Hijran Huseynova
"Une femme qui occupe un poste de leader est toutefois responsable, non seulement pour elle-même, mais pour toute femme appelée à l’avenir à être nommée à un poste clé. La femme doit être une professionnelle de premier plan, extrêmement qualifiée et, parfois, bien plus déterminée et coriace qu'un homme." - Hijran Huseynova
iKNOW politics: Vous êtes la Présidente du Comité d'État pour la famille, la femme et l’enfance de la République azerbaïdjanaise. Quelles sont certaines des questions que le Comité d'état a abordées pour autonomiser les femmes d’Azerbaïdjan et pour leur offrir de nouvelles chances? Comment croyez-vous que votre style de gestion a modifié le travail du Comité au cours de ces dernières années?
Comme pour beaucoup d'autres décisions en politique, l'instauration d’une politique de la femme en Azerbaïdjan est étroitement liée au nom de notre leader national, Heydar Aliyev. C'est lui en effet qui a signé, le 14 janvier 1998, un décret sur le renforcement du rôle de la femme en Azerbaïdjan. Ce décret fait obligation aux institutions publiques pertinentes d’élaborer des propositions visant à renforcer les programmes de protection sociale en faveur des femmes réfugiées ou déplacées à l’intérieur du pays ; d’accroître les garanties juridiques et économiques pour les droits des femmes au travail, et de nouer des relations de réciprocité entre les organisations de femmes – internationales ou locales à but non lucratif – et les structures de l’Etat. Le Président Heydar Aliyev a en outre créé, en 1988 par décret, le Comité d'Etat pour la femme.
Enfin, il a signé, le 6 mars 2000, un décret d'application de la politique de la femme en République azerbaïdjanaise, qui visait à protéger les droits des femmes et à apporter dans la législation nationale les révisions qui s’imposaient pour assurer l'égalité de droits entre hommes et femmes, et notamment leur participation aux processus décisionnels sur un pied d’égalité. Je pense que la décision de créer le Comité d'État pour la famille, la femme et l’enfance, prise par notre Président, M. Ilham Aliyev, a été des plus opportunes. L'Azerbaïdjan respecte les normes internationales sur les questions féminines tout en préservant ses normes culturelles telles qu’un profond respect de la famille. Quant au modèle de gestion, je pense que toute personne ne tire parti de son vécu et de son expérience. Je ne pense pas que j'aie changé de style après avoir assumé le poste de présidente du Comité d'Etat.
Tout d’abord, comme tout fonctionnaire de l'Etat, je m’efforce de répondre aux exigences du gouvernement et de la législation de la République azerbaïdjanaise. Je ne suis pas là pour concevoir un style nouveau, comme dans la mode. Je n’en milite pas moins, dans tous les cas, pour une approche de la gestion empreinte de créativité. J’ai pour principe d’encourager mon personnel à être à l’avant-garde en toute chose. En tant que chef, je suis très stricte et très exigeante, demandant toujours que toutes les tâches soient accomplies soigneusement, après mûre réflexion et dans les délais fixés. Ce sont là des exigences auxquelles moi aussi je me plie.
iKNOW Politics: Vous êtes la seule politicienne en Azerbaïdjan qui occupe un poste au niveau ministériel. Avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme à ce niveau de responsabilité et, dans l’affirmative, comment votre formation et votre expérience vous ont-elles préparée à les surmonter ?
Quant au poste que j’occupe, je l’avoue, je suis la seule politicienne au niveau ministériel ; toutefois, en Azerbaïdjan, les femmes sont généralement nombreuses à occuper différents postes de leader. Nous avons des femmes parlementaires, vice-ministres, etc. Cela dit, nous aimerions augmenter le nombre de femmes en politique. Le Comité d'Etat est d'une grande aide dans ce domaine. Je voudrais dire également que la responsabilité de la femme est double par rapport à celle de l’homme. Une femme qui occupe un poste de leader ne peut s’attendre à être traitée différemment parce qu'elle est une femme.
Elle est toutefois responsable, non seulement pour elle-même, mais pour toute femme appelée à l’avenir à être nommée à un poste clé. La femme doit être une professionnelle de premier plan, extrêmement qualifiée et, parfois, bien plus déterminée et coriace qu'un homme. Dans ma carrière, j’ai parcouru un long chemin, pas à pas, et j’ai surmonté de nombreux obstacles parce que je me suis fortement prémunie sur le plan émotionnel. Ainsi, je me suis présentée aux élections parlementaires et j’en suis sortie victorieuse. Toutefois, la campagne éhontée et injuste de mes adversaires a eu pour effet d’invalider les résultats de la circonscription où j'avais déposé ma candidature. Beaucoup d’hommes ont été démoralisés et n’ont pas pu faire face à l’adversité, mais moi j’ai eu la force de lutter et de poursuivre mon travail. Pour moi, cette campagne est une expérience de plus dans ma carrière, qui m'a rendue plus forte et plus professionnelle.
iKNow Politics: Vous êtes membre active de la « Coalition 1325 » d'Azerbaïdjan. La coalition a-t-elle permis de promouvoir les femmes réfugiées en Azerbaïdjan ou déplacées à l’intérieur du pays dans les processus de consolidation de la paix ? Quel rôle avez-vous joué et en quoi avez-vous contribué au travail de la coalition?
La Coalition 1325 a été créée dans le cadre d’un projet de l’ONU. Elle a pour but de renforcer l'initiative civile et le règlement pacifique des différends. Elle tire son nom de la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l'ONU. À mon sens, la coalition est très utile et aide à expliquer au public les avantages d’un règlement pacifique des différends. Les femmes ont depuis toujours l’habitude de défendre les processus de consolidation de la paix, spécifiquement pertinents pour les femmes réfugiées ou déplacées à l’intérieur du pays du fait du conflit au Haut-Karabakh. Il convient de travailler avec ce groupe de femmes. C’est ainsi que le soutien du Gouvernement pour améliorer les conditions de vie socioculturelles et le quotidien des femmes réfugiées ou déplacées à l’intérieur du pays est très important.
Le travail incessant des organes de l’État avec ce groupe de femmes vulnérable permet à ces dernières de guérir du traumatisme de la guerre, de préserver leur famille et d’élever leurs enfants. Ces femmes, qui ont beaucoup souffert pendant le conflit, comprennent aisément l'avantage d'un règlement pacifique des différends et sont prêtes à l’encourager. Généralement, les meilleurs messagers de paix sont des femmes.
iKNOW Politics: Que faudrait-il faire d’après vous pour augmenter la participation des femmes en politique dans les anciennes régions d'Union soviétique, et en particulier en Azerbaïdjan? Recommanderiez-vous des stratégies et/ou des mesures spécifiques?
Nous ne pourrons rien faire si les femmes ne s’investissent pas pour changer les choses. Il nous est impossible de travailler si nous n’obtenons pas d’information en retour. Nous soutenons pleinement l'entreprenariat féminin ; nous collaborons étroitement avec le Ministère du développement économique pour associer davantage les femmes au monde des affaires. Lorsqu’une femme est financièrement indépendante, elle devient un membre plus actif de la société. Les femmes ne peuvent se contenter d’une participation : elles doivent, dans ce qu’elles entreprennent, travailler plus dur et élever leur niveau professionnel. Pendant la création du Comité, j'ai recruté des jeunes qui avaient travaillé dans des organisations à but non lucratif et qui avaient acquis une expérience dans ce domaine. Ils ont appris bien plus que d'autres et nous avons voulu tirer parti de leur expérience.
Dès le début, nous avons collaboré avec des organisations à but non lucratif et des organisations internationales. Nous croyons également que la collaboration avec les médias est très importante car elle sensibilise le public au travail du Comité, ce qui augmente l’efficacité de nos efforts. Nous nous employons également à renforcer les capacités des femmes. Déjà, nous avons créé, au sein du Comité, un Conseil de la femme instruite, qui peut devenir un modèle pour de nombreuses institutions en Azerbaïdjan. Nous avions également enregistré, sous le régime soviétique, un nombre élevé de femmes à des postes de prise de décision qui avaient acquis une riche expérience au service du Comité du Parti communiste. Ce sont là autant d’autres expériences que nous ne devrions pas négliger. Nous devrions également prendre en compte les normes et traditions culturelles de la société azerbaïdjanaise, qui estime que, pour la femme, les enfants et la famille devraient passer avant la carrière. Il est difficile de trouver une femme qui puisse jongler avec ces deux réalités. Toutes les femmes ne peuvent pas diriger correctement leur vie et trouver un compromis raisonnable entre famille et carrière.
Moi aussi j’ai eu du mal à trouver un tel compromis, mais j'ai été très soutenue par ma famille et mon époux. En dépit de mon expérience en tant que docteur ès sciences politiques, professeur titulaire de la chaire d’études diplomatiques et des processus d'intégration contemporains de l'Université d'Etat de Bakou, et présidente du Comité d'Etat pour la famille, la femme et l’enfance, je m’efforce de m'acquitter avec dignité de ma mission d’épouse et de mère de deux filles, que nous avons élevées, avec mon époux, dans le respect des valeurs familiales chères à notre pays autant que selon la vision contemporaine du rôle de la femme dans la société.
iKNOW Politics: Pensez-vous que les traditions et la culture puissent faire obstacle à la promotion de la femme? Dans l’affirmative, que faudrait-il faire selon vous pour combattre les stéréotypes sexistes et surmonter les obstacles culturels?
Comme vous le savez, il y a dans nos traditions de nombreux stéréotypes différents des vôtres. Notre culture ne reconnaît pas une femme faible ou opprimée. Dans le folklore et la littérature classique azerbaïdjanais, et même dans les enseignements du Coran et du Prophète, les femmes sont décrites comme dotées d’une forte personnalité. Lorsqu’en 1919, les femmes d’Azerbaïdjan ont acquis le droit de vote, leurs consœurs de la plupart des pays d’orient ou d’Occident n’en jouissaient toujours pas. Les siècles passés ont manifestement confirmé ce fait, et c’est surtout au XXème siècle que les femmes ont pu jouir de leurs droits et libertés sans concessions. J’estime qu'il y a, dans notre culture, des stéréotypes qui ne reposent pas sur la vérité, et que nous nous devons donc de récupérer les meilleures traditions et de les promouvoir au sein de la société tout en éliminant les stéréotypes existants.
La Constitution reconnaît l'égalité de droits pour tous. Mais l'égalité ne saurait être reconnue uniquement sur le papier, d’une manière purement formelle. Du point de vue des droits de l'homme, peu importe que l’on soit un homme ou une femme. Tous, nous avons le même droit à l'éducation, à la santé, aux prestations sociales, etc. En cas de violation de ces droits, l'Etat doit aider la victime, quelle qu’elle soit. C’est pourquoi nous avons mis au point un programme de lutte contre la violence familiale à l’égard des femmes et des enfants. Je voudrais mettre en lumière un exemple que toute femme pourrait suivre, celui de notre première dame, Mme Mehriban Aliyeva, ambassadrice de bonne volonté de l'UNESCO et de l'ISESCO et députée, qui sert son pays tout en préservant les traditions nationales et en renforçant les traditions familiales. Les efforts en vue d'éliminer les stéréotypes devraient commencer à l’école, voire à l’école enfantine, et se poursuivre dans l'enseignement supérieur.
À cet égard, nous avons organisé un certain nombre de tables rondes, produit un programme de télévision spécifique et créé un journal. Lors de nos manifestations, nous couvrons les questions les plus importantes pour la société. Le public devrait comprendre que la parité ne concerne pas seulement les femmes : en protégeant les droits des femmes, nous pensons aussi aux hommes. Faire évoluer les mentalités est un travail de longue haleine qui n’aboutira pas du jour au lendemain. L’utilisation répandue des technologies modernes de l’information est généralement importante pour résoudre les problèmes de parité. Ainsi, l’instauration de réseaux informatiques contemporains en faveur des femmes et des enfants ainsi que de lignes directes sur les questions les plus importantes peut se révéler très efficace. Nous bénéficions dans ce domaine d’une riche expérience de l’étranger, et nous espérons accomplir des progrès à l’échelle nationale.
iKNOW Politics: Nous vivons à une époque où les innovations technologiques touchent les êtres humains à l’échelle de la planète, offrent un accès instantané à l'information et créent des possibilités inouïes de créer des réseaux parmi des individus et des organismes ayant les mêmes centres d’intérêt. Comment s’assurer que les femmes tireront pleinement parti des technologies disponibles ? Croyez-vous que l’appartenance à un réseau tel qu’iKNOW Politics puisse aider les femmes à accéder à l'information et aux ressources qui leur sont indispensables pour progresser en politique ?
Les politiciennes organisent souvent des forums dans différentes régions du monde; cette année, c’est l’Azerbaïdjan qui accueille un forum, organisé par la première dame, Mme Mehriban Aliyeva. Ce forum international portera sur le renforcement du rôle des femmes dans un dialogue interculturel. C'est là une occasion de plus pour réunir savants et politiciens du monde entier afin de les amener à examiner des problèmes concrets. Plus nous nous réunirons pour communiquer et mettre nos vues en commun, plus nous aurons de chances de faire évoluer les choses et de les améliorer. Je peux vous assurer que, dans le règlement des problèmes internationaux, la voix des femmes résonne avec plus de conviction de jour en jour. J'en ai été témoin lorsque je me suis exprimée à l’occasion de conférences internationales, et notamment de manifestations des Nations Unies. Chaque discours nous permet de proposer une solution au problème du Haut-Karabakh, de dénoncer l'agression perpétrée par l'Arménie voisine et de renforcer la solidarité internationale des femmes afin d’éviter une escalade du conflit.
iKNOW Politics: Quel conseil donneriez-vous aux membres d’iKNOW Politics, en particulier aux femmes dans la fonction publique ou candidates, qui s’engagent dans leur carrière politique?
Je leur suggérerais ce qui suit : 1. Soyez extrêmement professionnelles ; 2. Ne comptez sur quiconque pour des raisons de facilité ; 3. Trouvez toujours un compromis raisonnable entre votre personnel et vous-même ; 4. Soyez ouvertes aux innovations, faites preuve de créativité et n'ayez pas peur d’apprendre ; 5. Ne soyez pas des bourreaux de travail, mais faites preuve d’assiduité au travail tout en préservant votre féminité.
"Une femme qui occupe un poste de leader est toutefois responsable, non seulement pour elle-même, mais pour toute femme appelée à l’avenir à être nommée à un poste clé. La femme doit être une professionnelle de premier plan, extrêmement qualifiée et, parfois, bien plus déterminée et coriace qu'un homme." - Hijran Huseynova
iKNOW politics: Vous êtes la Présidente du Comité d'État pour la famille, la femme et l’enfance de la République azerbaïdjanaise. Quelles sont certaines des questions que le Comité d'état a abordées pour autonomiser les femmes d’Azerbaïdjan et pour leur offrir de nouvelles chances? Comment croyez-vous que votre style de gestion a modifié le travail du Comité au cours de ces dernières années?
Comme pour beaucoup d'autres décisions en politique, l'instauration d’une politique de la femme en Azerbaïdjan est étroitement liée au nom de notre leader national, Heydar Aliyev. C'est lui en effet qui a signé, le 14 janvier 1998, un décret sur le renforcement du rôle de la femme en Azerbaïdjan. Ce décret fait obligation aux institutions publiques pertinentes d’élaborer des propositions visant à renforcer les programmes de protection sociale en faveur des femmes réfugiées ou déplacées à l’intérieur du pays ; d’accroître les garanties juridiques et économiques pour les droits des femmes au travail, et de nouer des relations de réciprocité entre les organisations de femmes – internationales ou locales à but non lucratif – et les structures de l’Etat. Le Président Heydar Aliyev a en outre créé, en 1988 par décret, le Comité d'Etat pour la femme.
Enfin, il a signé, le 6 mars 2000, un décret d'application de la politique de la femme en République azerbaïdjanaise, qui visait à protéger les droits des femmes et à apporter dans la législation nationale les révisions qui s’imposaient pour assurer l'égalité de droits entre hommes et femmes, et notamment leur participation aux processus décisionnels sur un pied d’égalité. Je pense que la décision de créer le Comité d'État pour la famille, la femme et l’enfance, prise par notre Président, M. Ilham Aliyev, a été des plus opportunes. L'Azerbaïdjan respecte les normes internationales sur les questions féminines tout en préservant ses normes culturelles telles qu’un profond respect de la famille. Quant au modèle de gestion, je pense que toute personne ne tire parti de son vécu et de son expérience. Je ne pense pas que j'aie changé de style après avoir assumé le poste de présidente du Comité d'Etat.
Tout d’abord, comme tout fonctionnaire de l'Etat, je m’efforce de répondre aux exigences du gouvernement et de la législation de la République azerbaïdjanaise. Je ne suis pas là pour concevoir un style nouveau, comme dans la mode. Je n’en milite pas moins, dans tous les cas, pour une approche de la gestion empreinte de créativité. J’ai pour principe d’encourager mon personnel à être à l’avant-garde en toute chose. En tant que chef, je suis très stricte et très exigeante, demandant toujours que toutes les tâches soient accomplies soigneusement, après mûre réflexion et dans les délais fixés. Ce sont là des exigences auxquelles moi aussi je me plie.
iKNOW Politics: Vous êtes la seule politicienne en Azerbaïdjan qui occupe un poste au niveau ministériel. Avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme à ce niveau de responsabilité et, dans l’affirmative, comment votre formation et votre expérience vous ont-elles préparée à les surmonter ?
Quant au poste que j’occupe, je l’avoue, je suis la seule politicienne au niveau ministériel ; toutefois, en Azerbaïdjan, les femmes sont généralement nombreuses à occuper différents postes de leader. Nous avons des femmes parlementaires, vice-ministres, etc. Cela dit, nous aimerions augmenter le nombre de femmes en politique. Le Comité d'Etat est d'une grande aide dans ce domaine. Je voudrais dire également que la responsabilité de la femme est double par rapport à celle de l’homme. Une femme qui occupe un poste de leader ne peut s’attendre à être traitée différemment parce qu'elle est une femme.
Elle est toutefois responsable, non seulement pour elle-même, mais pour toute femme appelée à l’avenir à être nommée à un poste clé. La femme doit être une professionnelle de premier plan, extrêmement qualifiée et, parfois, bien plus déterminée et coriace qu'un homme. Dans ma carrière, j’ai parcouru un long chemin, pas à pas, et j’ai surmonté de nombreux obstacles parce que je me suis fortement prémunie sur le plan émotionnel. Ainsi, je me suis présentée aux élections parlementaires et j’en suis sortie victorieuse. Toutefois, la campagne éhontée et injuste de mes adversaires a eu pour effet d’invalider les résultats de la circonscription où j'avais déposé ma candidature. Beaucoup d’hommes ont été démoralisés et n’ont pas pu faire face à l’adversité, mais moi j’ai eu la force de lutter et de poursuivre mon travail. Pour moi, cette campagne est une expérience de plus dans ma carrière, qui m'a rendue plus forte et plus professionnelle.
iKNow Politics: Vous êtes membre active de la « Coalition 1325 » d'Azerbaïdjan. La coalition a-t-elle permis de promouvoir les femmes réfugiées en Azerbaïdjan ou déplacées à l’intérieur du pays dans les processus de consolidation de la paix ? Quel rôle avez-vous joué et en quoi avez-vous contribué au travail de la coalition?
La Coalition 1325 a été créée dans le cadre d’un projet de l’ONU. Elle a pour but de renforcer l'initiative civile et le règlement pacifique des différends. Elle tire son nom de la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l'ONU. À mon sens, la coalition est très utile et aide à expliquer au public les avantages d’un règlement pacifique des différends. Les femmes ont depuis toujours l’habitude de défendre les processus de consolidation de la paix, spécifiquement pertinents pour les femmes réfugiées ou déplacées à l’intérieur du pays du fait du conflit au Haut-Karabakh. Il convient de travailler avec ce groupe de femmes. C’est ainsi que le soutien du Gouvernement pour améliorer les conditions de vie socioculturelles et le quotidien des femmes réfugiées ou déplacées à l’intérieur du pays est très important.
Le travail incessant des organes de l’État avec ce groupe de femmes vulnérable permet à ces dernières de guérir du traumatisme de la guerre, de préserver leur famille et d’élever leurs enfants. Ces femmes, qui ont beaucoup souffert pendant le conflit, comprennent aisément l'avantage d'un règlement pacifique des différends et sont prêtes à l’encourager. Généralement, les meilleurs messagers de paix sont des femmes.
iKNOW Politics: Que faudrait-il faire d’après vous pour augmenter la participation des femmes en politique dans les anciennes régions d'Union soviétique, et en particulier en Azerbaïdjan? Recommanderiez-vous des stratégies et/ou des mesures spécifiques?
Nous ne pourrons rien faire si les femmes ne s’investissent pas pour changer les choses. Il nous est impossible de travailler si nous n’obtenons pas d’information en retour. Nous soutenons pleinement l'entreprenariat féminin ; nous collaborons étroitement avec le Ministère du développement économique pour associer davantage les femmes au monde des affaires. Lorsqu’une femme est financièrement indépendante, elle devient un membre plus actif de la société. Les femmes ne peuvent se contenter d’une participation : elles doivent, dans ce qu’elles entreprennent, travailler plus dur et élever leur niveau professionnel. Pendant la création du Comité, j'ai recruté des jeunes qui avaient travaillé dans des organisations à but non lucratif et qui avaient acquis une expérience dans ce domaine. Ils ont appris bien plus que d'autres et nous avons voulu tirer parti de leur expérience.
Dès le début, nous avons collaboré avec des organisations à but non lucratif et des organisations internationales. Nous croyons également que la collaboration avec les médias est très importante car elle sensibilise le public au travail du Comité, ce qui augmente l’efficacité de nos efforts. Nous nous employons également à renforcer les capacités des femmes. Déjà, nous avons créé, au sein du Comité, un Conseil de la femme instruite, qui peut devenir un modèle pour de nombreuses institutions en Azerbaïdjan. Nous avions également enregistré, sous le régime soviétique, un nombre élevé de femmes à des postes de prise de décision qui avaient acquis une riche expérience au service du Comité du Parti communiste. Ce sont là autant d’autres expériences que nous ne devrions pas négliger. Nous devrions également prendre en compte les normes et traditions culturelles de la société azerbaïdjanaise, qui estime que, pour la femme, les enfants et la famille devraient passer avant la carrière. Il est difficile de trouver une femme qui puisse jongler avec ces deux réalités. Toutes les femmes ne peuvent pas diriger correctement leur vie et trouver un compromis raisonnable entre famille et carrière.
Moi aussi j’ai eu du mal à trouver un tel compromis, mais j'ai été très soutenue par ma famille et mon époux. En dépit de mon expérience en tant que docteur ès sciences politiques, professeur titulaire de la chaire d’études diplomatiques et des processus d'intégration contemporains de l'Université d'Etat de Bakou, et présidente du Comité d'Etat pour la famille, la femme et l’enfance, je m’efforce de m'acquitter avec dignité de ma mission d’épouse et de mère de deux filles, que nous avons élevées, avec mon époux, dans le respect des valeurs familiales chères à notre pays autant que selon la vision contemporaine du rôle de la femme dans la société.
iKNOW Politics: Pensez-vous que les traditions et la culture puissent faire obstacle à la promotion de la femme? Dans l’affirmative, que faudrait-il faire selon vous pour combattre les stéréotypes sexistes et surmonter les obstacles culturels?
Comme vous le savez, il y a dans nos traditions de nombreux stéréotypes différents des vôtres. Notre culture ne reconnaît pas une femme faible ou opprimée. Dans le folklore et la littérature classique azerbaïdjanais, et même dans les enseignements du Coran et du Prophète, les femmes sont décrites comme dotées d’une forte personnalité. Lorsqu’en 1919, les femmes d’Azerbaïdjan ont acquis le droit de vote, leurs consœurs de la plupart des pays d’orient ou d’Occident n’en jouissaient toujours pas. Les siècles passés ont manifestement confirmé ce fait, et c’est surtout au XXème siècle que les femmes ont pu jouir de leurs droits et libertés sans concessions. J’estime qu'il y a, dans notre culture, des stéréotypes qui ne reposent pas sur la vérité, et que nous nous devons donc de récupérer les meilleures traditions et de les promouvoir au sein de la société tout en éliminant les stéréotypes existants.
La Constitution reconnaît l'égalité de droits pour tous. Mais l'égalité ne saurait être reconnue uniquement sur le papier, d’une manière purement formelle. Du point de vue des droits de l'homme, peu importe que l’on soit un homme ou une femme. Tous, nous avons le même droit à l'éducation, à la santé, aux prestations sociales, etc. En cas de violation de ces droits, l'Etat doit aider la victime, quelle qu’elle soit. C’est pourquoi nous avons mis au point un programme de lutte contre la violence familiale à l’égard des femmes et des enfants. Je voudrais mettre en lumière un exemple que toute femme pourrait suivre, celui de notre première dame, Mme Mehriban Aliyeva, ambassadrice de bonne volonté de l'UNESCO et de l'ISESCO et députée, qui sert son pays tout en préservant les traditions nationales et en renforçant les traditions familiales. Les efforts en vue d'éliminer les stéréotypes devraient commencer à l’école, voire à l’école enfantine, et se poursuivre dans l'enseignement supérieur.
À cet égard, nous avons organisé un certain nombre de tables rondes, produit un programme de télévision spécifique et créé un journal. Lors de nos manifestations, nous couvrons les questions les plus importantes pour la société. Le public devrait comprendre que la parité ne concerne pas seulement les femmes : en protégeant les droits des femmes, nous pensons aussi aux hommes. Faire évoluer les mentalités est un travail de longue haleine qui n’aboutira pas du jour au lendemain. L’utilisation répandue des technologies modernes de l’information est généralement importante pour résoudre les problèmes de parité. Ainsi, l’instauration de réseaux informatiques contemporains en faveur des femmes et des enfants ainsi que de lignes directes sur les questions les plus importantes peut se révéler très efficace. Nous bénéficions dans ce domaine d’une riche expérience de l’étranger, et nous espérons accomplir des progrès à l’échelle nationale.
iKNOW Politics: Nous vivons à une époque où les innovations technologiques touchent les êtres humains à l’échelle de la planète, offrent un accès instantané à l'information et créent des possibilités inouïes de créer des réseaux parmi des individus et des organismes ayant les mêmes centres d’intérêt. Comment s’assurer que les femmes tireront pleinement parti des technologies disponibles ? Croyez-vous que l’appartenance à un réseau tel qu’iKNOW Politics puisse aider les femmes à accéder à l'information et aux ressources qui leur sont indispensables pour progresser en politique ?
Les politiciennes organisent souvent des forums dans différentes régions du monde; cette année, c’est l’Azerbaïdjan qui accueille un forum, organisé par la première dame, Mme Mehriban Aliyeva. Ce forum international portera sur le renforcement du rôle des femmes dans un dialogue interculturel. C'est là une occasion de plus pour réunir savants et politiciens du monde entier afin de les amener à examiner des problèmes concrets. Plus nous nous réunirons pour communiquer et mettre nos vues en commun, plus nous aurons de chances de faire évoluer les choses et de les améliorer. Je peux vous assurer que, dans le règlement des problèmes internationaux, la voix des femmes résonne avec plus de conviction de jour en jour. J'en ai été témoin lorsque je me suis exprimée à l’occasion de conférences internationales, et notamment de manifestations des Nations Unies. Chaque discours nous permet de proposer une solution au problème du Haut-Karabakh, de dénoncer l'agression perpétrée par l'Arménie voisine et de renforcer la solidarité internationale des femmes afin d’éviter une escalade du conflit.
iKNOW Politics: Quel conseil donneriez-vous aux membres d’iKNOW Politics, en particulier aux femmes dans la fonction publique ou candidates, qui s’engagent dans leur carrière politique?
Je leur suggérerais ce qui suit : 1. Soyez extrêmement professionnelles ; 2. Ne comptez sur quiconque pour des raisons de facilité ; 3. Trouvez toujours un compromis raisonnable entre votre personnel et vous-même ; 4. Soyez ouvertes aux innovations, faites preuve de créativité et n'ayez pas peur d’apprendre ; 5. Ne soyez pas des bourreaux de travail, mais faites preuve d’assiduité au travail tout en préservant votre féminité.