Pour promouvoir la participation politique des femmes, pourquoi certains pays optent-ils pour le quota ou la parité ?
Source : Genre en Action
Ecrit par Massan d’ALMEIDA
En raison de la lenteur avec laquelle le nombre de femmes augmente en politique, les femmes réclament de plus en plus des méthodes efficaces pour améliorer leur représentation. Le quota et la parité représentent deux de ces mécanismes.
INTRODUCTION
L’introduction de quotas pour les femmes permet un bond qualitatif vers une politique dont les visées et les moyens sont équitables. C’est un moyen efficace qui permet d’envisager un accroissement substantiel de la représentation des femmes. Quels sont les arguments en faveur de cette méthode et les arguments contre ? De quelle manière mettre les quotas en pratique ? Quelles leçons peut-on tirer de l’expérience des pays qui ont mis en place un système de quotas ? Nous allons essayer à travers cette
communication d’apporter des éclaircissements sur ces questions sujettes à de fréquents débats. (1)
I/ QU’EST-CE QU’UN QUOTA ?
Le quota selon le dictionnaire est un pourcentage ou un contingent (limite quantitative fixée par une autorité publique pour l’exerciced’un droit ou la participation à une charge) déterminé imposé ou autorisé. (2)
Le principe du quota de femmes repose sur l’idée que les femmes doivent être présentes, selon un certain pourcentage, dans les divers organes de l’État, que ce soit sur les listes de candidatures, dans les assemblées parlementaires, les commissions ou le gouvernement. Avec le système du quota, ce ne sont pas les femmes elles-mêmes qui ont la charge du recrutement, mais les responsables du processus de recrutement.
L’objectif fondamental d’un quota est de recruter des femmes aux postes politiques, de manière à assurer leur présence effective dans la vie politique.
L’ancienne technique de « sièges réservés », s’adressant à une ou quelques femmes et considérant ces dernières comme une catégorie vague et indistincte est désormais considérée comme obsolète. Aujourd’hui, le quota vise à assurer une présence de 30 à 40% de femmes, constituant une « minorité critique » minimale. Le quota est en général appliqué en tant que mesure temporaire, c’est-à-dire jusqu’à ce que toutes les barrières empêchant l’entrée des femmes en politique soient tombées.
La plupart des quotas visent à augmenter la présence des femmes dans l’arène politique, parce que le problème habituellement posé est précisément leur sous-représentation. Le quota peut exiger, par exemple que 40% des membres d’une institution soient des femmes. Le quota peut également être conçu de manière neutre, c’est-à-dire qu’il peut exprimer la volonté de corriger toute sous-représentation qu’elle soit des hommes ou des femmes. Dans ce cas le texte sera formulé de la manière suivante : les hommes et les femmes doivent représenter chacun au moins 40% des membres, ou encore : aucun des deux sexes n’occupera plus de 60% (ou moins de 40%) des sièges.
Les quotas peuvent aussi être utilisés pour aider les hommes à intégrer certains secteurs où les femmes sont très présentes ; c’est le cas du travail social, par exemple. Pourtant même dans ce secteur majoritairement féminin, il faut bien reconnaître que les postes de direction sont occupés par des hommes. C’est pourquoi les quotas en faveur des hommes se limitent en général au domaine de l’enseignement et aux premiers échelons de carrière. On ne rencontre que de rares exemples de quotas qui ont facilité le recrutement d’hommes en politique. (1) Dans le cadre de cette communication, nous nous intéresserons essentiellement aux quotas de femmes.
II/ L’IDEE DE PARITE
La parité peut être définie comme l’égalité quantitative garantie pour l’accès à certaines fonctions électives. Le concept, qui se présente comme une « demande d’égalité » et comme « la reconnaissance d’une altérité socialement construite » (3), permet d’échapper au dilemme classique que soulève la citoyenneté des femmes en démocratie : choisir entre l’égalité et la prise en compte de la différence sexuelle. Il a
obligé à repenser le contenu de l’universalisme abstrait et à analyser autrement la question de la représentation politique des femmes.
La parité équivaut-elle à un quota ? Non, répondent ceux qui soulignent que la philosophie sous-jacente à la parité (l’égalité parfaite) est différente de celle des quotas (qui est un seuil, et à ce titre considéré comme discriminatoire). « La parité ce n’est pas 50%-50%, écrit Eliane Vogel-Polsky. On exige la parité au nom de l’égalité de statut, et non pas au nom de la représentation d’une minorité » (4). La parité, en outre, a été votée à titre définitif, alors que le quota est, en principe, une mesure transitoire. Cependant, l´exemple de la loi française sur la parité a été utilisé dans les débats en faveur des quotas comme un modèle pour accroître de façon immédiate le nombre de
femmes élues. (1)
D’abord mise en avant par le Conseil de l’Europe, l’idée de parité a surgi à la fin de la décennie 1980 (5) ; puis elle a été portée, en France, par des intellectuelles et des mouvements de femmes, qui ont fait pression sur les pouvoirs publics au début des années 90. La conversion des féministes au réformisme juridique a été accélérée par
l’analyse de certaines intellectuelles. La parution en 1992 de l’ouvrage, Au pouvoir citoyennes ! Liberté, Egalité, Parité (6) a contribué à populariser l’idée, renchérie en 1996 par Francine Demichel qui a démontré avec force dans le Recueil Dalloz que la femme, parce que juridiquement « impensée et invisible », est le sexe mineur de la
théorie juridique. Elle conclut que le sexe doit être intégré dans la théorie de la représentation, via précisément la parité. Promue par les intellectuelles, la revendication paritaire l’a également été par les femmes politiques. Et en juin 1996, dix anciennes ministres, de toutes tendances politiques, ont publié dans le magazine L’Express un manifeste en faveur de la parité, qui va avoir un impact important sur l’issue du
débat. Reprise peu à peu par les acteurs politiques, de gauche comme de droite, la parité est devenue un enjeu majeur au cours des campagnes présidentielle de 1995 et législative de 1997. Dans un contexte de crise de la représentation, l’idée se répand qu’une démocratie sans les femmes est dévoyée. Les sondages révèlent par ailleurs que l’opinion aspire à voir ses élites se renouveler en se féminisant (7). L’alternance, qui a porté la gauche au pouvoir en juin 1997, a précipité les réformes, puisque, le leader socialiste (Lionel Jospin) avait fait du renouveau des institutions politiques (parité et limitation du cumul des mandats) un thème central de campagne.
En France, le débat sur la parité a suscité de violentes controverses sur les principes fondateurs de la République, qui ont traversé les frontières gauche-droite et divisé entre elles les féministes. Dans le camp des « anti », les Républicains orthodoxes considèrent que la parité porterait atteinte à l’universalisme parce qu’elle est une approche catégorielle de la citoyenneté. Dans le camp des « pro », se trouvent
ceux qui soulignent les limites de l’égalitarisme formel et dénient tout caractère démocratique à une démocratie sans les femmes. Le vote des réformes est venu clore la polémique, et la parité fait désormais consensus, dans l’opinion comme chez les acteurs politiques. Elle vise à favoriser un égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Elle oblige les partis à présenter, dans
tous les scrutins de liste, 50% de candidats de chaque sexe (à une unité près), faute de quoi les listes sont déclarées irrecevables.
En conclusion, la parité est une mesure très efficace pour féminiser les assemblées élues au scrutin de liste, pour lequel la sanction appliquée est le rejet de la liste qui ne respecte pas la parité. Mais alors que la parité est considérée comme une mesure définitive, un idéal à atteindre, dans la plupart des pays où l’écart entre les femmes
et les hommes en politique s’est considérablement creusé au détriment des femmes, le quota peut, lui, être considéré comme une mesure transitoire/temporaire vers la réalisation de cet idéal.
III/ QUOTA : ARGUMENTS FAVORABLES OU DEFAVORABLES
Un certain nombre d’arguments sont avancés pour ou contre les quotas
comme moyens d’améliorer la présence des femmes.
3.1. Arguments favorables
• Les quotas de femmes ne sont pas discriminatoires, ils servent à compenser les handicaps qui ôtent aux femmes la part des sièges qui leur revient ;
• les quotas impliquent la présence de plusieurs femmes dans un organe donné, réduisant ainsi la pression exercée sur une femme si elle était seule ;
• les femmes ont droit, en tant que citoyennes, à une représentation équitable (citons également l’argument, utilisé par les féministes françaises notamment, selon lequel tout quota différent de 50% n’est pas justifiable car les femmes constituent la moitié de l’humanité) ;
• l’expérience des femmes est nécessaire dans la vie politique ;
• les femmes sont tout aussi qualifiées que les hommes, mais leurs qualifications ne sont pas prises en compte ou sont discréditées par le système car il est à domination masculine ;
• ce sont finalement les partis politiques plutôt que les électeurs qui décident de ceux qui seront élus, parce qu’ils ont la nomination des candidats entre leurs mains ;
• l’introduction de quotas peut créer des conflits, certes, mais ils sont temporaires.
3.2. Arguments défavorables
• Les quotas sont contraires au principe d’égalité des chances pour tous, puisque les femmes sont avantagées ;
• les quotas ne sont pas démocratiques, car les électeurs doivent être ceux qui décident des élections ;
• les quotas impliquent que le sexe intervient plutôt que les qualifications dans la dévolution du pouvoir politique et qu’ainsi certains des candidats les plus compétents peuvent être écartés ;
• certaines femmes ne veulent pas être élues simplement parce qu’elles sont des femmes et le quota féminin serait une façon de leur forcer la main ;
• l’introduction de quotas est créatrice de graves conflits au sein même des partis.
IV/ LES QUOTAS DANS LE MONDE
Les quotas de femmes ont pour objet de donner à ces dernières plus de pouvoir. Cependant introduire des quotas alors que la résistance est sévère, comme ce fut le cas en Scandinavie, signifie que les femmes ont déjà acquis un certain pouvoir.
Le système de quotas peut revêtir différentes formes pour amener les femmes au parlement (8). Nous examinerons en détail dans les paragraphes qui suivent les deux principales :
• les quotas imposés par la constitution ou par la loi, et
• les quotas imposés au sein des partis, en particulier dans les systèmes des pays nordiques.
Souvent le débat se focalise sur l’introduction de quotas elle-même. Cependant, nous n’insisterons ici que sur le processus d’application de ces quotas. La mise en pratique a trop souvent été négligée alors qu’elle exerce une influence cruciale sur les résultats. Dans le pire des cas, il peut arriver qu’après de violents débats les quotas soient imposés, mais que cette décision n’entraîne aucun résultat faute de mesures d’application adéquates.
4.1. Les quotas inscrits dans la constitution ou dans la loi
Les pays où les quotas de femmes ont été inscrits dans la constitution ou dans la loi sont les suivants :
• En Ouganda, la Constitution de 1995 réserve un siège aux femmes dans chacune des 39 circonscriptions, ceci a permis une augmentation de 13% de la représentation féminine en politique. Par ailleurs, d’autres femmes peuvent être élues au parlement aux sièges non réservés.
• Dans les années 90, dix pays d’Amérique latine, ont passé une loi exigeant une présence minimale de 20 à 40% de femmes aux élections nationales. L’Argentine a été le premier pays à introduire un quota et figure parmi ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats. Des sanctions pour non-application de la loi ainsi que la suppression du panachage sur les listes électorales ont contribué à une augmentation substantielle de
la représentation des femmes.
• En Inde, le 74e amendement requiert que 33% des sièges soient réservés aux femmes dans les conseils municipaux. Le mouvement des femmes indiennes s’est aussitôt empressé de mobiliser et de former des candidates. Ce système de sièges réservés, comme celui des quotas, est très souvent évoqué et controversé dans la vie politique indienne. (9)
• Au Népal, la Constitution et la loi électorale exigent que 5% des candidats de chaque parti ou organisation soient des femmes. Mais la plupart des femmes sont désignées dans des circonscriptions où leur parti a peu de chance d’obtenir la majorité.
• Parmi les autres pays qui ont imposé une certaine représentation des femmes, on peut citer le Bangladesh (30 sièges sur 330, soit 9%), l’Érythrée (10 sièges sur 105), la Tanzanie (20% de sièges dans les organes nationaux et 25% au niveau local), la Namibie, la Belgique et l’Italie. (10)
• En France, en 1999, un amendement constitutionnel imposant l’égalité entre les hommes et les femmes dans les élections exige que 50% des candidats soient des femmes. Les partis qui ne respectent pas cette disposition sont pénalisés. (11)
4.2. Quelle a été l’expérience de ces quotas dans les divers pays ?
Il apparaît de manière évidente, qu’il est plus facile d’imposer un quota de femmes lorsque d’autres quotas, professionnels ou ethniques, par exemple, sont déjà en vigueur. Dans un grand nombre de pays on trouve un système de quotas régionaux selon lequel les sièges sont distribués aux diverses régions, non pas en fonction de la population, mais pour favoriser certaines régions par rapport à d’autres.
L’histoire semble prouver que la mise en place d’un système de quotas est plus aisée dans un régime politique neuf que dans un régime établi depuis longtemps où les sièges sont déjà « occupés » et où, en conséquence, un conflit peut éclater entre les nouveaux groupes et ceux des titulaires des sièges. Il est, en général, moins compliqué
d’appliquer des quotas pour les postes nommés que pour les postes élus.
Pour une élection, le système de quota touche au fondement même du processus démocratique et peut paraître contrevenir au principe selon lequel il revient aux électeurs de choisir librement leurs représentants. Cependant, la désignation est le stade crucial du processus électoral, et ce sont les partis qui, bien que soumis à
l’influence des électeurs, restent les détenteurs de cette décision.
On parle plutôt communément de « sièges réservés » lorsque la décision appartient aux instances nationales. Mais, en réalité, il n’y a pas de distinction claire entre un système de quota et celui de « sièges réservés » puisque des sièges distribués centralement peuvent être soumis à une forme d’élection comme c’est le cas en Ouganda ou comme ce fut celui des parlements des anciens pays communistes européens.
Les opposants au principe des sièges réservés se fondent sur le fait que ce système empêche toute augmentation de la représentation des femmes au-delà du nombre fixé. Est-ce que le système de quota empêche toute nouvelle augmentation de la représentation féminine et bloque tout recrutement supplémentaire de femmes au-delà du quota ? Ceci ne semble pas être un problème actuellement, du moins pas encore. Il est probable que des quotas inférieurs ou égaux à un tiers freinent l’accroissement
de la représentation féminine.
Un quota qui se situerait dans une fourchette de 40% minimum à 60% maximum peut empêcher une représentation féminine plus importante qui permettrait aux femmes de dominer une assemblée, comme les hommes ont si bien su le faire dans l’Histoire et comme ils le font encore dans la plupart des parlements du monde. Cependant, il faut remarquer qu’aucune organisation féminine n’a exigé jusqu’alors plus de 50% des sièges pour les femmes.
Il est aussi intéressant de noter que certains gouvernements, dans des États arabes en particulier, utilisent en fait le système de quota à leur avantage. En faisant entrer un plus grand nombre de femmes soigneusement choisies, les gouvernements remplissent un double objectif : bénéficier de la présence de femmes alibis « contrôlables », tout en prétendant favoriser la promotion de la participation des femmes à la politique. (1)
4.3. Les quotas décidés par les partis politiques : les pays nordiques
Les pays scandinaves, le Danemark, la Norvège et la Suède, sont reconnus pour avoir un très haut pourcentage de femmes en politique. Les pays nordiques ont le taux de représentation féminine le plus élevé du monde. Il a commencé à augmenter depuis une quarantaine d’années. En 2002, les femmes représentent plus de 42% des membres du Parlement en Suède, 38% au Danemark et 36% en Norvège.
Cette augmentation de la représentation féminine n’est pas passée par un amendement constitutionnel ni par un texte obligatoire quelconque. Elle doit être attribuée en grande partie à la pression soutenue que les groupes de femmes ont exercée à l’intérieur des partis et à celle du mouvement féministe en général. Les femmes se sont mobilisées et ont organisé une campagne en faveur de l’augmentation du nombre de candidates, et de candidates en position éligibles sur les listes électorales.
Cette pression s’est exercée sur tous les partis politiques scandinaves. Certains ont répondu par l’adoption du système de quotas, mais, dans trois pays scandinaves, il s’agit d’une décision prise par les partis et applicable aux partis eux-mêmes.
En 1983, le Parti travailliste norvégien décida que « chaque sexe doit être représenté par 40% au moins des candidats à toutes les élections ».
En 1988, le Parti social démocrate danois prit la décision suivante : «Chaque sexe a droit d’être représenté par 40% des candidats sociaux-démocrates aux élections municipales et régionales. Au cas où les représentants d’un des deux sexes ne seraient pas assez nombreux, des exceptions à cette règle pourraient être admises. » [Cette décision, qui s’appliquait également aux organes du parti, fut abolie en 1996.]
Malheureusement, cette tolérance annule le caractère obligatoire de la règle et, par conséquent, peut devenir une excuse pour le parti qui n’aura fait assez d’effort pour réunir un nombre suffisant de femmes.
Un règlement ne se suffit pas à lui-même. Un système de quota n’atteint généralement son objectif qu’en fonction des procédures d’application. Si ces dernières ne font pas l’objet d’une volonté politique établie, tout quota, qu’il soit de 30, de 40 ou de 50% restera vain. Le quota doit, dès le début, être intégré dans le processus de sélection et de désignation. Si le quota ne s’applique qu’à la dernière étape du processus, il est généralement fort difficile de le mettre en pratique. L’introduction de quotas de femmes dans les institutions scandinaves a rencontré deux difficultés principales. Premièrement, il a parfois été difficile de trouver un nombre suffisant de femmes disposées à se porter
candidates aux élections. Deuxièmement, des problèmes ont surgi dès qu’un parti devait écarter le candidat sortant parce qu’il fallait imposer la candidature d’une femme. Dans ces conditions, seuls les sièges où l’ancien député ne se représentait pas offraient une chance réelle aux femmes. Mais comme il fallait obtenir un nombre suffisant de retraits, de vifs conflits ont surgi entre les instances centrales du parti et les sections locales.
En ce qui concerne le premier problème, s’il est vrai que quelques difficultés ont été enregistrées ici ou là, ceci ne fut en rien généralisé et resta le fait de certains partis. L’expérience des dernières décennies prouve qu’il n’est pas difficile de recruter des
femmes qui ont déjà une expérience de la politique pour remplir de hautes responsabilités. C’est au premier niveau que se situe le véritable problème.
L’avantage du système de quotas réside dans le fait qu’il force les dirigeants chargés des désignations, particulièrement dans les partis politiques, à s’engager dans un processus actif de recrutement. En procédant de la sorte, ils sont amenés à s’intéresser aux conditions sociales et culturelles dans lesquelles s’exerce la politique ; c’est
l’occasion de chercher comment rendre la participation politique plus facile pour les femmes. Car aucun quota ne peut réduire la difficulté de combiner une triple activité : professionnelle, familiale et politique, ce qui est particulièrement compliqué pour les femmes.
Quant au second point, il est vrai que dans la plupart des systèmes politiques, le candidat sortant a un plus grand avantage que tout nouvel arrivant. La meilleure chance d’être désigné par un parti et d’être élu appartient à celui qui avait le siège auparavant. Par conséquent, plus le nombre de renouvellements de mandats est grand, plus il est difficile d’appliquer le système de quotas, puisque pour chaque femme à qui il convient de donner l’investiture, il faudra retirer celle-ci à un candidat sortant.
EN RESUME
1. Le système de quotas a pour objectif d’augmenter sensiblement la représentation politique des femmes ou, selon une autre approche, celle du sexe sous-représenté.
2. Pour qu’un système de quota porte ses fruits, il faut :
• Que les partis politiques s’impliquent activement dans le recrutement d’un nombre suffisant de femmes qualifiées pour satisfaire le quota ;
• une masse critique de femmes, et non pas quelques membres alibis, qui soit suffisante pour exercer une influence sur la règle et le comportement politiques ;
• des femmes dont la force de persuasion personnelle ou la position féministe spécifique peut influencer le processus de décision.
3. Le simple vote d’un règlement qui assure aux femmes un pourcentage de sièges n’est pas suffisant. L’étape suivante concernant l’application est critique. Pour mettre le quota en pratique, il ne faut pas oublier que :
• Plus le texte du règlement est vague, plus grand est le risque d’une mauvaise application, un quota peut avoir été décidé sans pour autant que le nombre de femmes augmente ;
• la pression des organisations féminines et d’associations diverses est nécessaire pour obtenir des résultats satisfaisants ;
• des sanctions doivent être prévues en cas de non-observation des exigences de quotas.
4. Contrairement à ce que de nombreux tenants des quotas pensaient ou espéraient, les controverses au sujet du quota de femmes ne sont pas temporaires, il s’agit d’une question qu’il faut continuer à surveiller en permanence. (1)
CONCLUSION
La VIè Conférence régionale africaine sur les femmes propose de veiller à l’application de la recommandation du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) qui stipule : « les gouvernements doivent garantir la représentation féminine dans les secteurs public, politique et privé et tant que l’écart entre homme et femmes n’est pas résorbé de façon équitable, le concept de système de quotas doit être adopté et maintenu ». La revendication de la parité peut réveiller ici ou là la proposition d’instaurer des quotas pour accélérer l’entrée des femmes dans la vie politique.
S’il est ainsi indispensable de ne pas perdre de vue l’importance de poser les jalons d’une promotion réelle et durable de la femme en politique, on peut être favorable à des quotas de fait. Cependant, il semble plus difficile de s’accorder sur les quotas de droit notamment dans les pays francophones. Il revient aux partis politiques de prendre
les dispositions nécessaires pour accorder une place de choix, en position éligible, aux femmes qui souhaitent se porter candidates. L’idée d’un financement public des partis politiques en fonction de la place accordée aux femmes est une autre stratégie avancée à cet effet.
L’adoption, à l’instar de la France, du système de parité constitue une des solutions possibles qui permettrait une réelle amélioration de la représentation des femmes. Une telle mesure permettrait l’investiture systématique et en bonne position des femmes sur les listes de candidatures des partis politiques. Mais encore faut-il qu’une telle disposition ne soit pas perçue comme une simple imitation systématique du modèle français et que la présence qualitative et quantitative des femmes dans les institutions démocratiques se matérialise par une amélioration des conditions de vie des populations, de la manière de gérer la chose publique et d’exercer le pouvoir.
NOTES
1. International IDEA, 2002, Les Femmes au Parlement : Au-delà du Nombre
2. Dictionnaire Petit Robert Grand Format
3. Françoise Gaspard, 1994, « De la parité : genèse d’un concept,
naissance d’un mouvement », Nouvelles Questions Féministes. Vol. 15, n°
4. p. 31.
4. Eliane Vogel-Polsky, 1994, « Les impasses de l’égalité ou pourquoi
les outils juridiques visant à l’égalité des femmes et des hommes
doivent être repensés en terme de parité ». Parité-Infos. hors série.
n°1. p. 9.
5. Le Conseil de l’Europe a organisé en 1989 un séminaire sur la
démocratie paritaire.
6. Françoise Gaspard, Servan-Schreiber, Claude et Anne Le Gall, 1992, Au
pouvoir citoyennes ! Liberté, Egalité, Parité. Paris (France) : Seuil
7. D’après un sondage IPSOS (Journal du Dimanche du 22 juin 1997), 80%
des personnes interrogées disent approuver l’inscription dans la
Constitution de l’objectif de parité hommes/femmes.
8. Vous trouverez une étude complète du système des quotas dans
Reynolds, A. et Reilly, Ben, 1997, Manuel sur les systèmes électoraux
dans le monde, International IDEA
9. RAI, Shirin, 2002, « Classe, Caste et sexe – Les Femmes au parlement
indien » in Les Femmes au Parlement : Au-delà du Nombre, International IDEA
10. Union interparlementaire, 1995, Les femmes au parlement : 1945-1995,
Genève (Suisse)
11. Conseil de l’Europe, « Actions en faveur de l’égalité des hommes et
des femmes », EG-S-PA (2 000) 7. p. 81.
Source : Genre en Action
Ecrit par Massan d’ALMEIDA
En raison de la lenteur avec laquelle le nombre de femmes augmente en politique, les femmes réclament de plus en plus des méthodes efficaces pour améliorer leur représentation. Le quota et la parité représentent deux de ces mécanismes.
INTRODUCTION
L’introduction de quotas pour les femmes permet un bond qualitatif vers une politique dont les visées et les moyens sont équitables. C’est un moyen efficace qui permet d’envisager un accroissement substantiel de la représentation des femmes. Quels sont les arguments en faveur de cette méthode et les arguments contre ? De quelle manière mettre les quotas en pratique ? Quelles leçons peut-on tirer de l’expérience des pays qui ont mis en place un système de quotas ? Nous allons essayer à travers cette
communication d’apporter des éclaircissements sur ces questions sujettes à de fréquents débats. (1)
I/ QU’EST-CE QU’UN QUOTA ?
Le quota selon le dictionnaire est un pourcentage ou un contingent (limite quantitative fixée par une autorité publique pour l’exerciced’un droit ou la participation à une charge) déterminé imposé ou autorisé. (2)
Le principe du quota de femmes repose sur l’idée que les femmes doivent être présentes, selon un certain pourcentage, dans les divers organes de l’État, que ce soit sur les listes de candidatures, dans les assemblées parlementaires, les commissions ou le gouvernement. Avec le système du quota, ce ne sont pas les femmes elles-mêmes qui ont la charge du recrutement, mais les responsables du processus de recrutement.
L’objectif fondamental d’un quota est de recruter des femmes aux postes politiques, de manière à assurer leur présence effective dans la vie politique.
L’ancienne technique de « sièges réservés », s’adressant à une ou quelques femmes et considérant ces dernières comme une catégorie vague et indistincte est désormais considérée comme obsolète. Aujourd’hui, le quota vise à assurer une présence de 30 à 40% de femmes, constituant une « minorité critique » minimale. Le quota est en général appliqué en tant que mesure temporaire, c’est-à-dire jusqu’à ce que toutes les barrières empêchant l’entrée des femmes en politique soient tombées.
La plupart des quotas visent à augmenter la présence des femmes dans l’arène politique, parce que le problème habituellement posé est précisément leur sous-représentation. Le quota peut exiger, par exemple que 40% des membres d’une institution soient des femmes. Le quota peut également être conçu de manière neutre, c’est-à-dire qu’il peut exprimer la volonté de corriger toute sous-représentation qu’elle soit des hommes ou des femmes. Dans ce cas le texte sera formulé de la manière suivante : les hommes et les femmes doivent représenter chacun au moins 40% des membres, ou encore : aucun des deux sexes n’occupera plus de 60% (ou moins de 40%) des sièges.
Les quotas peuvent aussi être utilisés pour aider les hommes à intégrer certains secteurs où les femmes sont très présentes ; c’est le cas du travail social, par exemple. Pourtant même dans ce secteur majoritairement féminin, il faut bien reconnaître que les postes de direction sont occupés par des hommes. C’est pourquoi les quotas en faveur des hommes se limitent en général au domaine de l’enseignement et aux premiers échelons de carrière. On ne rencontre que de rares exemples de quotas qui ont facilité le recrutement d’hommes en politique. (1) Dans le cadre de cette communication, nous nous intéresserons essentiellement aux quotas de femmes.
II/ L’IDEE DE PARITE
La parité peut être définie comme l’égalité quantitative garantie pour l’accès à certaines fonctions électives. Le concept, qui se présente comme une « demande d’égalité » et comme « la reconnaissance d’une altérité socialement construite » (3), permet d’échapper au dilemme classique que soulève la citoyenneté des femmes en démocratie : choisir entre l’égalité et la prise en compte de la différence sexuelle. Il a
obligé à repenser le contenu de l’universalisme abstrait et à analyser autrement la question de la représentation politique des femmes.
La parité équivaut-elle à un quota ? Non, répondent ceux qui soulignent que la philosophie sous-jacente à la parité (l’égalité parfaite) est différente de celle des quotas (qui est un seuil, et à ce titre considéré comme discriminatoire). « La parité ce n’est pas 50%-50%, écrit Eliane Vogel-Polsky. On exige la parité au nom de l’égalité de statut, et non pas au nom de la représentation d’une minorité » (4). La parité, en outre, a été votée à titre définitif, alors que le quota est, en principe, une mesure transitoire. Cependant, l´exemple de la loi française sur la parité a été utilisé dans les débats en faveur des quotas comme un modèle pour accroître de façon immédiate le nombre de
femmes élues. (1)
D’abord mise en avant par le Conseil de l’Europe, l’idée de parité a surgi à la fin de la décennie 1980 (5) ; puis elle a été portée, en France, par des intellectuelles et des mouvements de femmes, qui ont fait pression sur les pouvoirs publics au début des années 90. La conversion des féministes au réformisme juridique a été accélérée par
l’analyse de certaines intellectuelles. La parution en 1992 de l’ouvrage, Au pouvoir citoyennes ! Liberté, Egalité, Parité (6) a contribué à populariser l’idée, renchérie en 1996 par Francine Demichel qui a démontré avec force dans le Recueil Dalloz que la femme, parce que juridiquement « impensée et invisible », est le sexe mineur de la
théorie juridique. Elle conclut que le sexe doit être intégré dans la théorie de la représentation, via précisément la parité. Promue par les intellectuelles, la revendication paritaire l’a également été par les femmes politiques. Et en juin 1996, dix anciennes ministres, de toutes tendances politiques, ont publié dans le magazine L’Express un manifeste en faveur de la parité, qui va avoir un impact important sur l’issue du
débat. Reprise peu à peu par les acteurs politiques, de gauche comme de droite, la parité est devenue un enjeu majeur au cours des campagnes présidentielle de 1995 et législative de 1997. Dans un contexte de crise de la représentation, l’idée se répand qu’une démocratie sans les femmes est dévoyée. Les sondages révèlent par ailleurs que l’opinion aspire à voir ses élites se renouveler en se féminisant (7). L’alternance, qui a porté la gauche au pouvoir en juin 1997, a précipité les réformes, puisque, le leader socialiste (Lionel Jospin) avait fait du renouveau des institutions politiques (parité et limitation du cumul des mandats) un thème central de campagne.
En France, le débat sur la parité a suscité de violentes controverses sur les principes fondateurs de la République, qui ont traversé les frontières gauche-droite et divisé entre elles les féministes. Dans le camp des « anti », les Républicains orthodoxes considèrent que la parité porterait atteinte à l’universalisme parce qu’elle est une approche catégorielle de la citoyenneté. Dans le camp des « pro », se trouvent
ceux qui soulignent les limites de l’égalitarisme formel et dénient tout caractère démocratique à une démocratie sans les femmes. Le vote des réformes est venu clore la polémique, et la parité fait désormais consensus, dans l’opinion comme chez les acteurs politiques. Elle vise à favoriser un égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Elle oblige les partis à présenter, dans
tous les scrutins de liste, 50% de candidats de chaque sexe (à une unité près), faute de quoi les listes sont déclarées irrecevables.
En conclusion, la parité est une mesure très efficace pour féminiser les assemblées élues au scrutin de liste, pour lequel la sanction appliquée est le rejet de la liste qui ne respecte pas la parité. Mais alors que la parité est considérée comme une mesure définitive, un idéal à atteindre, dans la plupart des pays où l’écart entre les femmes
et les hommes en politique s’est considérablement creusé au détriment des femmes, le quota peut, lui, être considéré comme une mesure transitoire/temporaire vers la réalisation de cet idéal.
III/ QUOTA : ARGUMENTS FAVORABLES OU DEFAVORABLES
Un certain nombre d’arguments sont avancés pour ou contre les quotas
comme moyens d’améliorer la présence des femmes.
3.1. Arguments favorables
• Les quotas de femmes ne sont pas discriminatoires, ils servent à compenser les handicaps qui ôtent aux femmes la part des sièges qui leur revient ;
• les quotas impliquent la présence de plusieurs femmes dans un organe donné, réduisant ainsi la pression exercée sur une femme si elle était seule ;
• les femmes ont droit, en tant que citoyennes, à une représentation équitable (citons également l’argument, utilisé par les féministes françaises notamment, selon lequel tout quota différent de 50% n’est pas justifiable car les femmes constituent la moitié de l’humanité) ;
• l’expérience des femmes est nécessaire dans la vie politique ;
• les femmes sont tout aussi qualifiées que les hommes, mais leurs qualifications ne sont pas prises en compte ou sont discréditées par le système car il est à domination masculine ;
• ce sont finalement les partis politiques plutôt que les électeurs qui décident de ceux qui seront élus, parce qu’ils ont la nomination des candidats entre leurs mains ;
• l’introduction de quotas peut créer des conflits, certes, mais ils sont temporaires.
3.2. Arguments défavorables
• Les quotas sont contraires au principe d’égalité des chances pour tous, puisque les femmes sont avantagées ;
• les quotas ne sont pas démocratiques, car les électeurs doivent être ceux qui décident des élections ;
• les quotas impliquent que le sexe intervient plutôt que les qualifications dans la dévolution du pouvoir politique et qu’ainsi certains des candidats les plus compétents peuvent être écartés ;
• certaines femmes ne veulent pas être élues simplement parce qu’elles sont des femmes et le quota féminin serait une façon de leur forcer la main ;
• l’introduction de quotas est créatrice de graves conflits au sein même des partis.
IV/ LES QUOTAS DANS LE MONDE
Les quotas de femmes ont pour objet de donner à ces dernières plus de pouvoir. Cependant introduire des quotas alors que la résistance est sévère, comme ce fut le cas en Scandinavie, signifie que les femmes ont déjà acquis un certain pouvoir.
Le système de quotas peut revêtir différentes formes pour amener les femmes au parlement (8). Nous examinerons en détail dans les paragraphes qui suivent les deux principales :
• les quotas imposés par la constitution ou par la loi, et
• les quotas imposés au sein des partis, en particulier dans les systèmes des pays nordiques.
Souvent le débat se focalise sur l’introduction de quotas elle-même. Cependant, nous n’insisterons ici que sur le processus d’application de ces quotas. La mise en pratique a trop souvent été négligée alors qu’elle exerce une influence cruciale sur les résultats. Dans le pire des cas, il peut arriver qu’après de violents débats les quotas soient imposés, mais que cette décision n’entraîne aucun résultat faute de mesures d’application adéquates.
4.1. Les quotas inscrits dans la constitution ou dans la loi
Les pays où les quotas de femmes ont été inscrits dans la constitution ou dans la loi sont les suivants :
• En Ouganda, la Constitution de 1995 réserve un siège aux femmes dans chacune des 39 circonscriptions, ceci a permis une augmentation de 13% de la représentation féminine en politique. Par ailleurs, d’autres femmes peuvent être élues au parlement aux sièges non réservés.
• Dans les années 90, dix pays d’Amérique latine, ont passé une loi exigeant une présence minimale de 20 à 40% de femmes aux élections nationales. L’Argentine a été le premier pays à introduire un quota et figure parmi ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats. Des sanctions pour non-application de la loi ainsi que la suppression du panachage sur les listes électorales ont contribué à une augmentation substantielle de
la représentation des femmes.
• En Inde, le 74e amendement requiert que 33% des sièges soient réservés aux femmes dans les conseils municipaux. Le mouvement des femmes indiennes s’est aussitôt empressé de mobiliser et de former des candidates. Ce système de sièges réservés, comme celui des quotas, est très souvent évoqué et controversé dans la vie politique indienne. (9)
• Au Népal, la Constitution et la loi électorale exigent que 5% des candidats de chaque parti ou organisation soient des femmes. Mais la plupart des femmes sont désignées dans des circonscriptions où leur parti a peu de chance d’obtenir la majorité.
• Parmi les autres pays qui ont imposé une certaine représentation des femmes, on peut citer le Bangladesh (30 sièges sur 330, soit 9%), l’Érythrée (10 sièges sur 105), la Tanzanie (20% de sièges dans les organes nationaux et 25% au niveau local), la Namibie, la Belgique et l’Italie. (10)
• En France, en 1999, un amendement constitutionnel imposant l’égalité entre les hommes et les femmes dans les élections exige que 50% des candidats soient des femmes. Les partis qui ne respectent pas cette disposition sont pénalisés. (11)
4.2. Quelle a été l’expérience de ces quotas dans les divers pays ?
Il apparaît de manière évidente, qu’il est plus facile d’imposer un quota de femmes lorsque d’autres quotas, professionnels ou ethniques, par exemple, sont déjà en vigueur. Dans un grand nombre de pays on trouve un système de quotas régionaux selon lequel les sièges sont distribués aux diverses régions, non pas en fonction de la population, mais pour favoriser certaines régions par rapport à d’autres.
L’histoire semble prouver que la mise en place d’un système de quotas est plus aisée dans un régime politique neuf que dans un régime établi depuis longtemps où les sièges sont déjà « occupés » et où, en conséquence, un conflit peut éclater entre les nouveaux groupes et ceux des titulaires des sièges. Il est, en général, moins compliqué
d’appliquer des quotas pour les postes nommés que pour les postes élus.
Pour une élection, le système de quota touche au fondement même du processus démocratique et peut paraître contrevenir au principe selon lequel il revient aux électeurs de choisir librement leurs représentants. Cependant, la désignation est le stade crucial du processus électoral, et ce sont les partis qui, bien que soumis à
l’influence des électeurs, restent les détenteurs de cette décision.
On parle plutôt communément de « sièges réservés » lorsque la décision appartient aux instances nationales. Mais, en réalité, il n’y a pas de distinction claire entre un système de quota et celui de « sièges réservés » puisque des sièges distribués centralement peuvent être soumis à une forme d’élection comme c’est le cas en Ouganda ou comme ce fut celui des parlements des anciens pays communistes européens.
Les opposants au principe des sièges réservés se fondent sur le fait que ce système empêche toute augmentation de la représentation des femmes au-delà du nombre fixé. Est-ce que le système de quota empêche toute nouvelle augmentation de la représentation féminine et bloque tout recrutement supplémentaire de femmes au-delà du quota ? Ceci ne semble pas être un problème actuellement, du moins pas encore. Il est probable que des quotas inférieurs ou égaux à un tiers freinent l’accroissement
de la représentation féminine.
Un quota qui se situerait dans une fourchette de 40% minimum à 60% maximum peut empêcher une représentation féminine plus importante qui permettrait aux femmes de dominer une assemblée, comme les hommes ont si bien su le faire dans l’Histoire et comme ils le font encore dans la plupart des parlements du monde. Cependant, il faut remarquer qu’aucune organisation féminine n’a exigé jusqu’alors plus de 50% des sièges pour les femmes.
Il est aussi intéressant de noter que certains gouvernements, dans des États arabes en particulier, utilisent en fait le système de quota à leur avantage. En faisant entrer un plus grand nombre de femmes soigneusement choisies, les gouvernements remplissent un double objectif : bénéficier de la présence de femmes alibis « contrôlables », tout en prétendant favoriser la promotion de la participation des femmes à la politique. (1)
4.3. Les quotas décidés par les partis politiques : les pays nordiques
Les pays scandinaves, le Danemark, la Norvège et la Suède, sont reconnus pour avoir un très haut pourcentage de femmes en politique. Les pays nordiques ont le taux de représentation féminine le plus élevé du monde. Il a commencé à augmenter depuis une quarantaine d’années. En 2002, les femmes représentent plus de 42% des membres du Parlement en Suède, 38% au Danemark et 36% en Norvège.
Cette augmentation de la représentation féminine n’est pas passée par un amendement constitutionnel ni par un texte obligatoire quelconque. Elle doit être attribuée en grande partie à la pression soutenue que les groupes de femmes ont exercée à l’intérieur des partis et à celle du mouvement féministe en général. Les femmes se sont mobilisées et ont organisé une campagne en faveur de l’augmentation du nombre de candidates, et de candidates en position éligibles sur les listes électorales.
Cette pression s’est exercée sur tous les partis politiques scandinaves. Certains ont répondu par l’adoption du système de quotas, mais, dans trois pays scandinaves, il s’agit d’une décision prise par les partis et applicable aux partis eux-mêmes.
En 1983, le Parti travailliste norvégien décida que « chaque sexe doit être représenté par 40% au moins des candidats à toutes les élections ».
En 1988, le Parti social démocrate danois prit la décision suivante : «Chaque sexe a droit d’être représenté par 40% des candidats sociaux-démocrates aux élections municipales et régionales. Au cas où les représentants d’un des deux sexes ne seraient pas assez nombreux, des exceptions à cette règle pourraient être admises. » [Cette décision, qui s’appliquait également aux organes du parti, fut abolie en 1996.]
Malheureusement, cette tolérance annule le caractère obligatoire de la règle et, par conséquent, peut devenir une excuse pour le parti qui n’aura fait assez d’effort pour réunir un nombre suffisant de femmes.
Un règlement ne se suffit pas à lui-même. Un système de quota n’atteint généralement son objectif qu’en fonction des procédures d’application. Si ces dernières ne font pas l’objet d’une volonté politique établie, tout quota, qu’il soit de 30, de 40 ou de 50% restera vain. Le quota doit, dès le début, être intégré dans le processus de sélection et de désignation. Si le quota ne s’applique qu’à la dernière étape du processus, il est généralement fort difficile de le mettre en pratique. L’introduction de quotas de femmes dans les institutions scandinaves a rencontré deux difficultés principales. Premièrement, il a parfois été difficile de trouver un nombre suffisant de femmes disposées à se porter
candidates aux élections. Deuxièmement, des problèmes ont surgi dès qu’un parti devait écarter le candidat sortant parce qu’il fallait imposer la candidature d’une femme. Dans ces conditions, seuls les sièges où l’ancien député ne se représentait pas offraient une chance réelle aux femmes. Mais comme il fallait obtenir un nombre suffisant de retraits, de vifs conflits ont surgi entre les instances centrales du parti et les sections locales.
En ce qui concerne le premier problème, s’il est vrai que quelques difficultés ont été enregistrées ici ou là, ceci ne fut en rien généralisé et resta le fait de certains partis. L’expérience des dernières décennies prouve qu’il n’est pas difficile de recruter des
femmes qui ont déjà une expérience de la politique pour remplir de hautes responsabilités. C’est au premier niveau que se situe le véritable problème.
L’avantage du système de quotas réside dans le fait qu’il force les dirigeants chargés des désignations, particulièrement dans les partis politiques, à s’engager dans un processus actif de recrutement. En procédant de la sorte, ils sont amenés à s’intéresser aux conditions sociales et culturelles dans lesquelles s’exerce la politique ; c’est
l’occasion de chercher comment rendre la participation politique plus facile pour les femmes. Car aucun quota ne peut réduire la difficulté de combiner une triple activité : professionnelle, familiale et politique, ce qui est particulièrement compliqué pour les femmes.
Quant au second point, il est vrai que dans la plupart des systèmes politiques, le candidat sortant a un plus grand avantage que tout nouvel arrivant. La meilleure chance d’être désigné par un parti et d’être élu appartient à celui qui avait le siège auparavant. Par conséquent, plus le nombre de renouvellements de mandats est grand, plus il est difficile d’appliquer le système de quotas, puisque pour chaque femme à qui il convient de donner l’investiture, il faudra retirer celle-ci à un candidat sortant.
EN RESUME
1. Le système de quotas a pour objectif d’augmenter sensiblement la représentation politique des femmes ou, selon une autre approche, celle du sexe sous-représenté.
2. Pour qu’un système de quota porte ses fruits, il faut :
• Que les partis politiques s’impliquent activement dans le recrutement d’un nombre suffisant de femmes qualifiées pour satisfaire le quota ;
• une masse critique de femmes, et non pas quelques membres alibis, qui soit suffisante pour exercer une influence sur la règle et le comportement politiques ;
• des femmes dont la force de persuasion personnelle ou la position féministe spécifique peut influencer le processus de décision.
3. Le simple vote d’un règlement qui assure aux femmes un pourcentage de sièges n’est pas suffisant. L’étape suivante concernant l’application est critique. Pour mettre le quota en pratique, il ne faut pas oublier que :
• Plus le texte du règlement est vague, plus grand est le risque d’une mauvaise application, un quota peut avoir été décidé sans pour autant que le nombre de femmes augmente ;
• la pression des organisations féminines et d’associations diverses est nécessaire pour obtenir des résultats satisfaisants ;
• des sanctions doivent être prévues en cas de non-observation des exigences de quotas.
4. Contrairement à ce que de nombreux tenants des quotas pensaient ou espéraient, les controverses au sujet du quota de femmes ne sont pas temporaires, il s’agit d’une question qu’il faut continuer à surveiller en permanence. (1)
CONCLUSION
La VIè Conférence régionale africaine sur les femmes propose de veiller à l’application de la recommandation du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) qui stipule : « les gouvernements doivent garantir la représentation féminine dans les secteurs public, politique et privé et tant que l’écart entre homme et femmes n’est pas résorbé de façon équitable, le concept de système de quotas doit être adopté et maintenu ». La revendication de la parité peut réveiller ici ou là la proposition d’instaurer des quotas pour accélérer l’entrée des femmes dans la vie politique.
S’il est ainsi indispensable de ne pas perdre de vue l’importance de poser les jalons d’une promotion réelle et durable de la femme en politique, on peut être favorable à des quotas de fait. Cependant, il semble plus difficile de s’accorder sur les quotas de droit notamment dans les pays francophones. Il revient aux partis politiques de prendre
les dispositions nécessaires pour accorder une place de choix, en position éligible, aux femmes qui souhaitent se porter candidates. L’idée d’un financement public des partis politiques en fonction de la place accordée aux femmes est une autre stratégie avancée à cet effet.
L’adoption, à l’instar de la France, du système de parité constitue une des solutions possibles qui permettrait une réelle amélioration de la représentation des femmes. Une telle mesure permettrait l’investiture systématique et en bonne position des femmes sur les listes de candidatures des partis politiques. Mais encore faut-il qu’une telle disposition ne soit pas perçue comme une simple imitation systématique du modèle français et que la présence qualitative et quantitative des femmes dans les institutions démocratiques se matérialise par une amélioration des conditions de vie des populations, de la manière de gérer la chose publique et d’exercer le pouvoir.
NOTES
1. International IDEA, 2002, Les Femmes au Parlement : Au-delà du Nombre
2. Dictionnaire Petit Robert Grand Format
3. Françoise Gaspard, 1994, « De la parité : genèse d’un concept,
naissance d’un mouvement », Nouvelles Questions Féministes. Vol. 15, n°
4. p. 31.
4. Eliane Vogel-Polsky, 1994, « Les impasses de l’égalité ou pourquoi
les outils juridiques visant à l’égalité des femmes et des hommes
doivent être repensés en terme de parité ». Parité-Infos. hors série.
n°1. p. 9.
5. Le Conseil de l’Europe a organisé en 1989 un séminaire sur la
démocratie paritaire.
6. Françoise Gaspard, Servan-Schreiber, Claude et Anne Le Gall, 1992, Au
pouvoir citoyennes ! Liberté, Egalité, Parité. Paris (France) : Seuil
7. D’après un sondage IPSOS (Journal du Dimanche du 22 juin 1997), 80%
des personnes interrogées disent approuver l’inscription dans la
Constitution de l’objectif de parité hommes/femmes.
8. Vous trouverez une étude complète du système des quotas dans
Reynolds, A. et Reilly, Ben, 1997, Manuel sur les systèmes électoraux
dans le monde, International IDEA
9. RAI, Shirin, 2002, « Classe, Caste et sexe – Les Femmes au parlement
indien » in Les Femmes au Parlement : Au-delà du Nombre, International IDEA
10. Union interparlementaire, 1995, Les femmes au parlement : 1945-1995,
Genève (Suisse)
11. Conseil de l’Europe, « Actions en faveur de l’égalité des hommes et
des femmes », EG-S-PA (2 000) 7. p. 81.