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N’déye Fatou Touré

Entretiens

Soumis par iKNOW Politics le
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January 14, 2010

N’déye Fatou Touré

Membre du Parlement du Sénégal

« Je voudrais surtout que toutes les femmes intéressées par la politique sachent qu’au fond d’elles-mêmes dort un génie porteur, créateur de grandes richesses nationales. » - N’déye Fatou Touré

L’honorable N’deye Fatou Touré est membre du Parlement Sénégalais depuis 2006. Juriste de formation elle est avocate et membre du Barreau du Sénégal

iKNOW Politics: Pouvez-vous nous parler de votre carrière? Comment est né votre intérêt pour la politique, qu'est-ce qui vous a inspirée?

Ma carrière est celle d’une africaine au Sud du Sahara née dans un pays côtier, sahélien et en milieu urbain. Par conséquent, scolarisée dès le bas âge, j’ai suivi le cursus normal de l’éducation au primaire dans l’enseignement moyen et au secondaire. Ce qui a été sanctionné par le baccalauréat (série D). Ayant suivi des études universitaire à l’ex Faculté des Sciences Juridiques et Economique de l’Université de Dakar, je fus lauréate du concours d’entrée au stage du Barreau, puis s’en est suivie une maîtrise en Droit privé judiciaire et une admission aux Diplômes d’Etude Approfondie de la même faculté.

Ainsi, seule femme admise au concours du Barreau du Sénégal sur 174 candidats, je fus cooptée par le Bâtonnier de l’époque, feu Maître Fadilou DIOP, pour effectuer un stage en son Etude de Novembre 1984 à Février 1988. A la fin dudit stage d’une durée légale de 3 ans, je fus admise au grand tableau de l’Ordre des Avocats du Sénégal. Et dès le début de mon stage j’adhérais à Amnesty International et à l’Association des Juristes Sénégalaises (en 1985) où je milite jusqu’à ce jour.

A côté de ces organisations de défense des droits humains, de la femme et de l’enfant en particulier, j’ai milité à l’organisation nationale des droits de l’homme (ONDH) affiliée à la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), au Comité Sénégalais des Droits de l’Homme, à la Fédération Internationale des Femmes de Carrière Juridique (FIFCJ), à l’Association Avocats sans Frontière, à l’Association Internationale des Avocats de la Défense (AID) etc.… Bien évidemment, parallèlement à ma carrière d’avocate, et à mon militantisme pour la promotion et la protection des droits humains, j’ai toujours été personne ressource de toutes les associations de défense des droits de la femme et de l’enfant et n’ai ménagé aucun effort pour lutter contre les violences à leur égard, pour combattre l’injustice, les inégalités et la discrimination à l’égard des femmes dans mon pays.

Cet engagement sans faille m’a valu une étiquette de toutes les organisations de la Société Civile et même du PNUD, de l’UNIFEM et d’autres organismes internationaux œuvrant au Sénégal et en Afrique pour la promotion du genre. C’est dans ces circonstances qu’en Août 2006, à la veille de l’élection présidentielle au Sénégal, j’ai décidé de me joindre à un groupe d’amis, issus de la Société civile dirigée par Monsieur Mamadou Lamine Diallo, Ingénieur des mines, économiste de la Banque Mondiale. Convaincu de la nécessité pour les intellectuels sénégalais et africains de s’impliquer et de prendre part à la vie politique de nos Etats, j’ai accepté de diriger la campagne de Monsieur Diallo, candidat à la présidentielle de Février 2007 avant de conduire quelques mois plus tard, en Mai de la même année, la liste nationale d’un vaste mouvement dénommé « Tekki » qui s’est constitué autour du Président Mamadou Lamine Diallo.

C’est dans ces circonstances que j’ai eu l’honneur de siéger à l’Assemblée Nationale du Sénégal en tant qu’unique députée du Mouvement Tekki pour l’Emergence Citoyenne. Ce mouvement va se muer au cours de l’année 2007 en parti politique dénommé « Parti de l’Emergence Citoyenne » (PEC) qui pour la première fois a mis des femmes en tête de liste et a coopté 49% de femmes. Au niveau départemental, 6 femmes au moins ont dirigé des listes pour le scrutin majoritaire. Il y a lieu de préciser que pour les législatives, deux modes de scrutin sont prévus au Sénégal pour l’élection de 150 députés : 60 députés sont élus sur une liste proportionnelle avec plus fort reste ; 90 députés sont élus sur des listes départementales majoritaires à un tour. 

iKNOW Politics: Pensez-vous qu’être femme en politique a augmenté le nombre défis auxquels vous êtes confronté?

En tant que parlementaire, je ne me sens pas du tout différente d’un parlementaire homme et ne nourris aucun complexe à l’égard de mes collègues. Toutefois, il jette un regard encore discriminatoire sur moi en particulier lorsque je développe des positions qu’ils peuvent au fond approuver (ils me le disent dans les coulisses) mais qu’ils ont du mal à accepter pour ne pas se laisser « dominer par cette femme ». Actuellement ma mission n’est pas du tout aisée à l’Assemblée Nationale du fait, d’une part, de ma position d’opposante issue d’un parti émergent (que d’aucun appelle « petit parti ») et d’autre part, qu’en tant que femme, j’arrive tant bien que mal à m’imposer.

Le fait d’être minoritaire me place devant de multiples défis à relever au sein du parlement dont le défi démocratique qui m’oblige à tout mettre en œuvre pour faire entendre ma voix en tant que députée non inscrite, sans groupe parlementaire (nous sommes 6 dans cette situation dont 2 femmes). A cela s’ajoute celui d’être femme et de devoir démontrer, qu’une femme dans une instance suprême de décision doit faire preuve de sa grande capacité à défendre la population par des décisions allant dans le sens du développement durable, équitables etc.

iKNOW Politics: Comment faites-vous pour concilier votre vie publique et politique avec votre vie privée et familiale?

Il faut avouer qu’il est particulièrement difficile pour une femme intellectuelle « leader » agissant dans une instance de décision, de concilier la vie professionnelle avec la vie familiale d’une part, et de surcroit de mettre en adéquation ces deux formes d’existence avec la vie politique qui a ses exigences. Vous comprendrez que la profession, la politique et le cadre domestique s’exerçant dans un contexte socioculturel où la femme est assignée à des rôles inférieurs, subi les inconvénients majeurs de stéréotype sexiste, il est difficile de concilier les activités sus indiquées. Le seul motif de satisfaction ne peut venir que du mari et des enfants qui vous encadrent et sont obligés de supporter de longues absences difficiles à accepter. Les exigences de la vie familiale et les contraintes de la vie politique font difficilement bon ménage.

iKNOW Politics: Quels sont les facteurs qui gênent la participation politique des femmes ? Quelle est la situation actuelle des femmes en politique au Sénégal ?

Aucun motif sérieux et valable ne saurait être invoqué pour asseoir une discrimination à l’égard des femmes dans la vie politique. La pauvreté, la religion et/ou les traditions ne peuvent nullement constituer une entrave à la participation des femmes en politique surtout lorsqu’on sait qu’il n’y a pas de vie politique sans les femmes, qu’il n’y a pas d’élection sans femme. Elles doivent briguer tous les postes, tous les mandats, toutes les fonctions politiques et administratives pour influer de manière significative, sur les décisions prises ; et qui ont un impact réel sur leur sort.

Au Sénégal, le premier obstacle à la participation des femmes en politique est lié à l’absence de solidarité active entre femmes elles-mêmes, notamment dans les mouvements politiques et de la Société Civile. Le second obstacle est structurel et tient à l’analphabétisme et l’obscurantisme des femmes qui manquent de connaissance quant à leurs droits. Enfin, les femmes sont marginalisées et manquent souvent de moyens, il faut le dire pour s’adonner à une vie politique surtout, lorsqu’elles n’ont pas d’emploi. Et, à l’opposé, elles servent de masse électorale pour les politiciens dont elles constituent une clientèle.

iKNOW Politics: Est-ce que le réseautage et les alliances avec d’autres organisations a joué un rôle important dans votre expérience politique?

Le travail en réseau et les alliances constituent un moyen privilégié (le meilleur moyen) de promotion des femmes en politique. Le travail en réseau est en train d’occuper une place importante dans ma vie parlementaire. Les ONG et organisations de l’ONU sont en train de voir en mon action parlementaire, un moyen de promouvoir le genre. C’est pourquoi, elles veulent m’associer de plus en plus à leurs activités (séminaires-ateliers-workshops etc.) tant au plan national qu’international.

iKNOW Politics: Quels conseils donneriez-vous à des jeunes femmes, notamment des femmes sénégalaises, qui voudraient se lancer en politique?

Le premier conseil à donner aux jeunes femmes qui ont une vocation politique est de renforcer leur capacité, de s’informer pour avoir une bonne maîtrise de leurs rôles et responsabilité afin de gagner le pari de l’excellence, car les femmes en politique ne peuvent rien obtenir si elles ne sont pas compétentes ; tout doit s’arracher par des arguments objectifs et convaincants. Elles doivent surtout renforcer leurs alliances entre elles et avec les autres femmes.

iKNOW Politics: Que pensez-vous de l’intégration des nouvelles technologies dans la politique ? Quels sont les outils de communications que vous utilisez pour joindre vos électeurs?

Les nouvelles technologies dans la politique sont d’une extrême utilité parce que permettant des échanges très féconds d’expériences entre femmes et entre femme et homme. Elles permettent ainsi de renforcer les capacités des femmes en politique pour les aider à relever les défis et obstacles qui se dressent sur leur chemin. Pour joindre mes électeurs, j’utilise, par priorité les médias (radios – télévisions) les portables, et des supports écrits (affiches – affichettes – effigie – sites internet etc.

iKNOW Politics: Pouvez-vous nous parler d’une législation ou d’une initiative dont vous êtes à l’origine au Parlement qui soit favorable aux femmes ? Quels sont les projets qui vous tiennent toujours à cœur?

Les initiatives prises dans mon action parlementaire sont systématiquement pour la promotion des femmes dont la spécificité doit être prise en compte dans les lois que nous adoptons au Parlement, notamment dans le secteur agricole (agriculture – pêche – élevage) en matière électorale (réforme constitutionnelle pour promouvoir la parité dans les mandats et fonctions électives et non électives). J’ai activement contribué à l’élaboration d’un projet de loi tendant à renforcer la répression de toutes formes de violence à l’égard des femmes et des enfants (Commission de réforme etc.…) et obtenu du garde des Sceaux, Ministre de la Justice et du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats, l’assistance judiciaire pour toutes femmes et jeunes filles victimes d’abus sexuel ainsi que pour les femmes en difficultés conjugales ou dont les droits en tant que veuves sont menacées.

En tant que membre de la Commission des Finances et de l’Economie Générale de l’Assemblée Nationale je ne cesse de sensibiliser les ministres sur la budgétisation sensible au genre. En Commission des Lois, du Travail, de la Décentralisation et des Droits Humains, j’ai été l’auteur de plus d’une dizaine d’amendements à des textes gouvernementaux relatifs à la sauvegarde des droits humains dans les lieux de détention et à l’application de la Convention contre la torture. Au parlement, j’ai été l’auteur de plusieurs questions orales et d’actualités axées sur la hausse des denrées qui affectent les ménages donc les femmes, sur l’énergie (qui empêchent les femmes du secteur informel de mener leurs activités sur la nécessité de prendre des mesures pour accroître les revenus des ruraux.

Ce que je souhaiterais en héritage pour les femmes en politique, c’est la claire conscience que de par leur compétence, leur détermination et leur engagement, les femmes doivent pouvoir participer pleinement à la prise de décision en vue d’influer de manière significative sur la vie économique, politique, sociale et culturelle de leur pays. Je voudrais surtout que toutes les femmes intéressées par la politique sachent qu’au fond d’elles-mêmes dort un génie porteur, créateur de grandes richesses nationales. Je voudrais que les femmes africaines puissent renforcer leur réseautage et coordonner leurs luttes pour éliminer toutes formes de discrimination à leur égard. Ce réseautage africain doit se mettre en synergie d’action avec tous les réseaux de femmes dans le monde pour améliorer leur participation dans la vie politique et, au-delà de celle-ci.

 

Date de l'entretien
Région
Membre du Parlement du Sénégal

« Je voudrais surtout que toutes les femmes intéressées par la politique sachent qu’au fond d’elles-mêmes dort un génie porteur, créateur de grandes richesses nationales. » - N’déye Fatou Touré

L’honorable N’deye Fatou Touré est membre du Parlement Sénégalais depuis 2006. Juriste de formation elle est avocate et membre du Barreau du Sénégal

iKNOW Politics: Pouvez-vous nous parler de votre carrière? Comment est né votre intérêt pour la politique, qu'est-ce qui vous a inspirée?

Ma carrière est celle d’une africaine au Sud du Sahara née dans un pays côtier, sahélien et en milieu urbain. Par conséquent, scolarisée dès le bas âge, j’ai suivi le cursus normal de l’éducation au primaire dans l’enseignement moyen et au secondaire. Ce qui a été sanctionné par le baccalauréat (série D). Ayant suivi des études universitaire à l’ex Faculté des Sciences Juridiques et Economique de l’Université de Dakar, je fus lauréate du concours d’entrée au stage du Barreau, puis s’en est suivie une maîtrise en Droit privé judiciaire et une admission aux Diplômes d’Etude Approfondie de la même faculté.

Ainsi, seule femme admise au concours du Barreau du Sénégal sur 174 candidats, je fus cooptée par le Bâtonnier de l’époque, feu Maître Fadilou DIOP, pour effectuer un stage en son Etude de Novembre 1984 à Février 1988. A la fin dudit stage d’une durée légale de 3 ans, je fus admise au grand tableau de l’Ordre des Avocats du Sénégal. Et dès le début de mon stage j’adhérais à Amnesty International et à l’Association des Juristes Sénégalaises (en 1985) où je milite jusqu’à ce jour.

A côté de ces organisations de défense des droits humains, de la femme et de l’enfant en particulier, j’ai milité à l’organisation nationale des droits de l’homme (ONDH) affiliée à la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), au Comité Sénégalais des Droits de l’Homme, à la Fédération Internationale des Femmes de Carrière Juridique (FIFCJ), à l’Association Avocats sans Frontière, à l’Association Internationale des Avocats de la Défense (AID) etc.… Bien évidemment, parallèlement à ma carrière d’avocate, et à mon militantisme pour la promotion et la protection des droits humains, j’ai toujours été personne ressource de toutes les associations de défense des droits de la femme et de l’enfant et n’ai ménagé aucun effort pour lutter contre les violences à leur égard, pour combattre l’injustice, les inégalités et la discrimination à l’égard des femmes dans mon pays.

Cet engagement sans faille m’a valu une étiquette de toutes les organisations de la Société Civile et même du PNUD, de l’UNIFEM et d’autres organismes internationaux œuvrant au Sénégal et en Afrique pour la promotion du genre. C’est dans ces circonstances qu’en Août 2006, à la veille de l’élection présidentielle au Sénégal, j’ai décidé de me joindre à un groupe d’amis, issus de la Société civile dirigée par Monsieur Mamadou Lamine Diallo, Ingénieur des mines, économiste de la Banque Mondiale. Convaincu de la nécessité pour les intellectuels sénégalais et africains de s’impliquer et de prendre part à la vie politique de nos Etats, j’ai accepté de diriger la campagne de Monsieur Diallo, candidat à la présidentielle de Février 2007 avant de conduire quelques mois plus tard, en Mai de la même année, la liste nationale d’un vaste mouvement dénommé « Tekki » qui s’est constitué autour du Président Mamadou Lamine Diallo.

C’est dans ces circonstances que j’ai eu l’honneur de siéger à l’Assemblée Nationale du Sénégal en tant qu’unique députée du Mouvement Tekki pour l’Emergence Citoyenne. Ce mouvement va se muer au cours de l’année 2007 en parti politique dénommé « Parti de l’Emergence Citoyenne » (PEC) qui pour la première fois a mis des femmes en tête de liste et a coopté 49% de femmes. Au niveau départemental, 6 femmes au moins ont dirigé des listes pour le scrutin majoritaire. Il y a lieu de préciser que pour les législatives, deux modes de scrutin sont prévus au Sénégal pour l’élection de 150 députés : 60 députés sont élus sur une liste proportionnelle avec plus fort reste ; 90 députés sont élus sur des listes départementales majoritaires à un tour. 

iKNOW Politics: Pensez-vous qu’être femme en politique a augmenté le nombre défis auxquels vous êtes confronté?

En tant que parlementaire, je ne me sens pas du tout différente d’un parlementaire homme et ne nourris aucun complexe à l’égard de mes collègues. Toutefois, il jette un regard encore discriminatoire sur moi en particulier lorsque je développe des positions qu’ils peuvent au fond approuver (ils me le disent dans les coulisses) mais qu’ils ont du mal à accepter pour ne pas se laisser « dominer par cette femme ». Actuellement ma mission n’est pas du tout aisée à l’Assemblée Nationale du fait, d’une part, de ma position d’opposante issue d’un parti émergent (que d’aucun appelle « petit parti ») et d’autre part, qu’en tant que femme, j’arrive tant bien que mal à m’imposer.

Le fait d’être minoritaire me place devant de multiples défis à relever au sein du parlement dont le défi démocratique qui m’oblige à tout mettre en œuvre pour faire entendre ma voix en tant que députée non inscrite, sans groupe parlementaire (nous sommes 6 dans cette situation dont 2 femmes). A cela s’ajoute celui d’être femme et de devoir démontrer, qu’une femme dans une instance suprême de décision doit faire preuve de sa grande capacité à défendre la population par des décisions allant dans le sens du développement durable, équitables etc.

iKNOW Politics: Comment faites-vous pour concilier votre vie publique et politique avec votre vie privée et familiale?

Il faut avouer qu’il est particulièrement difficile pour une femme intellectuelle « leader » agissant dans une instance de décision, de concilier la vie professionnelle avec la vie familiale d’une part, et de surcroit de mettre en adéquation ces deux formes d’existence avec la vie politique qui a ses exigences. Vous comprendrez que la profession, la politique et le cadre domestique s’exerçant dans un contexte socioculturel où la femme est assignée à des rôles inférieurs, subi les inconvénients majeurs de stéréotype sexiste, il est difficile de concilier les activités sus indiquées. Le seul motif de satisfaction ne peut venir que du mari et des enfants qui vous encadrent et sont obligés de supporter de longues absences difficiles à accepter. Les exigences de la vie familiale et les contraintes de la vie politique font difficilement bon ménage.

iKNOW Politics: Quels sont les facteurs qui gênent la participation politique des femmes ? Quelle est la situation actuelle des femmes en politique au Sénégal ?

Aucun motif sérieux et valable ne saurait être invoqué pour asseoir une discrimination à l’égard des femmes dans la vie politique. La pauvreté, la religion et/ou les traditions ne peuvent nullement constituer une entrave à la participation des femmes en politique surtout lorsqu’on sait qu’il n’y a pas de vie politique sans les femmes, qu’il n’y a pas d’élection sans femme. Elles doivent briguer tous les postes, tous les mandats, toutes les fonctions politiques et administratives pour influer de manière significative, sur les décisions prises ; et qui ont un impact réel sur leur sort.

Au Sénégal, le premier obstacle à la participation des femmes en politique est lié à l’absence de solidarité active entre femmes elles-mêmes, notamment dans les mouvements politiques et de la Société Civile. Le second obstacle est structurel et tient à l’analphabétisme et l’obscurantisme des femmes qui manquent de connaissance quant à leurs droits. Enfin, les femmes sont marginalisées et manquent souvent de moyens, il faut le dire pour s’adonner à une vie politique surtout, lorsqu’elles n’ont pas d’emploi. Et, à l’opposé, elles servent de masse électorale pour les politiciens dont elles constituent une clientèle.

iKNOW Politics: Est-ce que le réseautage et les alliances avec d’autres organisations a joué un rôle important dans votre expérience politique?

Le travail en réseau et les alliances constituent un moyen privilégié (le meilleur moyen) de promotion des femmes en politique. Le travail en réseau est en train d’occuper une place importante dans ma vie parlementaire. Les ONG et organisations de l’ONU sont en train de voir en mon action parlementaire, un moyen de promouvoir le genre. C’est pourquoi, elles veulent m’associer de plus en plus à leurs activités (séminaires-ateliers-workshops etc.) tant au plan national qu’international.

iKNOW Politics: Quels conseils donneriez-vous à des jeunes femmes, notamment des femmes sénégalaises, qui voudraient se lancer en politique?

Le premier conseil à donner aux jeunes femmes qui ont une vocation politique est de renforcer leur capacité, de s’informer pour avoir une bonne maîtrise de leurs rôles et responsabilité afin de gagner le pari de l’excellence, car les femmes en politique ne peuvent rien obtenir si elles ne sont pas compétentes ; tout doit s’arracher par des arguments objectifs et convaincants. Elles doivent surtout renforcer leurs alliances entre elles et avec les autres femmes.

iKNOW Politics: Que pensez-vous de l’intégration des nouvelles technologies dans la politique ? Quels sont les outils de communications que vous utilisez pour joindre vos électeurs?

Les nouvelles technologies dans la politique sont d’une extrême utilité parce que permettant des échanges très féconds d’expériences entre femmes et entre femme et homme. Elles permettent ainsi de renforcer les capacités des femmes en politique pour les aider à relever les défis et obstacles qui se dressent sur leur chemin. Pour joindre mes électeurs, j’utilise, par priorité les médias (radios – télévisions) les portables, et des supports écrits (affiches – affichettes – effigie – sites internet etc.

iKNOW Politics: Pouvez-vous nous parler d’une législation ou d’une initiative dont vous êtes à l’origine au Parlement qui soit favorable aux femmes ? Quels sont les projets qui vous tiennent toujours à cœur?

Les initiatives prises dans mon action parlementaire sont systématiquement pour la promotion des femmes dont la spécificité doit être prise en compte dans les lois que nous adoptons au Parlement, notamment dans le secteur agricole (agriculture – pêche – élevage) en matière électorale (réforme constitutionnelle pour promouvoir la parité dans les mandats et fonctions électives et non électives). J’ai activement contribué à l’élaboration d’un projet de loi tendant à renforcer la répression de toutes formes de violence à l’égard des femmes et des enfants (Commission de réforme etc.…) et obtenu du garde des Sceaux, Ministre de la Justice et du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats, l’assistance judiciaire pour toutes femmes et jeunes filles victimes d’abus sexuel ainsi que pour les femmes en difficultés conjugales ou dont les droits en tant que veuves sont menacées.

En tant que membre de la Commission des Finances et de l’Economie Générale de l’Assemblée Nationale je ne cesse de sensibiliser les ministres sur la budgétisation sensible au genre. En Commission des Lois, du Travail, de la Décentralisation et des Droits Humains, j’ai été l’auteur de plus d’une dizaine d’amendements à des textes gouvernementaux relatifs à la sauvegarde des droits humains dans les lieux de détention et à l’application de la Convention contre la torture. Au parlement, j’ai été l’auteur de plusieurs questions orales et d’actualités axées sur la hausse des denrées qui affectent les ménages donc les femmes, sur l’énergie (qui empêchent les femmes du secteur informel de mener leurs activités sur la nécessité de prendre des mesures pour accroître les revenus des ruraux.

Ce que je souhaiterais en héritage pour les femmes en politique, c’est la claire conscience que de par leur compétence, leur détermination et leur engagement, les femmes doivent pouvoir participer pleinement à la prise de décision en vue d’influer de manière significative sur la vie économique, politique, sociale et culturelle de leur pays. Je voudrais surtout que toutes les femmes intéressées par la politique sachent qu’au fond d’elles-mêmes dort un génie porteur, créateur de grandes richesses nationales. Je voudrais que les femmes africaines puissent renforcer leur réseautage et coordonner leurs luttes pour éliminer toutes formes de discrimination à leur égard. Ce réseautage africain doit se mettre en synergie d’action avec tous les réseaux de femmes dans le monde pour améliorer leur participation dans la vie politique et, au-delà de celle-ci.

 

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