Mary Robinson
“Je suis intriguée par le fait que les femmes qui ont accédé à des postes de responsabilité sont plus susceptibles que leurs homologues masculins d’admettre leurs erreurs ou d’évoquer les problèmes qu’elles rencontrent.” – Mary Robinson
iKNOW Politics: Vous avez été la première Présidente de l’Irlande. Quels défis avez-vous rencontré en tant que femme dans cette position dirigeante? Comment votre expérience vous a-t-elle préparée à relever ce défi?
Quand j’ai été nommée candidate à la présidence (il y avait trois candidats), j’étais très marginale, car je n’avais pas fait de politique. On s’attendait à ce que le vice-Premier ministre l’emporte. Je dois dire que la présidence en Irlande est très différente des Etats-Unis ou de la France, ou de nombreux pays en développement. C’est une présidence non exécutive, qui a été détenue par six hommes. Il y a eu six Présidents avant moi sous notre constitution. Ils étaient généralement âgés et étaient soutenus par le principal parti politique. J’ai remis en cause cette situation. J’ai été nommée plus tôt que mes concurrents masculins, et je me suis mise à plaider en faveur d’une présidence plus active et plus pertinente, qui serait liée aux activités des différentes parties de la société civile et représenterait l’Irlande à l’étranger d’une manière qui serait plus fidèle à notre histoire, plus proche de la lutte des pays en développement. Ces arguments ont plu, et j’ai été élue.
Le défi a ensuite consisté à mettre en œuvre cette idée d’une présidence plus active, plus pertinente. Je pense qu’il était important d’aller à la rencontre de divers groupes des quartiers pauvres, des zones rurales, des villages, et même des îles, et d’exprimer mon appréciation des initiatives de développement qui s’y déroulaient. Peu après mon investiture, j’ai été invitée par de nombreux groupes de la société civile pour marquer l’ouverture de leurs centres, le dixième anniversaire d’une activité pour les enfants ou les personnes âgées, et à d’autres activités de proximité intéressantes. Sur les invitations que je recevais, je me souviens que mon secrétariat inscrivait des avis tels que: “cet événement est trop mineur pour justifier la présence de la Présidente.” Après avoir reçu deux ou trois avis de ce genre, j’ai dit “eh bien, qui est la Présidente?
Cette manifestation est importante. Je ne peux aller à toutes ces événements, mais d’un point de vue stratégique il est important que je m’y rende pour montrer que ces groupes et ces individus font des choses utiles, et que le développement local est en train de modifier profondément l’Irlande moderne”. Le fait est que nombre des personnes qui travaillaient dans ces localités étaient des femmes.
IKNOW Politics: Pourriez-vous faire part à nos lecteurs d’un changement que vous avez introduit pendant votre mandat de Présidente dont vous êtes particulièrement fière, par exemple un changement qui aurait bénéficié aux femmes et continue à trouver un écho?
Ce dont je suis sans doute le plus fière, c’est d’avoir mené des activités de sensibilisation auprès des femmes d’Irlande du Nord, de culture protestante et catholique issues des classes populaires, et de les avoir invitées à Dublin. Elles ont mis leurs plus beaux vêtements, car pour elles il était assez exceptionnel de venir à Dublin de Belfast, et d’autant plus de venir visiter la résidence officielle. Nous avons eu des conversations passionnantes et, une fois de plus, je leur ai dit que j’appréciais beaucoup les efforts qu’elles faisaient pour établir des contacts entre les quartiers et le fait qu’elles aient le courage de comprendre qu’il était indispensable de construire la paix petit à petit pour sortir des divisions à Belfast, pour mettre un terme à la violence. Je me suis aussi beaucoup exprimée sur la nécessité d’une plus grande ouverture de l’Irlande et la valorisation de la diversité, et enfin j’ai lié ces éléments à la diaspora irlandaise dans le monde. Nous avons eu la chance de pouvoir nous appuyer sur une diaspora de près de soixante-dix millions de personnes fières de leurs origines irlandaises, ce qui a constitué une occasion extraordinaire d’ouvrir la voie à la paix en Irlande du Nord.
J’ai aussi fait des discours à certaines occasions particulières pour saluer la contribution des femmes. Dans mes discours, j’ai veillé à tenir compte des femmes qui soutenaient les activités de proximité. J’ai essayé de faire en sorte que le Mouvement féminin irlandais soit ouvert à tous, pour que les femmes se sentent dotées de moyens d’agir, et qu’elles n’aient pas le sentiment d’être reléguées à un rôle inférieur. J’entendais souvent la phrase suivante: “oh, je ne fais rien d’important, je ne suis qu’une femme au foyer”, et je demandais “que faites-vous dans votre quartier?” Ces femmes me disaient “eh bien, je dirige tel mouvement, je gère telle association”, et l’on s’apercevait alors que cette “simple femmes au foyer” était en fait une personne très active qui travaillait pour la collectivité.
iKNOW Politics: En plus de plaider en faveur de l’adoption de lois sensibles aux genres en Irlande, vous vous êtes employée à promouvoir activement les droits de l’homme et le développement soucieux de l’équité entre hommes et femmes dans le monde. Comment décririez-vous votre expérience en tant que Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme? Comment pensez-vous que le fait d’avoir été une femme a pu contribuer à votre expérience, à vos perspectives et à votre réussite à ce poste?
Lorsque j’étais Présidente, il m’a toujours semblé important de mettre en évidence le fait que les femmes peuvent jouer un rôle de chef de file. De même, quand j’ai été élue Haut Commissaire aux droits de l’homme, j’ai tenté de faire en sorte que les activités bénéficient du fait que je sois une femme. Beaucoup de violations des droits de l’homme dans le monde sont commises envers des femmes. C’est le cas notamment du terrible problème de la violence fondée sur le sexe, de la traite des êtres humains, et de la discrimination. Je pense que j’ai pu jouer un rôle, notamment en me tenant bien informée de ces problèmes, en m’exprimant à leur sujet et en encourageant d’autres femmes. J’ai aussi encouragé Kofi Annan, qui était alors Secrétaire général des Nations Unies, à nommer une femme au poste de Représentant spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme. La personne qui été nommée à cette fonction et qui l’occupe toujours, Hina Jilani, s’est montrée extrêmement compétente. Une fois de plus, comme elle doit faire face à des problèmes très graves sur le terrain, le fait d’être une femme l’a notamment aidée à reconnaître que le viol est un crime de guerre terrible.
iKNOW Politics: Suite à votre visite d’un camps de réfugiés au Tchad en septembre 2007, vous avez dirigé un groupe de femmes d’Etat issues de divers pays pour rédiger une lettre ouverte condamnant l’utilisation du viol et de la violence sexuelle comme armes de guerre au Darfour, et exigeant qu’il y soit mis fin. Vous avez aussi préconisé la participation des femmes aux pourparlers de paix. Que peuvent faire les politiciennes pour renforcer la sécurité des femmes dans les conflits et contribuer à éliminer la violence à leur égard?
Je suis bien consciente du fait qu’aujourd’hui, suffisamment de femmes occupent des positions dirigeantes au niveau des pays, dans les organisations internationales, les entreprises, et dans d’autres aspects de la collectivité, et du fait que nous devrions voir davantage les effets positifs de leurs actions. C’est pourquoi j’ai été heureuse d’encourager une initiative collective mobilisant les femmes , qui intervient notamment dans les questions de sécurité.Une conférence majeure a eu lieu à New York en novembre. Elle était organisée conjointement par un certain nombre de groupes, notamment le Women Leaders Intercultural Forum, qui fonctionne sous l’égide de Realizing Rights, et le Council of Women World Leaders, que je dirige. Nous avons examiné les différents aspects de la sécurité humaine, le fait que les gouvernements doivent assumer la responsabilité de protéger les personnes, notamment au Darfour et au Tchad oriental, l’insécurité économique, les effets du changement climatique, et les dimensions sexospécifiques de ces effets sur les populations pauvres.
Nous sommes très soucieuses d’essayer de trouver un nouveau moyen d’agir ensemble, et la visite au Tchad en a été l’un des exemples. Nous coopérons aussi pour soutenir Ellen Johnson Sirleaf au Libéria, à la fois en l’aidant à organiser un colloque international majeur sur la sécurité des femmes au Libéria en mars 2009, et, dans l’intervalle, en appuyant ses activités d’autonomisation des femmes et des jeunes filles au Libéria. J’espère que des visites comme celle du Tchad oriental seront organisées, et que les femmes dirigeantes mèneront davantage d’activités collectives concrètes pour affronter les problèmes.
iKNOW Politics: Vous êtes membre du Conseil de direction de la Coalition mondiale des Nations Unies sur les femmes et le SIDA. Compte tenu du fait que l’épidémie de SIDA touche de plus en plus de femmes, quelles sont les perspectives qui s’ouvrent aux politiciennes pour élaborer des mesures nationales afin de traiter le problème de la vulnérabilité des femmes et des jeunes filles?
Ce Conseil de direction a été important, car la situation est très grave. Lors d’une conférence à Nairobi en juillet dernier sur les femmes et le SIDA, cinq cent femmes séropositives étaient présentes, ce qui était très significatif. Ces femmes ont témoigné de la discrimination dont elles étaient victimes, et certaines avaient été chassées de chez elles. Elles ont aussi témoigné de la vulnérabilité des jeunes filles qui sont quatre, cinq ou six fois plus susceptibles de devenir séropositives à cause des relations de pouvoir qui font qu’il leur est impossible de dire non, dans certaines circonstances. Je souhaiterais qu’il y ait davantage d’initiatives collectives mobilisant des femmes sur les questions générales de la santé des femmes. Les chiffres concernant la mortalité des femmes pendant l’accouchement, ou quelque temps avant ou après, ne s’améliorent pas.
Les taux de mortalité maternelle sont inacceptables, et il faut donc donner plus d’importance à ce problème, car c’est là une question vitale pour les familles et les populations. Nous devons généralement insister bien davantage sur la santé des femmes et la nécessité de promouvoir la santé génésique, et nous concentrer sur les adolescentes. Actuellement, des initiatives voient le jour comme la Coalition mondiale des Nations Unies sur les femmes et le SIDA, qui est un exemple de collaboration réussie en matière de santé des femmes. Il faudrait davantage d’initiatives de ce type.
iKNOW Politics: Le fait d’encourager l’autonomisation des femmes est un des thèmes abordés par Realizing Rights: The Ethical Globalization Initiative, que vous avez créée. Comment l’ONG défend-elle cet objectif?
Dans le cadre des activités de Realizing Rights, nous nous sommes intéressés aux dirigeants, qu’ils soient dirigeants politiques ou dirigeants d’entreprises, et surtout aux dirigeantes. Nous avons accordé une attention particulière à la nécessité de créer des liens interculturels, interrégionaux et intergénérationnels entre les dirigeantes pour qu’elles aient le sentiment d’être en relation les unes avec les autres, et leur donner l’occasion d’exprimer leur point de vue et de se faire entendre. C’est dans cette perspective que nous avons créé le Women Leaders Intercultural Forum, avec d’autres organisations. Ce Forum fonctionne à présent dans le cadre de Realizing Rights. Nous tenons des réunions dans différents endroits. Par exemple, une réunion récente en Jordanie organisée avec la Reine Rania a rassemblé les dirigeantes de cette région. Nous avons également tenu des réunions au Kenya. Nous nous investissons aussi beaucoup dans le projet visant à aider le Libéria à préparer la conférence de 2009. Nous cherchons à être concrètes.
Les femmes qui occupent des postes de responsabilité et les membres du réseau iKNOW Politics peuvent faire des choses. Quand celles d’entre nous qui sont déjà reconnues sont invitées à une conférence, il n’est pas rare que nous soyons les seules intervenantes ou les seules oratrices principales. Nous devrions négocier avec ceux qui organisent ces conférences et dire “écoutez, je sais qu’il n’y a qu’une femme parmi les intervenants, mais je connais plusieurs jeunes femmes, dont voici les noms, et il serait vraiment utile d’inviter l’une d’entre elles à participer.” Ou encore “je sais que vous n’avez pas d’intervenant qui pourrait réellement contribuer à faire ressortir la dimension sexospécifique.”
Qu’elles portent sur le changement climatique, l’économie mondiale ou sur quelque sujet que ce soit, très souvent les conférences ne font pas apparaître les dimensions sexospécifiques de manière équilibrée. Nous devons prendre des initiatives pour renégocier les modalités des conférences, et je suis vraiment convaincue que le réseau iKNOW Politics peut faire beaucoup dans ce domaine.
iKNOW Politics: Vous êtes présidente du Council of Women World Leaders, un réseau de femmes qui sont actuellement Présidentes ou Premières ministres, ou qui l’ont été. Quel rôle ce réseau a-t-il joué pour faire entendre la voix des femmes aux plus hauts niveaux du gouvernement?
Je pense que le Council of Women World Leaders est utile, car il donne de la visibilité aux femmes qui occupent ou qui ont occupé des postes de responsabilité. C’est l’une des organisations qui a contribué à promouvoir l’objectif d’une initiative collective mobilisant les femmes. Le Council of Women World Leaders organise, avec d’autres, une initiative ministérielle mobilisatrice en faveur de la santé, dont un des volets consistera à rassembler les femmes ministres de la santé. Nous avons aussi encouragé la création d’autres réseaux de femmes ministres, notamment les femmes ministres de l’environnement. Ces femmes se sont réunies dans le cadre de la Conférence mondiale sur le développement durable à Johannesburg, et ont pu influencer l’ordre du jour. Elles ont remarqué que l’ordre du jour provisoire tenait très peu compte de la perspective d’équité entre hommes et femmes, et grâce à leur position de ministres intervenantes, elles ont pu modifier cet état de chose.
Nous disposons aussi d’un réseau plus large de femmes ministres des affaires féminines, nous avons réuni les femmes issues des milieux du commerce et de l’industrie, et nous attendons avec impatience de faire de même dans le domaine de l’éducation. Beaucoup de ministres de l’éducation sont des femmes, et nous voulons essayer de coopérer avec elles dans les années à venir. Il s’agit donc de réunir les femmes et de faire connaître leur action commune, pour encourager les femmes en leur montrant que beaucoup d’entre elles ont détenu et détiennent des postes de responsabilité. Je surprends souvent les gens quand je m’adresse à eux en leur disant: “combien de membres pensez-vous que compte le Council of Women World Leaders?” Nous comptons quarante membres aujourd’hui, et les gens ne s’en rendent pas compte. Quand je dis quarante, je compte trois invitations qui, je l’espère, seront acceptées.
iKNOW Politics: Comment pensez-vous que le fait d’appartenir à un réseau comme iKNOW Politics peut aider les femmes qui gouvernent?
Je suis résolument en faveur des liens et de la solidarité entre les femmes qui exercent des responsabilités. Les femmes ont tendance à diriger différemment, en s’employant à résoudre les problèmes. Grâce à ce réseau, nous pouvons comparer nos expériences et nous entraider, et je pense que c’est une chose importante en soi. Ce réseau peut aussi nous aider à partager des informations sur les mobilisations mondiales, qui sont de plus en plus importantes. Par exemple, je demanderais à iKNOW Politics de nous aider à communiquer sur la campagne Every Human Has Rights, que nous avons récemment lancée pour l’année 2008 dans le cadre du projet Elders, dirigé par Nelson Mandela. Cette campagne marque le soixantième anniversaire de Déclaration universelle des droits de l’homme. Chaq e mois sera consacré à un thème différent, et le thème du mois de mars sera “Toute femme a des droits.” Nous engageons chacun à se rendre sur le site Web, à lire la Déclaration universelle des droits de l’homme et à signer l’engagement à “prendre personnellement la responsabilité de respecter les objectifs de la Déclaration universelle des droits de l’homme dans [sa] vie quotidienne et dans [sa] communauté.”
Nous avons rédigé cet engagement, car nous avons le sentiment que si les individus se rendent compte que les droits de l’homme sont leurs droits essentiels et personnels, alors les gouvernements accorderont davantage d’attention au respect de ces droits dans le monde. Il serait bon que les femmes participent activement à ce projet. C’est une femme, Eleanor Roosevelt, qui a donné l’idée de réunir des avocats pour rédiger la Déclaration universelle des droits de l’homme et la proposer. Nous rendons hommage à son idée en profitant de cette occasion pour attirer l’attention non seulement sur les droits de l’homme, mais aussi sur les droits des femmes, et donner aux droits des femmes et des jeunes filles une place importante dans la campagne. Les femmes peuvent et doivent aussi faire part de leurs expériences concrètes du gouvernement aux jeunes dirigeantes, et je crois que iKNOW Politics peut et doit contribuer à ces activités.
iKNOW Politics: Quels conseils donneriez-vous aux membres de iKNOW Politics, en particulier aux candidates et aux femmes fonctionnaires, alors qu’elles évoluent dans leur carrière politique?
Il est difficile de donner un seul conseil, car il y a de nombreux obstacles: parfois, il s’agit d’obstacles financiers, parfois il s’agit de jongler avec d’autres responsabilités pour consacrer du temps au fait de devenir la candidate nommée par le parti. Dans l’ensemble, il faut avoir du courage et croire en soi. J’ai parfois l’impression que les femmes hésitent davantage à croire en elles-mêmes, à avoir cette conception des choses et cette détermination qui, peut-être, les animent, mais qu’elles répriment en se disant, “qui suis-je pour croire que je peux y arriver?” Il est rare de rencontrer des hommes qui doutent autant d’eux-mêmes. Je pense que cela est dû en partie au fait que les femmes ne sont pas encore habituées à être en position de pouvoir. Si vous prononcez le mot de Premier ministre, les gens supposent que c’est un homme, alors que dans certaines circonstances exceptionnelles, c’est une femme.
Il en va de même pour d’autres positions. Cela me rappelle une blague que nous partageons avec celle qui m’a succédée à la présidence de l’Irlande: j’ai été la première Présidente de l’Irlande et je suis restée au pouvoir pendant sept ans, puis j’ai été nommée à l’ONU et c’est la Présidente actuelle, Mary McAleese, qui m’a succédé. Elle a accompli un premier mandat de sept ans, puis elle s’est présentée pour un second mandat. Elle n’a pas rencontré d’hostilité, car elle avait bien fait son travail. Nous plaisantons donc ensemble en disant qu’aujourd’hui, en Irlande, les petits garçons pleurent sur les genoux de leurs mères en disant “pourquoi je ne pourrai pas être Président quand je serai grand?”, car l’Irlande a connu plus de quatorze ans, et bientôt vingt-et-un an de présidence féminine. L’idée de cette histoire est les petites filles ont l’habitude de voir des hommes aux postes importants, et qu’il est bon que les petits garçons aient des doutes sur leur capacité à pouvoir se présenter un jour aux élections présidentielles. C’est une plaisanterie, mais elle est assez pertinente.Je ne suis pas de celles qui pensent que les femmes doivent soutenir les candidates, quel que soit leur calibre, et je pense que nous devons nous sentir libres à cet égard. Il ne s’agit pas de se sentir obligée de soutenir une femme parce qu’on est soi-même une femme, mais plutôt de reconnaître qu’il faut bien davantage de femmes aux postes de responsabilité, dans l’intérêt de toute l’humanité, pour le bien des femmes et des hommes.
Certaines femmes très compétentes ont du mal à percer parce qu’elles sont femmes.Je suis intriguée par le fait que les femmes qui ont accédé à des postes de responsabilité sont plus susceptibles que leurs homologues masculins d’admettre leurs erreurs ou d’évoquer les problèmes qu’elles rencontrent. Il semble que nous soyons toujours dans une situation où nous ne nous attendons pas à être élues ou à détenir des fonctions élevées, et que lorsque cela se produit, nous soyons aptes à évaluer notre capacité à nous acquitter de ces fonctions. Je vous conseillerais donc, entre autres, de croire en vous-mêmes et d’avoir réellement le sentiment que vous apporterez une contribution positive. Davantage de femmes doivent apporter cette contribution, par conséquent ne vous laissez pas décourager et, on l’espère, vous obtiendrez le soutien que vous méritez.
“Je suis intriguée par le fait que les femmes qui ont accédé à des postes de responsabilité sont plus susceptibles que leurs homologues masculins d’admettre leurs erreurs ou d’évoquer les problèmes qu’elles rencontrent.” – Mary Robinson
iKNOW Politics: Vous avez été la première Présidente de l’Irlande. Quels défis avez-vous rencontré en tant que femme dans cette position dirigeante? Comment votre expérience vous a-t-elle préparée à relever ce défi?
Quand j’ai été nommée candidate à la présidence (il y avait trois candidats), j’étais très marginale, car je n’avais pas fait de politique. On s’attendait à ce que le vice-Premier ministre l’emporte. Je dois dire que la présidence en Irlande est très différente des Etats-Unis ou de la France, ou de nombreux pays en développement. C’est une présidence non exécutive, qui a été détenue par six hommes. Il y a eu six Présidents avant moi sous notre constitution. Ils étaient généralement âgés et étaient soutenus par le principal parti politique. J’ai remis en cause cette situation. J’ai été nommée plus tôt que mes concurrents masculins, et je me suis mise à plaider en faveur d’une présidence plus active et plus pertinente, qui serait liée aux activités des différentes parties de la société civile et représenterait l’Irlande à l’étranger d’une manière qui serait plus fidèle à notre histoire, plus proche de la lutte des pays en développement. Ces arguments ont plu, et j’ai été élue.
Le défi a ensuite consisté à mettre en œuvre cette idée d’une présidence plus active, plus pertinente. Je pense qu’il était important d’aller à la rencontre de divers groupes des quartiers pauvres, des zones rurales, des villages, et même des îles, et d’exprimer mon appréciation des initiatives de développement qui s’y déroulaient. Peu après mon investiture, j’ai été invitée par de nombreux groupes de la société civile pour marquer l’ouverture de leurs centres, le dixième anniversaire d’une activité pour les enfants ou les personnes âgées, et à d’autres activités de proximité intéressantes. Sur les invitations que je recevais, je me souviens que mon secrétariat inscrivait des avis tels que: “cet événement est trop mineur pour justifier la présence de la Présidente.” Après avoir reçu deux ou trois avis de ce genre, j’ai dit “eh bien, qui est la Présidente?
Cette manifestation est importante. Je ne peux aller à toutes ces événements, mais d’un point de vue stratégique il est important que je m’y rende pour montrer que ces groupes et ces individus font des choses utiles, et que le développement local est en train de modifier profondément l’Irlande moderne”. Le fait est que nombre des personnes qui travaillaient dans ces localités étaient des femmes.
IKNOW Politics: Pourriez-vous faire part à nos lecteurs d’un changement que vous avez introduit pendant votre mandat de Présidente dont vous êtes particulièrement fière, par exemple un changement qui aurait bénéficié aux femmes et continue à trouver un écho?
Ce dont je suis sans doute le plus fière, c’est d’avoir mené des activités de sensibilisation auprès des femmes d’Irlande du Nord, de culture protestante et catholique issues des classes populaires, et de les avoir invitées à Dublin. Elles ont mis leurs plus beaux vêtements, car pour elles il était assez exceptionnel de venir à Dublin de Belfast, et d’autant plus de venir visiter la résidence officielle. Nous avons eu des conversations passionnantes et, une fois de plus, je leur ai dit que j’appréciais beaucoup les efforts qu’elles faisaient pour établir des contacts entre les quartiers et le fait qu’elles aient le courage de comprendre qu’il était indispensable de construire la paix petit à petit pour sortir des divisions à Belfast, pour mettre un terme à la violence. Je me suis aussi beaucoup exprimée sur la nécessité d’une plus grande ouverture de l’Irlande et la valorisation de la diversité, et enfin j’ai lié ces éléments à la diaspora irlandaise dans le monde. Nous avons eu la chance de pouvoir nous appuyer sur une diaspora de près de soixante-dix millions de personnes fières de leurs origines irlandaises, ce qui a constitué une occasion extraordinaire d’ouvrir la voie à la paix en Irlande du Nord.
J’ai aussi fait des discours à certaines occasions particulières pour saluer la contribution des femmes. Dans mes discours, j’ai veillé à tenir compte des femmes qui soutenaient les activités de proximité. J’ai essayé de faire en sorte que le Mouvement féminin irlandais soit ouvert à tous, pour que les femmes se sentent dotées de moyens d’agir, et qu’elles n’aient pas le sentiment d’être reléguées à un rôle inférieur. J’entendais souvent la phrase suivante: “oh, je ne fais rien d’important, je ne suis qu’une femme au foyer”, et je demandais “que faites-vous dans votre quartier?” Ces femmes me disaient “eh bien, je dirige tel mouvement, je gère telle association”, et l’on s’apercevait alors que cette “simple femmes au foyer” était en fait une personne très active qui travaillait pour la collectivité.
iKNOW Politics: En plus de plaider en faveur de l’adoption de lois sensibles aux genres en Irlande, vous vous êtes employée à promouvoir activement les droits de l’homme et le développement soucieux de l’équité entre hommes et femmes dans le monde. Comment décririez-vous votre expérience en tant que Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme? Comment pensez-vous que le fait d’avoir été une femme a pu contribuer à votre expérience, à vos perspectives et à votre réussite à ce poste?
Lorsque j’étais Présidente, il m’a toujours semblé important de mettre en évidence le fait que les femmes peuvent jouer un rôle de chef de file. De même, quand j’ai été élue Haut Commissaire aux droits de l’homme, j’ai tenté de faire en sorte que les activités bénéficient du fait que je sois une femme. Beaucoup de violations des droits de l’homme dans le monde sont commises envers des femmes. C’est le cas notamment du terrible problème de la violence fondée sur le sexe, de la traite des êtres humains, et de la discrimination. Je pense que j’ai pu jouer un rôle, notamment en me tenant bien informée de ces problèmes, en m’exprimant à leur sujet et en encourageant d’autres femmes. J’ai aussi encouragé Kofi Annan, qui était alors Secrétaire général des Nations Unies, à nommer une femme au poste de Représentant spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme. La personne qui été nommée à cette fonction et qui l’occupe toujours, Hina Jilani, s’est montrée extrêmement compétente. Une fois de plus, comme elle doit faire face à des problèmes très graves sur le terrain, le fait d’être une femme l’a notamment aidée à reconnaître que le viol est un crime de guerre terrible.
iKNOW Politics: Suite à votre visite d’un camps de réfugiés au Tchad en septembre 2007, vous avez dirigé un groupe de femmes d’Etat issues de divers pays pour rédiger une lettre ouverte condamnant l’utilisation du viol et de la violence sexuelle comme armes de guerre au Darfour, et exigeant qu’il y soit mis fin. Vous avez aussi préconisé la participation des femmes aux pourparlers de paix. Que peuvent faire les politiciennes pour renforcer la sécurité des femmes dans les conflits et contribuer à éliminer la violence à leur égard?
Je suis bien consciente du fait qu’aujourd’hui, suffisamment de femmes occupent des positions dirigeantes au niveau des pays, dans les organisations internationales, les entreprises, et dans d’autres aspects de la collectivité, et du fait que nous devrions voir davantage les effets positifs de leurs actions. C’est pourquoi j’ai été heureuse d’encourager une initiative collective mobilisant les femmes , qui intervient notamment dans les questions de sécurité.Une conférence majeure a eu lieu à New York en novembre. Elle était organisée conjointement par un certain nombre de groupes, notamment le Women Leaders Intercultural Forum, qui fonctionne sous l’égide de Realizing Rights, et le Council of Women World Leaders, que je dirige. Nous avons examiné les différents aspects de la sécurité humaine, le fait que les gouvernements doivent assumer la responsabilité de protéger les personnes, notamment au Darfour et au Tchad oriental, l’insécurité économique, les effets du changement climatique, et les dimensions sexospécifiques de ces effets sur les populations pauvres.
Nous sommes très soucieuses d’essayer de trouver un nouveau moyen d’agir ensemble, et la visite au Tchad en a été l’un des exemples. Nous coopérons aussi pour soutenir Ellen Johnson Sirleaf au Libéria, à la fois en l’aidant à organiser un colloque international majeur sur la sécurité des femmes au Libéria en mars 2009, et, dans l’intervalle, en appuyant ses activités d’autonomisation des femmes et des jeunes filles au Libéria. J’espère que des visites comme celle du Tchad oriental seront organisées, et que les femmes dirigeantes mèneront davantage d’activités collectives concrètes pour affronter les problèmes.
iKNOW Politics: Vous êtes membre du Conseil de direction de la Coalition mondiale des Nations Unies sur les femmes et le SIDA. Compte tenu du fait que l’épidémie de SIDA touche de plus en plus de femmes, quelles sont les perspectives qui s’ouvrent aux politiciennes pour élaborer des mesures nationales afin de traiter le problème de la vulnérabilité des femmes et des jeunes filles?
Ce Conseil de direction a été important, car la situation est très grave. Lors d’une conférence à Nairobi en juillet dernier sur les femmes et le SIDA, cinq cent femmes séropositives étaient présentes, ce qui était très significatif. Ces femmes ont témoigné de la discrimination dont elles étaient victimes, et certaines avaient été chassées de chez elles. Elles ont aussi témoigné de la vulnérabilité des jeunes filles qui sont quatre, cinq ou six fois plus susceptibles de devenir séropositives à cause des relations de pouvoir qui font qu’il leur est impossible de dire non, dans certaines circonstances. Je souhaiterais qu’il y ait davantage d’initiatives collectives mobilisant des femmes sur les questions générales de la santé des femmes. Les chiffres concernant la mortalité des femmes pendant l’accouchement, ou quelque temps avant ou après, ne s’améliorent pas.
Les taux de mortalité maternelle sont inacceptables, et il faut donc donner plus d’importance à ce problème, car c’est là une question vitale pour les familles et les populations. Nous devons généralement insister bien davantage sur la santé des femmes et la nécessité de promouvoir la santé génésique, et nous concentrer sur les adolescentes. Actuellement, des initiatives voient le jour comme la Coalition mondiale des Nations Unies sur les femmes et le SIDA, qui est un exemple de collaboration réussie en matière de santé des femmes. Il faudrait davantage d’initiatives de ce type.
iKNOW Politics: Le fait d’encourager l’autonomisation des femmes est un des thèmes abordés par Realizing Rights: The Ethical Globalization Initiative, que vous avez créée. Comment l’ONG défend-elle cet objectif?
Dans le cadre des activités de Realizing Rights, nous nous sommes intéressés aux dirigeants, qu’ils soient dirigeants politiques ou dirigeants d’entreprises, et surtout aux dirigeantes. Nous avons accordé une attention particulière à la nécessité de créer des liens interculturels, interrégionaux et intergénérationnels entre les dirigeantes pour qu’elles aient le sentiment d’être en relation les unes avec les autres, et leur donner l’occasion d’exprimer leur point de vue et de se faire entendre. C’est dans cette perspective que nous avons créé le Women Leaders Intercultural Forum, avec d’autres organisations. Ce Forum fonctionne à présent dans le cadre de Realizing Rights. Nous tenons des réunions dans différents endroits. Par exemple, une réunion récente en Jordanie organisée avec la Reine Rania a rassemblé les dirigeantes de cette région. Nous avons également tenu des réunions au Kenya. Nous nous investissons aussi beaucoup dans le projet visant à aider le Libéria à préparer la conférence de 2009. Nous cherchons à être concrètes.
Les femmes qui occupent des postes de responsabilité et les membres du réseau iKNOW Politics peuvent faire des choses. Quand celles d’entre nous qui sont déjà reconnues sont invitées à une conférence, il n’est pas rare que nous soyons les seules intervenantes ou les seules oratrices principales. Nous devrions négocier avec ceux qui organisent ces conférences et dire “écoutez, je sais qu’il n’y a qu’une femme parmi les intervenants, mais je connais plusieurs jeunes femmes, dont voici les noms, et il serait vraiment utile d’inviter l’une d’entre elles à participer.” Ou encore “je sais que vous n’avez pas d’intervenant qui pourrait réellement contribuer à faire ressortir la dimension sexospécifique.”
Qu’elles portent sur le changement climatique, l’économie mondiale ou sur quelque sujet que ce soit, très souvent les conférences ne font pas apparaître les dimensions sexospécifiques de manière équilibrée. Nous devons prendre des initiatives pour renégocier les modalités des conférences, et je suis vraiment convaincue que le réseau iKNOW Politics peut faire beaucoup dans ce domaine.
iKNOW Politics: Vous êtes présidente du Council of Women World Leaders, un réseau de femmes qui sont actuellement Présidentes ou Premières ministres, ou qui l’ont été. Quel rôle ce réseau a-t-il joué pour faire entendre la voix des femmes aux plus hauts niveaux du gouvernement?
Je pense que le Council of Women World Leaders est utile, car il donne de la visibilité aux femmes qui occupent ou qui ont occupé des postes de responsabilité. C’est l’une des organisations qui a contribué à promouvoir l’objectif d’une initiative collective mobilisant les femmes. Le Council of Women World Leaders organise, avec d’autres, une initiative ministérielle mobilisatrice en faveur de la santé, dont un des volets consistera à rassembler les femmes ministres de la santé. Nous avons aussi encouragé la création d’autres réseaux de femmes ministres, notamment les femmes ministres de l’environnement. Ces femmes se sont réunies dans le cadre de la Conférence mondiale sur le développement durable à Johannesburg, et ont pu influencer l’ordre du jour. Elles ont remarqué que l’ordre du jour provisoire tenait très peu compte de la perspective d’équité entre hommes et femmes, et grâce à leur position de ministres intervenantes, elles ont pu modifier cet état de chose.
Nous disposons aussi d’un réseau plus large de femmes ministres des affaires féminines, nous avons réuni les femmes issues des milieux du commerce et de l’industrie, et nous attendons avec impatience de faire de même dans le domaine de l’éducation. Beaucoup de ministres de l’éducation sont des femmes, et nous voulons essayer de coopérer avec elles dans les années à venir. Il s’agit donc de réunir les femmes et de faire connaître leur action commune, pour encourager les femmes en leur montrant que beaucoup d’entre elles ont détenu et détiennent des postes de responsabilité. Je surprends souvent les gens quand je m’adresse à eux en leur disant: “combien de membres pensez-vous que compte le Council of Women World Leaders?” Nous comptons quarante membres aujourd’hui, et les gens ne s’en rendent pas compte. Quand je dis quarante, je compte trois invitations qui, je l’espère, seront acceptées.
iKNOW Politics: Comment pensez-vous que le fait d’appartenir à un réseau comme iKNOW Politics peut aider les femmes qui gouvernent?
Je suis résolument en faveur des liens et de la solidarité entre les femmes qui exercent des responsabilités. Les femmes ont tendance à diriger différemment, en s’employant à résoudre les problèmes. Grâce à ce réseau, nous pouvons comparer nos expériences et nous entraider, et je pense que c’est une chose importante en soi. Ce réseau peut aussi nous aider à partager des informations sur les mobilisations mondiales, qui sont de plus en plus importantes. Par exemple, je demanderais à iKNOW Politics de nous aider à communiquer sur la campagne Every Human Has Rights, que nous avons récemment lancée pour l’année 2008 dans le cadre du projet Elders, dirigé par Nelson Mandela. Cette campagne marque le soixantième anniversaire de Déclaration universelle des droits de l’homme. Chaq e mois sera consacré à un thème différent, et le thème du mois de mars sera “Toute femme a des droits.” Nous engageons chacun à se rendre sur le site Web, à lire la Déclaration universelle des droits de l’homme et à signer l’engagement à “prendre personnellement la responsabilité de respecter les objectifs de la Déclaration universelle des droits de l’homme dans [sa] vie quotidienne et dans [sa] communauté.”
Nous avons rédigé cet engagement, car nous avons le sentiment que si les individus se rendent compte que les droits de l’homme sont leurs droits essentiels et personnels, alors les gouvernements accorderont davantage d’attention au respect de ces droits dans le monde. Il serait bon que les femmes participent activement à ce projet. C’est une femme, Eleanor Roosevelt, qui a donné l’idée de réunir des avocats pour rédiger la Déclaration universelle des droits de l’homme et la proposer. Nous rendons hommage à son idée en profitant de cette occasion pour attirer l’attention non seulement sur les droits de l’homme, mais aussi sur les droits des femmes, et donner aux droits des femmes et des jeunes filles une place importante dans la campagne. Les femmes peuvent et doivent aussi faire part de leurs expériences concrètes du gouvernement aux jeunes dirigeantes, et je crois que iKNOW Politics peut et doit contribuer à ces activités.
iKNOW Politics: Quels conseils donneriez-vous aux membres de iKNOW Politics, en particulier aux candidates et aux femmes fonctionnaires, alors qu’elles évoluent dans leur carrière politique?
Il est difficile de donner un seul conseil, car il y a de nombreux obstacles: parfois, il s’agit d’obstacles financiers, parfois il s’agit de jongler avec d’autres responsabilités pour consacrer du temps au fait de devenir la candidate nommée par le parti. Dans l’ensemble, il faut avoir du courage et croire en soi. J’ai parfois l’impression que les femmes hésitent davantage à croire en elles-mêmes, à avoir cette conception des choses et cette détermination qui, peut-être, les animent, mais qu’elles répriment en se disant, “qui suis-je pour croire que je peux y arriver?” Il est rare de rencontrer des hommes qui doutent autant d’eux-mêmes. Je pense que cela est dû en partie au fait que les femmes ne sont pas encore habituées à être en position de pouvoir. Si vous prononcez le mot de Premier ministre, les gens supposent que c’est un homme, alors que dans certaines circonstances exceptionnelles, c’est une femme.
Il en va de même pour d’autres positions. Cela me rappelle une blague que nous partageons avec celle qui m’a succédée à la présidence de l’Irlande: j’ai été la première Présidente de l’Irlande et je suis restée au pouvoir pendant sept ans, puis j’ai été nommée à l’ONU et c’est la Présidente actuelle, Mary McAleese, qui m’a succédé. Elle a accompli un premier mandat de sept ans, puis elle s’est présentée pour un second mandat. Elle n’a pas rencontré d’hostilité, car elle avait bien fait son travail. Nous plaisantons donc ensemble en disant qu’aujourd’hui, en Irlande, les petits garçons pleurent sur les genoux de leurs mères en disant “pourquoi je ne pourrai pas être Président quand je serai grand?”, car l’Irlande a connu plus de quatorze ans, et bientôt vingt-et-un an de présidence féminine. L’idée de cette histoire est les petites filles ont l’habitude de voir des hommes aux postes importants, et qu’il est bon que les petits garçons aient des doutes sur leur capacité à pouvoir se présenter un jour aux élections présidentielles. C’est une plaisanterie, mais elle est assez pertinente.Je ne suis pas de celles qui pensent que les femmes doivent soutenir les candidates, quel que soit leur calibre, et je pense que nous devons nous sentir libres à cet égard. Il ne s’agit pas de se sentir obligée de soutenir une femme parce qu’on est soi-même une femme, mais plutôt de reconnaître qu’il faut bien davantage de femmes aux postes de responsabilité, dans l’intérêt de toute l’humanité, pour le bien des femmes et des hommes.
Certaines femmes très compétentes ont du mal à percer parce qu’elles sont femmes.Je suis intriguée par le fait que les femmes qui ont accédé à des postes de responsabilité sont plus susceptibles que leurs homologues masculins d’admettre leurs erreurs ou d’évoquer les problèmes qu’elles rencontrent. Il semble que nous soyons toujours dans une situation où nous ne nous attendons pas à être élues ou à détenir des fonctions élevées, et que lorsque cela se produit, nous soyons aptes à évaluer notre capacité à nous acquitter de ces fonctions. Je vous conseillerais donc, entre autres, de croire en vous-mêmes et d’avoir réellement le sentiment que vous apporterez une contribution positive. Davantage de femmes doivent apporter cette contribution, par conséquent ne vous laissez pas décourager et, on l’espère, vous obtiendrez le soutien que vous méritez.