée fidèle à mes principes, d’être directe et franche. J’ai toujours refusé d’être intimidée et récupérée par qui que ce soit. Je m’exprime toujours ouvertement et je ne me laisse pas facilement impressionner. Je n’accepte pas les limites imposées par d’autres. Je crois en mon droit de m’engager en tant qu’être humain et individu. Je pense aussi que je dois utiliser ce trait de mon caractère pour donner aux autres les moyens d’agir dans le cadre du mouvement féminin, mais aussi dans le cadre du mouvement des droits de l’homme et parmi les politiciens éclairés. Je crée en permanence des réseaux et des mécanismes de soutien pour autonomiser les autres, en particulier les jeunes femmes.
Je crois qu’elles sont notre avenir, et que si ma génération ne met pas en place des systèmes de soutien et qu’elle n’ouvre pas des portes aux plus jeunes, celles-ci auront beaucoup de mal. Je suis aussi fière d’avoir créé un certain nombre d’institutions en Palestine, notamment l’office du médiateur, qui est aujourd’hui une organisation publique qui défend les droits de l’homme et demande des comptes aux autorités. J’ai aussi mis sur pied une organisation en faveur de la légalité, qui dispose aujourd’hui de 7 bureaux. En outre, j’ai créé le Ministère de l’éducation et de la recherche, et un certain nombre d’institutions universitaires. Enfin, j’ai créé le MIFTAH, organisation pour la promotion du dialogue mondial et de la démocratie dans notre région. La création de ces institutions et de ces mécanismes destinés à amener la justice et la paix fait partie de ma contribution à la réalité palestinienne.
iKNOW Politics: Mme Ashrawi, vous êtes aussi connue pour les activités que vous avez menées dans le domaine de l’édification de la paix et des négociations en faveur de la paix pendant l’Intifada et après. Pouvez-vous nous faire part de vos expériences et de vos réflexions à ce sujet?
J’ai participé aux négociations diplomatiques et au dialogue pendant la première Intifada en tant que porte-parole officielle de la délégation palestinienne dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient. C’était là une responsabilité publique, car j’ai travaillé avec des dirigeants politiques de haut niveau. J’ai aussi participé au comité des dirigeants qui a lancé les pourparlers de Madrid, dans le cadre desquels j’ai représenté les intérêts palestiniens. Je pense que les processus de paix doivent se poursuivre après la fin des conflits.
Je pense aussi que nous devons définir la paix comme un moyen d’obtenir la justice. Beaucoup de gens définissent la sécurité comme une intervention militaire, tandis que pour moi, la sécurité c’est la justice. La loi doit protéger, et rendre les actions légales. Pour prendre un exemple, les Israéliens ont construit des colonies de peuplement en Palestine, sur des territoires confisqués en 1967. Je pense que nous devons instaurer la paix dans la région, mais que cela ne conférera pas un statut légal aux colonies. La légalité signifie aussi que les réfugiés palestiniens doivent être traités de manière égale et équitable.
iKNOW POlitics: Quels conseils donneriez-vous aux autres politiciennes et aux candidates aux élections?
Les femmes doivent coopérer. Elles doivent toujours constituer des systèmes et des réseaux de soutien en faveur d’autres femmes, et ne doivent pas servir de prétexte pour exclure d’autres femmes de la politique. Ces réseaux ne doivent pas évoluer autour de l’ego d’une personne, mais autour d’une cause importante. Même si je sais que toutes les femmes ne votent pas pour des politiciennes, je dirais que cela ne doit pas nous décourager. En outre, les femmes doivent veiller à ne pas adopter une approche masculine de la politique en restant fidèles à leur condition et à leur discours. C’est là une question importante, car les femmes créent souvent le consensus et associent tous ceux qui les entourent à leur action. Il est donc essentiel qu’elles conservent leur identité en tant que femmes et en tant que politiciennes.
«Les femmes doivent coopérer. Elles doivent toujours constituer des systèmes et des réseaux de soutien en faveur d’autres femmes, et ne doivent pas servir de prétexte pour exclure d’autres femmes de la politique. » - Hanan Ashrawi
iKNOW Politics: Mme Ashrawi, vous êtes connue en tant que législatrice palestinienne, militante des droits de l’homme et universitaire. Vous avez exercé de nombreuses fonctions au cours de votre carrière politique, notamment celle de membre du Conseil législatif palestinien, Ministre de l’éducation supérieure et de la recherche et présidente du Comité politique. Comment êtes-vous entrée en politique? Votre famille vous a-t-elle soutenue?
Je pense qu’aucun Palestinien n’a d’autre choix que de faire de la politique. Je préférerais nettement être universitaire, écrire des livres et enseigner, mais je dois faire de la politique. Etant Palestinienne, je fais forcément partie de l’environnement politique car mon identité est façonnée par ma lutte et je ne peux me soustraire à cette responsabilité. A bien des égards, j’ai le sentiment qu’on peut être une victime passive ou façonner la réalité de manière active. J’ai choisi la dernière voie. Je participe à la vie politique depuis que je suis étudiante, plus précisément depuis 1967, au moment où Israël a occupé la Cisjordanie et Gaza. A cette époque, j’étudiais à Beyrouth et je ne pouvais rentrer chez moi à cause de la situation dans la région. J’ai donc décidé de m’engager.
Je suis devenue la porte-parole de l’Union générale des étudiants palestiniens au Liban. Par la suite, j’ai été élue représentante des étudiants palestiniens à l’ONU. Depuis, j’ai pris divers types d’engagements publics et participé à un certain nombre d’élections politiques. J’ai aussi travaillé dans des camps de réfugiés, ce qui n’était pas facile. Quand je suis rentrée en Palestine, j’ai rejoint le mouvement de protestation et formé d’autres mouvements en faveur des droits de l’homme et de la justice. J’ai été emprisonnée et passée à tabac à maintes reprises.
J’ai été soutenue par ma famille quand je suis entrée en politique. Mon père était aussi engagé et ma mère était une femme très instruite et indépendante. Ils m’ont tous les deux soutenue dans mon choix. Quand je me suis mariée, mon mari, et par la suite mes filles m’ont énormément soutenue. Mon mari est l’un des rares hommes activement engagé dans la lutte contre violence envers les femmes, mai aussi dans la promotion des femmes dans tous les domaines de la vie sociale et politique.
iKNOW Politics: En tant que politicienne, à quels obstacles avez-vous été confrontée et comment les avez-vous surmontés?
La politique est un domaine qui reste largement dominé par les hommes, et les femmes se heurtent à de nombreux stéréotypes et à de nombreux obstacles. Les hommes considèrent qu’il est normal que les femmes prennent des risques, qu’elles contestent l’autorité, qu’elles manifestent dans la rue, qu’elles soient passées à tabac, qu’elles s’opposent à une armée d’occupation, mais lorsqu’il s’agit de prendre des décisions politiques, les hommes pensent que ces décisions leur reviennent, et qu’ils ont le droit de diriger. Je suis énergique et je refuse d’être neutralisée par les hommes, d’être utilisée comme la femme de service et comme un prétexte pour exclure d’autres femmes.
Quand ils ont été confrontés à cet aspect de ma personnalité, les hommes se sont vraiment sentis menacés. Ils avaient le sentiment que je n’avais pas le droit d’occuper un poste de prise de décision et ont tenté d’empiéter sur mon espace, mais je ne me suis pas laissée faire. Les hommes souhaiteraient que les femmes ne s’occupent que des questions accessoires. Je crois que j’ai progressivement gagné l’estime de mes collègues et leur montrant que je pouvais me charger de bien plus de problèmes qu’ils ne le pensaient.
Je me suis opposée à notre gouvernement qui tentait de violer les droits et les libertés des Palestiniens en arrêtant et en détenant des personnes sans procédure régulière. Je me suis aussi prononcée contre l’utilisation abusive des fonds publics, et j’ai milité en faveur de la bonne gouvernance. Je me suis opposée à Yasser Arafat, que je respectais beaucoup, mais avec lequel j’avais aussi des divergences. Ma relation avec Yasser Arafat reposait sur le respect mutuel et le professionnalisme, et l’on m’a dit que j’étais peut-être la seule personne qui pouvait lui parler sans détours.
iKNOW Politics: Quels ont été vos succès politiques?
Il y a une chose dont je suis fière, c’est d’être restée fidèle à mes principes, d’être directe et franche. J’ai toujours refusé d’être intimidée et récupérée par qui que ce soit. Je m’exprime toujours ouvertement et je ne me laisse pas facilement impressionner. Je n’accepte pas les limites imposées par d’autres. Je crois en mon droit de m’engager en tant qu’être humain et individu. Je pense aussi que je dois utiliser ce trait de mon caractère pour donner aux autres les moyens d’agir dans le cadre du mouvement féminin, mais aussi dans le cadre du mouvement des droits de l’homme et parmi les politiciens éclairés. Je crée en permanence des réseaux et des mécanismes de soutien pour autonomiser les autres, en particulier les jeunes femmes.
Je crois qu’elles sont notre avenir, et que si ma génération ne met pas en place des systèmes de soutien et qu’elle n’ouvre pas des portes aux plus jeunes, celles-ci auront beaucoup de mal. Je suis aussi fière d’avoir créé un certain nombre d’institutions en Palestine, notamment l’office du médiateur, qui est aujourd’hui une organisation publique qui défend les droits de l’homme et demande des comptes aux autorités. J’ai aussi mis sur pied une organisation en faveur de la légalité, qui dispose aujourd’hui de 7 bureaux. En outre, j’ai créé le Ministère de l’éducation et de la recherche, et un certain nombre d’institutions universitaires. Enfin, j’ai créé le MIFTAH, organisation pour la promotion du dialogue mondial et de la démocratie dans notre région. La création de ces institutions et de ces mécanismes destinés à amener la justice et la paix fait partie de ma contribution à la réalité palestinienne.
iKNOW Politics: Mme Ashrawi, vous êtes aussi connue pour les activités que vous avez menées dans le domaine de l’édification de la paix et des négociations en faveur de la paix pendant l’Intifada et après. Pouvez-vous nous faire part de vos expériences et de vos réflexions à ce sujet?
J’ai participé aux négociations diplomatiques et au dialogue pendant la première Intifada en tant que porte-parole officielle de la délégation palestinienne dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient. C’était là une responsabilité publique, car j’ai travaillé avec des dirigeants politiques de haut niveau. J’ai aussi participé au comité des dirigeants qui a lancé les pourparlers de Madrid, dans le cadre desquels j’ai représenté les intérêts palestiniens. Je pense que les processus de paix doivent se poursuivre après la fin des conflits.
Je pense aussi que nous devons définir la paix comme un moyen d’obtenir la justice. Beaucoup de gens définissent la sécurité comme une intervention militaire, tandis que pour moi, la sécurité c’est la justice. La loi doit protéger, et rendre les actions légales. Pour prendre un exemple, les Israéliens ont construit des colonies de peuplement en Palestine, sur des territoires confisqués en 1967. Je pense que nous devons instaurer la paix dans la région, mais que cela ne conférera pas un statut légal aux colonies. La légalité signifie aussi que les réfugiés palestiniens doivent être traités de manière égale et équitable.
iKNOW POlitics: Quels conseils donneriez-vous aux autres politiciennes et aux candidates aux élections?
Les femmes doivent coopérer. Elles doivent toujours constituer des systèmes et des réseaux de soutien en faveur d’autres femmes, et ne doivent pas servir de prétexte pour exclure d’autres femmes de la politique. Ces réseaux ne doivent pas évoluer autour de l’ego d’une personne, mais autour d’une cause importante. Même si je sais que toutes les femmes ne votent pas pour des politiciennes, je dirais que cela ne doit pas nous décourager. En outre, les femmes doivent veiller à ne pas adopter une approche masculine de la politique en restant fidèles à leur condition et à leur discours. C’est là une question importante, car les femmes créent souvent le consensus et associent tous ceux qui les entourent à leur action. Il est donc essentiel qu’elles conservent leur identité en tant que femmes et en tant que politiciennes.