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Les 3 L de l'autonomisation des femmes

Editorial / Opinion Piece / Blog Post

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August 30, 2014

Les 3 L de l'autonomisation des femmes

Par Christine Lagarde

Après avoir été ministre responsable de différents portefeuilles économiques en France, notamment les finances et l'emploi, l'agriculture et la pêche, ainsi que le commerce, Christine Lagarde a été la première femme à devenir ministre des Finances d'un État du G8, et c'est la première femme qui dirige le Fonds monétaire international (FMI).

Le 21e siècle pose de nombreux défis qui nécessitent de nouvelles manières de penser, mais aucun n'est plus important que le rôle économique des femmes dans un monde en rapide mutation.

L'économie mondiale se débat pour engendrer la croissance qui offrira à toutes et tous une vie meilleure, et toutes et tous peuvent y contribuer, mais les femmes ne peuvent toujours pas contribuer à la croissance économique comme le leur permettrait leur véritable potentiel. Le coût de cette réalité est énorme : dans certains pays, le revenu par habitant reste très faible parce que les femmes ne bénéficient pas de l'égalité des chances. Les femmes représentent la moitié de la population mondiale, mais leur contribution à l'activité économique est largement inférieure à 50 pour cent. En effet, les mesures de l'activité économique font état d'un écart entre femmes et hommes qui va de 12 pour cent dans les pays de l'OCDE à 50 pour cent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Ce qu'il nous faut pour changer les choses, c'est un effort concerté en faveur de l'égalité des sexes, par ce que j'appelle les « 3 L » de l'autonomisation des femmes : learning, labour et leadership (l'apprentissage, le travail et le leadership).

Tout d'abord, l'apprentissage (learning) : l'éducation est le fondement même du changement. L'apprentissage permet aux femmes de se prendre en charge elles-mêmes et de briser les chaînes de l'exclusion. Nulle part au monde, l'éducation ne joue un rôle plus important que dans les pays en développement : d'après les estimations d'une étude de 60 pays, la perte économique annuelle imputable au fait que les filles ne bénéficient pas du même niveau d'éducation que les garçons atteint les 90 milliards de dollar des États-Unis. Une autre étude suggère qu’une année supplémentaire d’enseignement primaire accroît le revenu potentiel de 10 à 20 pour cent, et une année supplémentaire d’enseignement secondaire de 25 pour cent.

Il y a un proverbe africain qui dit : « Quand on éduque un garçon, on forme un homme. Quand on éduque une fille, on forme un village. » Non seulement c’est vrai, mais on peut le mesurer. Par exemple, une femme est beaucoup plus susceptible de consacrer ses revenus aux soins de santé et à l’éducation qu’un homme : elle y consacre jusqu’à 90 pour cent de ses revenus, contre seulement 30 à 40 pour cent pour un homme. Cette façon de faire a des répercussions sur l’ensemble de la société, au-delà des générations.

L’apprentissage n’est que la première étape à franchir, et le travail la deuxième : il permet aux femmes de s’épanouir et d’exprimer tout leur potentiel.

Toutefois, à l’heure actuelle, lorsque les femmes travaillent, elles doivent bien trop souvent se contenter d’emplois précaires, mal rémunérés et mal considérés, souvent dans le secteur non structuré dans le cas des pays en développement. Est-il donc surprenant que les femmes et les filles soient les principales victimes de l’extrême pauvreté ? Elles représentent 70 pour cent des milliards de personnes qui se battent pour survivre avec moins d’un dollar par jour. À l’échelle mondiale, les femmes ne gagnent que les trois quarts de ce que gagnent les hommes, et ce, même lorsqu’elles ont atteint le même niveau d’instruction et qu’elles occupent le même emploi qu’eux. L’une des règles les plus élémentaires que nous devrions respecter est très certainement « l’égalité de rémunération pour un travail égal » !

Selon des recherches récentes du FMI, l’élimination des disparités entre les sexes dans le cadre de la participation économique peut entraîner une augmentation du revenu par habitant. Celle-ci peut avoir d’importantes répercussions : les femmes tiennent les cordons de la bourse de la plupart des ménages du monde, et si elles dépensent davantage, la demande augmentera et stimulera la croissance économique.

Comment pouvons-nous favoriser la réussite professionnelle des femmes ? Il s’agit parfois de modifier la législation, par exemple pour faire en sorte que les lois portant sur les droits patrimoniaux et les droits de succession ne soient pas discriminatoires à l’égard des femmes. Il faut également que les politiques adoptées soient favorables à l’éducation et aux soins de santé, et qu’elles facilitent l’accès au crédit, de sorte que les femmes puissent atteindre une plus grande indépendance économique. C’est un domaine dans lequel le FMI s’efforce d’apporter sa contribution grâce à des analyses et au renforcement des capacités dans les pays membres.

Mais ce terrain de jeu n’est pas non plus équitable dans les pays riches. Ceux-ci ont encore besoin de plus de systèmes de congé pro-femmes, pro-famille ; de solutions abordables et de qualité pour la garde des enfants ; d’une fiscalité individuelle (plutôt que familiale) ; et de crédits d’impôt ou d’avantages fiscaux pour les travailleuses et travailleurs les moins bien rémunérées/és.

L’éducation et le travail sont donc essentiels. Le troisième « L » est le leadership : donner aux femmes la possibilité de se lever et d’exploiter leurs aptitudes innées et leur talent. Il reste beaucoup à faire dans ce domaine : par exemple, seuls 4 pour cent des PDG de la liste des 500 entreprises de Standard and Poor sont des femmes, et seulement un cinquième des parlementaires du monde entier.

Cette situation est d’autant plus ironique que quand les femmes sont au pouvoir, elles ont tendance à faire aussi bien que les hommes, sinon mieux. Une étude montre que les entreprises du classement Fortune 500 qui ont promu des femmes à des postes de cadre supérieur enregistrent des profits largement plus élevés que ceux de la moyenne des sociétés de leur secteur. En outre, les femmes sont moins susceptibles de prendre des risques irréfléchis comme ceux qui ont engendré la crise financière mondiale de 2008. Elles sont plus enclines à prendre des décisions fondées sur le consensus, l’inclusion et la compassion, et à viser la viabilité à long terme.

Il est vrai, et c’est compréhensible vu les préjugés auxquels elles se heurtent, que les femmes ont parfois moins d’assurance que de compétences. Mais elles doivent changer d’état d’esprit pour modifier le cours de l’histoire à leur avantage. Il est donc primordial que les femmes s’apprêtent à « oser la différence », à prendre des risques et à sortir de leur zone de confort.

Toutefois, même celles qui veulent vraiment réussir sont encore confrontées à des obstacles. J’en suis donc arrivée à considérer qu’il nous faut fixer des cibles et adopter des quotas pour les femmes et les hommes afin que les femmes prennent place à table, elles aussi. Nous devons choisir entre un changement forcé et l’enlisement dans la complaisance.

Que nous parlions d’offrir l’enseignement primaire aux filles d’un village ou d’engager des femmes à des postes de direction dans les entreprises, il est temps de créer un monde dans lequel toutes les femmes peuvent exprimer leur potentiel sans entraves ou parti pris. Le monde entier récoltera les fruits de ce changement. Et les trois L nous aideront à y arriver.

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Christine Lagarde-Photo FMI

Par Christine Lagarde

Après avoir été ministre responsable de différents portefeuilles économiques en France, notamment les finances et l'emploi, l'agriculture et la pêche, ainsi que le commerce, Christine Lagarde a été la première femme à devenir ministre des Finances d'un État du G8, et c'est la première femme qui dirige le Fonds monétaire international (FMI).

Le 21e siècle pose de nombreux défis qui nécessitent de nouvelles manières de penser, mais aucun n'est plus important que le rôle économique des femmes dans un monde en rapide mutation.

L'économie mondiale se débat pour engendrer la croissance qui offrira à toutes et tous une vie meilleure, et toutes et tous peuvent y contribuer, mais les femmes ne peuvent toujours pas contribuer à la croissance économique comme le leur permettrait leur véritable potentiel. Le coût de cette réalité est énorme : dans certains pays, le revenu par habitant reste très faible parce que les femmes ne bénéficient pas de l'égalité des chances. Les femmes représentent la moitié de la population mondiale, mais leur contribution à l'activité économique est largement inférieure à 50 pour cent. En effet, les mesures de l'activité économique font état d'un écart entre femmes et hommes qui va de 12 pour cent dans les pays de l'OCDE à 50 pour cent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Ce qu'il nous faut pour changer les choses, c'est un effort concerté en faveur de l'égalité des sexes, par ce que j'appelle les « 3 L » de l'autonomisation des femmes : learning, labour et leadership (l'apprentissage, le travail et le leadership).

Tout d'abord, l'apprentissage (learning) : l'éducation est le fondement même du changement. L'apprentissage permet aux femmes de se prendre en charge elles-mêmes et de briser les chaînes de l'exclusion. Nulle part au monde, l'éducation ne joue un rôle plus important que dans les pays en développement : d'après les estimations d'une étude de 60 pays, la perte économique annuelle imputable au fait que les filles ne bénéficient pas du même niveau d'éducation que les garçons atteint les 90 milliards de dollar des États-Unis. Une autre étude suggère qu’une année supplémentaire d’enseignement primaire accroît le revenu potentiel de 10 à 20 pour cent, et une année supplémentaire d’enseignement secondaire de 25 pour cent.

Il y a un proverbe africain qui dit : « Quand on éduque un garçon, on forme un homme. Quand on éduque une fille, on forme un village. » Non seulement c’est vrai, mais on peut le mesurer. Par exemple, une femme est beaucoup plus susceptible de consacrer ses revenus aux soins de santé et à l’éducation qu’un homme : elle y consacre jusqu’à 90 pour cent de ses revenus, contre seulement 30 à 40 pour cent pour un homme. Cette façon de faire a des répercussions sur l’ensemble de la société, au-delà des générations.

L’apprentissage n’est que la première étape à franchir, et le travail la deuxième : il permet aux femmes de s’épanouir et d’exprimer tout leur potentiel.

Toutefois, à l’heure actuelle, lorsque les femmes travaillent, elles doivent bien trop souvent se contenter d’emplois précaires, mal rémunérés et mal considérés, souvent dans le secteur non structuré dans le cas des pays en développement. Est-il donc surprenant que les femmes et les filles soient les principales victimes de l’extrême pauvreté ? Elles représentent 70 pour cent des milliards de personnes qui se battent pour survivre avec moins d’un dollar par jour. À l’échelle mondiale, les femmes ne gagnent que les trois quarts de ce que gagnent les hommes, et ce, même lorsqu’elles ont atteint le même niveau d’instruction et qu’elles occupent le même emploi qu’eux. L’une des règles les plus élémentaires que nous devrions respecter est très certainement « l’égalité de rémunération pour un travail égal » !

Selon des recherches récentes du FMI, l’élimination des disparités entre les sexes dans le cadre de la participation économique peut entraîner une augmentation du revenu par habitant. Celle-ci peut avoir d’importantes répercussions : les femmes tiennent les cordons de la bourse de la plupart des ménages du monde, et si elles dépensent davantage, la demande augmentera et stimulera la croissance économique.

Comment pouvons-nous favoriser la réussite professionnelle des femmes ? Il s’agit parfois de modifier la législation, par exemple pour faire en sorte que les lois portant sur les droits patrimoniaux et les droits de succession ne soient pas discriminatoires à l’égard des femmes. Il faut également que les politiques adoptées soient favorables à l’éducation et aux soins de santé, et qu’elles facilitent l’accès au crédit, de sorte que les femmes puissent atteindre une plus grande indépendance économique. C’est un domaine dans lequel le FMI s’efforce d’apporter sa contribution grâce à des analyses et au renforcement des capacités dans les pays membres.

Mais ce terrain de jeu n’est pas non plus équitable dans les pays riches. Ceux-ci ont encore besoin de plus de systèmes de congé pro-femmes, pro-famille ; de solutions abordables et de qualité pour la garde des enfants ; d’une fiscalité individuelle (plutôt que familiale) ; et de crédits d’impôt ou d’avantages fiscaux pour les travailleuses et travailleurs les moins bien rémunérées/és.

L’éducation et le travail sont donc essentiels. Le troisième « L » est le leadership : donner aux femmes la possibilité de se lever et d’exploiter leurs aptitudes innées et leur talent. Il reste beaucoup à faire dans ce domaine : par exemple, seuls 4 pour cent des PDG de la liste des 500 entreprises de Standard and Poor sont des femmes, et seulement un cinquième des parlementaires du monde entier.

Cette situation est d’autant plus ironique que quand les femmes sont au pouvoir, elles ont tendance à faire aussi bien que les hommes, sinon mieux. Une étude montre que les entreprises du classement Fortune 500 qui ont promu des femmes à des postes de cadre supérieur enregistrent des profits largement plus élevés que ceux de la moyenne des sociétés de leur secteur. En outre, les femmes sont moins susceptibles de prendre des risques irréfléchis comme ceux qui ont engendré la crise financière mondiale de 2008. Elles sont plus enclines à prendre des décisions fondées sur le consensus, l’inclusion et la compassion, et à viser la viabilité à long terme.

Il est vrai, et c’est compréhensible vu les préjugés auxquels elles se heurtent, que les femmes ont parfois moins d’assurance que de compétences. Mais elles doivent changer d’état d’esprit pour modifier le cours de l’histoire à leur avantage. Il est donc primordial que les femmes s’apprêtent à « oser la différence », à prendre des risques et à sortir de leur zone de confort.

Toutefois, même celles qui veulent vraiment réussir sont encore confrontées à des obstacles. J’en suis donc arrivée à considérer qu’il nous faut fixer des cibles et adopter des quotas pour les femmes et les hommes afin que les femmes prennent place à table, elles aussi. Nous devons choisir entre un changement forcé et l’enlisement dans la complaisance.

Que nous parlions d’offrir l’enseignement primaire aux filles d’un village ou d’engager des femmes à des postes de direction dans les entreprises, il est temps de créer un monde dans lequel toutes les femmes peuvent exprimer leur potentiel sans entraves ou parti pris. Le monde entier récoltera les fruits de ce changement. Et les trois L nous aideront à y arriver.

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