En 2006, pendant la période qui a précédé les élections législatives attendues depuis longtemps, Nadège Beauvil était volontaire au sein de la fondation Voix Essentielles - Femmes en Démocratie. Un samedi matin, la veille du scrutin, elle a reçu un appel la exigeant de se rendre à une réunion rassemblant 200 observatrices électorales.
Elle se souvient : « Je n’avais pas un sou en poche à l’époque, alors j’ai dû emprunter de l’argent à mon voisin pour payer le taxi ». À son arrivée, l’atmosphère était tendue. Des femmes volontaires, venues de différentes régions pour recevoir des kits d’observation électorale, élevaient la voix dans une cacophonie générale. Elles étaient en colère, car la « compensation financière » — l’argent de subsistance prévu pour couvrir les frais de transport et de nourriture — était inférieure à ce qui avait été annoncé. Elles voulaient repartir.
« J’ai pris le temps d’écouter chacune d’entre elles », raconte Mme Beauvil. « J’ai dû faire appel à leur cœur et à leur solidarité. J’ai fait montre de compassion pour le temps qu’elles avaient dû trouver pour venir, je les ai écoutées, je les ai calmées. Je leur ai dit que je connaissais très bien ce qu’elles ressentaient. Je leur ai même montré mes poches vides et je leur ai dit que j’avais dû emprunter de l’argent à mon voisin rien que pour venir les rencontrer ».
Des rires ont fusé et la glace s’est brisée. Finalement, elles ont observé le lendemain le déroulement des élections comme prévu.
Neuf ans plus tard, cette fois avec ONU Femmes, Mme Beauvil a l’impression de revivre la même scène.
En 2015, Haïti arrive dernière (185e) au classement mondial des femmes en politique établi par l’Union interparlementaire : aucune femme ne siège dans l’une ou l’autre des chambres du parlement. Les femmes haïtiennes sont également nettement moins nombreuses à voter.
Dans le cadre de son poste de spécialiste des programmes pour ONU Femmes, Mme Beauvil essayait de changer le scénario, gérant un projet destiné à encourager les femmes à voter lors d’élections parlementaires dues de longue date. Le dimanche 2 août 2015, tout juste une semaine avant l’élection, elle avait beaucoup travaillé depuis 6 heures du matin. Avec l’aide de son mari, ses 5 enfants étant confiés à une baby-sitter, elle s’affairait à trier du matériel de sensibilisation et à en remplir des cartons à apporter lors des séances de formation lorsqu’elle a reçu un coup de fil d’une représentante de l’une des organisations locales qui avaient été mises à contribution pour une campagne de sensibilisation au vote des femmes. Elle était furieuse. Le projet a démarré à peine 4 semaines avant l’élection, ce qui laissait peu de temps pour effectuer les décaissements de fonds pour les activités sur le terrain et obtenir les résultats escomptés.
« Une fois la date des élections confirmée, nous avons dû nous battre pour obtenir les fonds, car le plan électoral officiel n’avait pas prévu de financement spécifique pour la participation politique des femmes », a expliqué Mme Beauvil. Le projet avait finalement été approuvé, mais certains des financements pourraient bien ne pas être versés avant la fin des élections. Et les groupes de femmes, affaiblis par le séisme du 2010, ne disposaient pas de fonds propres sur lesquels s’appuyer.
« Notre bureau est à Port-au-Prince et notre projet portait sur les 10 départements du pays, et donc nous avions vraiment besoin de l’aide des organisations de femmes », dit-elle.
Le travail de Mme Beauvil, consiste, pour une grande part, à maintenir une collaboration étroite avec la société civile et les groupes de femmes sur les différents projets ; leur engagement et leur motivation sont essentiels dans de telles circonstances.
« Ce n’est pas évident de demander à des femmes sans le moindre sou de se débrouiller et trouver des solutions » explique-t-elle, ajoutant que la confiance mutuelle entre les deux organisations, renforcée par le travail commun sur d’autres projets, a beaucoup contribué à détendre la situation.
« Je lui ai dit combien nous avions besoin d’elles, et même si nous devons parfois travailler tout un week-end, nous le faisons toutes, car nous sommes à ce point attachées à cette cause — notre cause — l’autonomisation des femmes ! »
Finalement, son interlocutrice s’est calmée et elle a confirmé le soutien de son organisation.
Toutefois, pour Mme Beauvil, la journée de travail était loin d’être terminée. « Nous avions tellement de choses à faire, et en si peu de temps. C’était presque une mission impossible. Mais j’ai gardé la foi. J’ai dit à mon équipe : nous allons y arriver ! », raconte-t-elle.
Elle a passé tout son weekend à empaqueter et à charger dans des camions des boîtes de matériel tel que des T-shirts avec des slogans sur l’importance du vote des femmes à destination de l’ensemble des régions. « Finalement, tout cela a vraiment valu la peine. Nous avons fait tout ce que nous avions prévu à temps, les fonds ont été distribués aux partenaires sur le terrain, et certaines des femmes qui pensaient que c’était une « mission impossible » se sont réjouies de notre succès ».
Le parlement haïtien a officiellement pris ses fonctions en début de 2016 et ONU Femmes contribue, en collaboration avec les parlementaires de la commission de la Condition féminine de la chambre basse, à un programme visant à intégrer les voix des femmes et les questions de genre. ONU Femmes travaille également avec l’institution nationale de promotion de la femme et d’autres institutions afin de sensibiliser le public à la Stratégie et au Plan d’action national en faveur de l’égalité entre les sexes, lancés le 6 mars 2015 après plus de 3 ans de lobbying et de contributions de la part d’ONU Femmes, principalement avec l’appui du gouvernement du Canada.
Les partenaires de la société civile continuent de jouer un rôle actif dans de nombreux projets pour assurer que les droits des femmes soient une réalité.
Source: ONU Femmes
En 2006, pendant la période qui a précédé les élections législatives attendues depuis longtemps, Nadège Beauvil était volontaire au sein de la fondation Voix Essentielles - Femmes en Démocratie. Un samedi matin, la veille du scrutin, elle a reçu un appel la exigeant de se rendre à une réunion rassemblant 200 observatrices électorales.
Elle se souvient : « Je n’avais pas un sou en poche à l’époque, alors j’ai dû emprunter de l’argent à mon voisin pour payer le taxi ». À son arrivée, l’atmosphère était tendue. Des femmes volontaires, venues de différentes régions pour recevoir des kits d’observation électorale, élevaient la voix dans une cacophonie générale. Elles étaient en colère, car la « compensation financière » — l’argent de subsistance prévu pour couvrir les frais de transport et de nourriture — était inférieure à ce qui avait été annoncé. Elles voulaient repartir.
« J’ai pris le temps d’écouter chacune d’entre elles », raconte Mme Beauvil. « J’ai dû faire appel à leur cœur et à leur solidarité. J’ai fait montre de compassion pour le temps qu’elles avaient dû trouver pour venir, je les ai écoutées, je les ai calmées. Je leur ai dit que je connaissais très bien ce qu’elles ressentaient. Je leur ai même montré mes poches vides et je leur ai dit que j’avais dû emprunter de l’argent à mon voisin rien que pour venir les rencontrer ».
Des rires ont fusé et la glace s’est brisée. Finalement, elles ont observé le lendemain le déroulement des élections comme prévu.
Neuf ans plus tard, cette fois avec ONU Femmes, Mme Beauvil a l’impression de revivre la même scène.
En 2015, Haïti arrive dernière (185e) au classement mondial des femmes en politique établi par l’Union interparlementaire : aucune femme ne siège dans l’une ou l’autre des chambres du parlement. Les femmes haïtiennes sont également nettement moins nombreuses à voter.
Dans le cadre de son poste de spécialiste des programmes pour ONU Femmes, Mme Beauvil essayait de changer le scénario, gérant un projet destiné à encourager les femmes à voter lors d’élections parlementaires dues de longue date. Le dimanche 2 août 2015, tout juste une semaine avant l’élection, elle avait beaucoup travaillé depuis 6 heures du matin. Avec l’aide de son mari, ses 5 enfants étant confiés à une baby-sitter, elle s’affairait à trier du matériel de sensibilisation et à en remplir des cartons à apporter lors des séances de formation lorsqu’elle a reçu un coup de fil d’une représentante de l’une des organisations locales qui avaient été mises à contribution pour une campagne de sensibilisation au vote des femmes. Elle était furieuse. Le projet a démarré à peine 4 semaines avant l’élection, ce qui laissait peu de temps pour effectuer les décaissements de fonds pour les activités sur le terrain et obtenir les résultats escomptés.
« Une fois la date des élections confirmée, nous avons dû nous battre pour obtenir les fonds, car le plan électoral officiel n’avait pas prévu de financement spécifique pour la participation politique des femmes », a expliqué Mme Beauvil. Le projet avait finalement été approuvé, mais certains des financements pourraient bien ne pas être versés avant la fin des élections. Et les groupes de femmes, affaiblis par le séisme du 2010, ne disposaient pas de fonds propres sur lesquels s’appuyer.
« Notre bureau est à Port-au-Prince et notre projet portait sur les 10 départements du pays, et donc nous avions vraiment besoin de l’aide des organisations de femmes », dit-elle.
Le travail de Mme Beauvil, consiste, pour une grande part, à maintenir une collaboration étroite avec la société civile et les groupes de femmes sur les différents projets ; leur engagement et leur motivation sont essentiels dans de telles circonstances.
« Ce n’est pas évident de demander à des femmes sans le moindre sou de se débrouiller et trouver des solutions » explique-t-elle, ajoutant que la confiance mutuelle entre les deux organisations, renforcée par le travail commun sur d’autres projets, a beaucoup contribué à détendre la situation.
« Je lui ai dit combien nous avions besoin d’elles, et même si nous devons parfois travailler tout un week-end, nous le faisons toutes, car nous sommes à ce point attachées à cette cause — notre cause — l’autonomisation des femmes ! »
Finalement, son interlocutrice s’est calmée et elle a confirmé le soutien de son organisation.
Toutefois, pour Mme Beauvil, la journée de travail était loin d’être terminée. « Nous avions tellement de choses à faire, et en si peu de temps. C’était presque une mission impossible. Mais j’ai gardé la foi. J’ai dit à mon équipe : nous allons y arriver ! », raconte-t-elle.
Elle a passé tout son weekend à empaqueter et à charger dans des camions des boîtes de matériel tel que des T-shirts avec des slogans sur l’importance du vote des femmes à destination de l’ensemble des régions. « Finalement, tout cela a vraiment valu la peine. Nous avons fait tout ce que nous avions prévu à temps, les fonds ont été distribués aux partenaires sur le terrain, et certaines des femmes qui pensaient que c’était une « mission impossible » se sont réjouies de notre succès ».
Le parlement haïtien a officiellement pris ses fonctions en début de 2016 et ONU Femmes contribue, en collaboration avec les parlementaires de la commission de la Condition féminine de la chambre basse, à un programme visant à intégrer les voix des femmes et les questions de genre. ONU Femmes travaille également avec l’institution nationale de promotion de la femme et d’autres institutions afin de sensibiliser le public à la Stratégie et au Plan d’action national en faveur de l’égalité entre les sexes, lancés le 6 mars 2015 après plus de 3 ans de lobbying et de contributions de la part d’ONU Femmes, principalement avec l’appui du gouvernement du Canada.
Les partenaires de la société civile continuent de jouer un rôle actif dans de nombreux projets pour assurer que les droits des femmes soient une réalité.
Source: ONU Femmes